Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de l'Aveyron l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.
Par un jugement n° 2104337 du 27 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 août 2021, M. A... D..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de l'Aveyron l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de l'Aveyron de lui délivrer un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de le munir dans l'attente d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) d'enjoindre à la préfète de l'Aveyron de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et dénature l'argumentation et les pièces produites car il résulte de l'argumentation développée qu'il a contesté par voie d'exception la légalité de la mesure d'éloignement fondée sur le refus de séjour en soulevant des moyens de légalité externe et interne du refus de séjour implicite que la décision d'éloignement constitue. La préfète n'ayant pas prononcé de refus de séjour dans le dispositif de la décision attaquée, il ne pouvait que demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
- en sollicitant dans ses conclusions l'annulation de la mesure d'éloignement sur le fondement de l'irrégularité de l'instruction et sur le fondement de l'erreur manifeste d'appréciation du refus de séjour, il doit être regardé comme ayant soulevé le moyen de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision préfectorale attaquée est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et a été prise aux termes d'une instruction irrégulière au regard de la demande d'admission exceptionnelle au séjour puisque le préfet était tenu de réunir la commission du titre de séjour. En ce sens, la mesure d'éloignement est illégale par exception de l'illégalité de la procédure d'instruction de la demande de titre de séjour ;
- si la cour estimait que l'autorité administrative ne s'est pas prononcée sur sa demande de titre de séjour, il conviendra d'annuler l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'omission par la préfète de répondre à sa demande de titre de séjour ;
- il résulte des mentions de la décision attaquée, que la demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire présentée le 18 février 2020 et la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée le 8 septembre 2020, n'ont pas été examinées par les autorités préfectorales ;
- saisie sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète était tenue de réunir la commission du titre de séjour, ce qu'elle a omis de faire, avant de se prononcer sur la demande de titre de séjour ;
- contrairement à ce que la préfète a estimé, les pièces versées aux débats démontrent qu'il justifie avoir en France des liens personnels intenses, anciens et stables. Il n'a plus aucune famille dans son pays d'origine. Ainsi le refus d'autoriser son séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;
- compte tenu de son séjour de plus de 15 ans en France, de la réalité de son implication bénévole dans plusieurs associations aveyronnaises, par application de l'article L. 313-14 devenu L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels qui auraient dû conduire la préfète à lui délivrer un titre " vie privée et familiale " ;
- la mesure d'éloignement étant illégale, fondée sur une instruction illégale de la demande de titre de séjour sur laquelle l'autorité préfectorale ne s'est pas prononcée, la mesure de restriction de liberté prononcée le 19 juillet 2021 devra elle aussi être annulée, ainsi que la mesure d'interdiction du territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, la préfète de l'Aveyron conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant marocain né le 23 mars 1983, déclare être entré en France en 2006 de manière irrégulière. Il a fait l'objet, le 9 octobre 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet des Alpes-Maritimes et a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade le 26 juillet 2013. Il s'est vu délivrer, en cette qualité, une autorisation provisoire de séjour valable du 30 juillet 2013 au 29 janvier 2014. M. A... D... a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour le 10 décembre 2013. Par un arrêté du 10 mars 2014, le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. Cet arrêté a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 mars 2014 statuant sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, puis par un second jugement du 26 janvier 2016 statuant sur le refus de séjour. M. A... D... n'a pas exécuté cette décision et a sollicité le 18 février 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " auprès des services de la préfecture de l'Aveyron. Enfin, le 8 septembre 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 12 juillet 2021, la préfète de l'Aveyron l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... D... a également fait l'objet, par un arrêté du même jour, d'une assignation à résidence. Il relève appel du jugement du 27 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. A... D... soutient que le tribunal aurait dénaturé son argumentation en ne retenant pas sa contestation par voie d'exception de la légalité du refus de séjour implicite que la décision d'éloignement constitue. Toutefois, il ressort des termes du jugement critiqué que le premier juge n'a pas omis de statuer sur ce moyen mais a estimé que ce moyen n'était pas expressément soulevé et qu'au surplus la requête ne contenait aucune conclusion à fin d'annulation d'un refus de titre de séjour. La contestation de cette appréciation relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
3. En second lieu, en estimant que les documents produit par M. A... D... n'était pas suffisants pour établir la continuité et la réalité´ de sa résidence habituelle sur le territoire français pendant plus de dix ans, le premier juge, qui a procédé ainsi à un examen attentif des pièces du dossier, n'a pas statué ultra petita.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. En premier lieu, conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé, dans ses considérants, les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.
5. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté que son auteur a procédé, pour toutes ses décisions, à un examen sérieux et particulier des éléments relatifs à la situation du requérant. A cet égard, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, que contrairement aux affirmations de M. A... D..., la préfète de l'Aveyron, a expressément mentionné les raisons pour lesquelles la demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire présentée le 18 février 2020 par le requérant et celle en qualité de salarié présentée le 8 septembre 2020 étaient rejetées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
7. M. A... D... fait valoir qu'il est présent en France depuis plus de 15 ans et qu'ainsi le centre de ses attaches personnelles et familiales est fixé sur le territoire national où résident d'ailleurs sa sœur et ses neveux et qu'il est impliqué de manière bénévole dans de nombreuses associations aveyronnaises. Il produit à cet égard, une attestation de bénévolat au sein de l'association Emmaüs en date du 10 avril 2019 mentionnant son implication bénévole " depuis début 2011 jusqu'à l'automne 2012 ", une attestation de présence aux Restos du Cœur du 25 octobre 2019 certifiant son implication depuis janvier 2015, une attestation du Secours populaire français du 14 mars 2019 indiquant qu'il était bénévole actif de 2013 à 2014, et des contrats de missions en intérim réalisées entre le 1er mars et le 4 avril 2014. Cependant, alors que M. A... D... n'a produit aucun document justifiant de sa présence en France de 2006 à 2012, ces documents ne sont pas suffisants pour établir à eux seuls, la réalité de sa résidence habituelle sur le territoire français entre 2012 et la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., qui est célibataire, sans charge de famille, n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, le Maroc, où résident ses parents et deux de ses sœurs. Dans ces conditions, l'arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas porté à l'intéressé une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Par ailleurs, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que la préfète de l'Aveyron aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun des éléments de la situation de M. A... D..., et notamment sa situation professionnelle, n'était de nature à caractériser un motif exceptionnel ou des circonstances humanitaires justifiant la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Enfin, il résulte de ce qui a été mentionné au point 7 que le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour devait être consultée en application du 2ème alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence seraient privés de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aveyron du 12 juillet 2021. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de l'Aveyron.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Dominique C... La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03448