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24/05/2022 | FRANCE | N°21BX04081

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 24 mai 2022, 21BX04081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103745 du 29 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

nregistrée le 25 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103745 du 29 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 29 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné son transfert aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile, ou de procéder au réexamen de sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur sa demande d'asile et ce dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens du procès ainsi que le versement à son conseil d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités belges :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités belges ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par lettre du 6 décembre 2021, la cour a invité le préfet de la Haute-Garonne à compléter l'instruction en versant toutes pièces et informations afférentes à l'exécution de l'arrêté de transfert ou de la prolongation du délai d'exécution de ce transfert.

En réponse à cette demande, le préfet de la Haute-Garonne a produit des pièces relatives à la situation de fuite de M. B..., enregistrées au greffe de la cour le 19 janvier 2022.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2021/019147 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 30 septembre 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 31 mars 1998, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 avril 2021. Le 3 mai 2021, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne. À cette occasion, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Slovénie le 27 février 2019 ainsi qu'en Belgique le 18 mars 2019. Les autorités slovènes, saisies le 18 mai 2021 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n°604/2013, ont fait connaître leur refus le 27 mai 2021. Les autorités belges, saisies le 18 mai 2021 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n°604/2013 ont explicitement accepté, le 26 mai 2021, de prendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 21 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé ayant été déclaré en fuite, le délai de transfert a été prolongé de dix-huit mois à compter de la date du jugement du 29 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité, soit jusqu'au 29 décembre 2022. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités belges :

2. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau, les moyens invoqués en première instance tiré de ce que l'arrêté de transfert aux autorités belges est insuffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs suffisamment et pertinemment retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déclaré, lors du dépôt de sa demande d'asile en préfecture, comprendre et lire le pachtou, et s'est vu remettre le 3 mai 2021, à cette occasion, la brochure A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin. Qu'est-ce que cela signifie ' " qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement, en langue pachtou. M. B... a été informé lors de l'entretien individuel qui s'est déroulé par le biais d'un interprète en langue pachtou, que sa demande d'asile était traitée conformément au règlement (UE) n° 604/2013, dit règlement " Dublin ". Il a, à cette occasion, déclaré avoir reçu l'information sur les règlements communautaires applicables et avoir compris la procédure engagée à son encontre.

5. Il ne ressort en revanche d'aucune pièce du dossier que M. B... aurait reçu le livret " Les empreintes et Eurodac ". Toutefois, la brochure A comporte bien les informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les empreintes digitales sont vérifiées dans la base de données Eurodac, conformément au point 3 de l'article 4 du règlement Dublin. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de ce document a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée. En tout état de cause, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 précité, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle l'État français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

6. En troisième lieu et dernier lieu, M. B... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté portant assignation à résidence serait illégal en raison de l'illégalité de la décision portant transfert qui le fonde.

8. En deuxième lieu, M. B... reprend, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait insuffisamment motivée. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Lorsqu'un Etat requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à l'assignation à résidence édictée en application du présent article, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet Etat dans les plus brefs délais ou si un autre Etat peut être requis. En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. ".

10. L'accord des autorités belges étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la mesure d'éloignement demeurait une perspective raisonnable et que M. B... pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 21 juin 2021 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant, d'une part, au paiement des entiers dépens du procès, lequel, au demeurant, n'en comporte aucun, et, d'autre part, à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.

Le président-assesseur,

Frédéric FAÏCKLe président,

Didier A...

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX04081 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04081
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-24;21bx04081 ?
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