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24/05/2022 | FRANCE | N°20BX01151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 24 mai 2022, 20BX01151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Fonfrède a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société CRX Consultant, MM. D..., B..., F..., la société Nadal, la société Villeneuve, et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 169 136,34 euros toutes taxes comprises, en réparation des désordres affectant les travaux de rénovation qu'il avait entrepris, de condamner la société ACEP Industrie à lui

verser la somme de 27 195,09 euros TTC au titre des désordres du calorifugeage des c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Fonfrède a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société CRX Consultant, MM. D..., B..., F..., la société Nadal, la société Villeneuve, et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à lui verser la somme de 169 136,34 euros toutes taxes comprises, en réparation des désordres affectant les travaux de rénovation qu'il avait entrepris, de condamner la société ACEP Industrie à lui verser la somme de 27 195,09 euros TTC au titre des désordres du calorifugeage des circuits d'eau et des plaques de faux plafond, et de condamner la société ATCE Ingénierie et la SHAM à lui verser la somme de 21 467,69 euros au titre des frais de reprise des désordres dans les arrivées d'air.

Par un jugement n° 1800504 du 27 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum, d'une part, MM. D..., B..., F..., maîtres d'œuvre, et la société Nadal à verser à l'EHPAD Fonfrède la somme de 102 605 euros toutes taxes comprises, d'autre part, M. D..., M. B..., M. F... et la société Villeneuve à verser à cet établissement la somme de 2 574 euros toutes taxes comprises, et a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 10 907,87 euros à la charge définitive de la société Nadal à hauteur de 15 %, de la société Girardi à hauteur de 15 %, de la société Villeneuve à hauteur de 10 %, de MM. D..., B..., F... solidairement à hauteur de 30 % et de l'EHPAD Fonfrède à hauteur de 30 %.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires rectificatif et récapitulatif, enregistrés le 27 mars 2020, le 30 mars 2020, et le 25 avril 2022, l'EHPAD Fonfrède, représenté par Me Delavallade, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la SHAM, la société CRX Consultant, et la société ACEP Industrie, ainsi que celles relatives à la prise en charge des dépens ;

2°) de condamner in solidum la société CRX Consultant à lui verser la somme de 38 341,95 euros hors taxes, sur le fondement de la responsabilité décennale, correspondant au solde restant dû des travaux de réfection pour remédier aux désordres en cause, déduction faite de la somme de 102 605 euros à laquelle le groupement de maîtrise d'œuvre a été condamné en première instance ;

3°) de condamner la société ACEP Industrie à lui verser la somme de 21 260,08 euros au titre des travaux de reprise des défauts de calorifugeage des circuits d'eau glacée, ainsi qu'une somme de 1 680 euros, correspondant au coût de remplacement des faux plafonds, sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil ;

4°) de condamner la SHAM, assureur dommage ouvrage, au paiement d'une somme de 21 467,69 euros correspondant aux frais de mise en œuvre d'une solution définitive d'arrivée d'air ;

5°) de mettre à la charge de l'ensemble des parties perdantes la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme étant irrecevables ses conclusions dirigées contre la SHAM en qualité d'assureur dommage ouvrage, dès lors que le maître de l'ouvrage est recevable à rechercher, sur le terrain de la garantie décennale, la responsabilité solidaire des constructeurs et de l'assureur dommage ouvrage ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme étant irrecevables ses conclusions dirigées contre la société CRX Consultant, dès lors que le contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage constitue un contrat de louage d'ouvrage, qu'elle a la qualité de constructeur et que sa responsabilité est engagée sur le fondement de la garantie décennale ;

- il appartenait à la société CRX Consultant, en sa qualité d'assistant à maîtrise d'ouvrage, de prévoir les contraintes et exigences fonctionnelles et techniques relatives à l'entretien et à l'utilisation de l'ouvrage, en particulier des bas de portes de l'unité Alzheimer ; le rapport d'expertise ayant relevé des lacunes du cabinet CRX Consultant à ce niveau, les désordres affectant le parement des bas de portes de cette unité lui sont imputables ;

- à défaut de pouvoir rechercher la responsabilité de la société ACEP Industrie sur le terrain de la responsabilité décennale, la responsabilité de cette dernière est néanmoins engagée sur le terrain contractuel à son égard, dès lors que les désordres affectant le calorifugeage des circuits d'eau glacée lui sont imputables ;

- la SHAM doit prendre à sa charge, en sa qualité d'assureur dommage ouvrage, le coût de la mise en œuvre d'une solution définitive d'arrivées d'air neuf depuis la toiture chiffrée à 21 467,69 euros ;

- les travaux de reprise des désordres affectant les bas de portes de l'unité Alzheimer doivent être chiffrés à 17 696,50 euros hors taxes pour les chambres et à 6 137,71 euros hors taxes pour les autres locaux de service et espaces de circulation suivant l'estimation de l'expert ;

- les travaux de reprise des désordres affectant les circuits d'eau glacée sont chiffrés à 23 832,10 euros toutes taxes comprises selon le chiffrage du sapiteur et à 1 680 euros toutes taxes comprises pour le remplacement de 28 plaques de faux plafonds endommagés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2020 et le 15 janvier 2021, MM. D..., B..., F..., représentés par Me Harmand, concluent à ce qu'il soit donné acte que la requête de l'EHPAD Fonfrède n'est pas dirigée contre eux et à ce qu'ils soient mis hors de cause, subsidiairement, au rejet de l'appel en garantie présenté par la SHAM et à la condamnation de la société ATCE et de la société CRX Consultant à les garantir des éventuelles condamnations prononcées contre eux. Ils font valoir que les moyens soulevés par l'EHPAD Fonfrède ne sont pas fondés.

Par mémoires en défense, enregistrés le 24 novembre 2020 et le 19 avril 2022, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), représentée par Me Czamanski, conclut à titre principal au rejet de la requête de l'EHPAD Fonfrède et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté son action subrogatoire comme irrecevable et à la condamnation in solidum de MM. D..., B..., F... et de la société CRX Consultant à lui rembourser la somme de 12 385,19 euros au titre des travaux préfinancés par elle concernant les tunnels de désenfumage, à la condamnation in solidum de la société Nadal, de la société Apave Sudeurope, de MM. D..., B..., F..., et de la société CRX Consultant à la garantir et la relever intégralement des éventuelles condamnations prononcées à son encontre en réparation des désordres affectant les tunnels de désenfumage, la cuisine, la laverie et les plafonds, à la condamnation de la société CRX Consultant à la garantir et la relever intégralement des éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle en réparation des désordres affectant les parements des portes de l'unité Alzheimer, à la condamnation de MM. D..., B..., F... à la garantir et la relever intégralement des éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle en réparation des désordres affectant les salles de bains, et à ce qu'il soit mis à la charge de la partie perdante la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que son action subrogatoire dirigée contre les constructeurs était irrecevable au motif qu'elle soulevait un litige distinct de l'appel principal du maître de l'ouvrage ;

- elle est bien subrogée dans les droits de son assuré, l'EHPAD Fonfrède, en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, pour obtenir des responsables le remboursement des sommes versées à son assuré ;

- elle n'a pas à rembourser les frais de mise en œuvre d'une solution définitive d'arrivée d'air neuf dans les tunnels de désenfumage, dès lors que la solution des pompes de relevage mise en œuvre en 2014, et qu'elle a financé, a permis de mettre fin aux désordres ;

- les désordres affectant les amenées d'air neuf du système de désenfumage étant imputables à la maîtrise d'œuvre, elle est fondée à titre subsidiaire à être relevée indemne de toute condamnation prononcée à ce titre par M. D..., M. B..., et M. F....

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2021, la société Nadal, représentée par Me Escande, conclut à titre principal à sa mise hors de cause et, dans l'hypothèse où la responsabilité des sociétés CRX Consultant et ACEP Industrie serait retenue, à la réformation des articles 6 et 7 du dispositif du jugement, à titre subsidiaire, au rejet des demandes dirigées contre elle par la SHAM, et à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il convient de confirmer le jugement en ses articles 2 et 3 concernant les désordres affectant la laverie et la cuisine ;

- si la responsabilité des sociétés CRX Consultant et ACEP Industrie était retenue, les articles 6 et 7 du jugement seront réformés afin qu'il en soit tenu compte dans la répartition du paiement des dépens et des frais irrépétibles ;

- concernant les désordres affectant le tunnel de désenfumage, la SHAM n'articule aucun grief à son encontre, l'expert a relevé qu'elle était étrangère à leur réalisation, ces désordres étant imputables à un défaut de conception dans les amenées d'air neuf ;

- s'agissant des désordres affectant les plafonds, l'expert a considéré que le phénomène de condensation n'était pas imputable à un défaut d'isolation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2021, la société CRX Consultant et la société SMA, son assureur, représentées par Me Renaudie, concluent au rejet de la requête de l'EHPAD Fonfrède, subsidiairement, à la condamnation de la société ACEP Industrie et de la SHAM à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EHPAD Fonfrède la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elles font valoir que :

- eu égard à sa mission d'assistant à maîtrise d'ouvrage, limitée aux seuls aspects administratifs de l'opération, la société CRX Consultant n'avait pas la qualité de constructeur et n'est donc pas tenue à la garantie décennale ;

- en tout état de cause, les désordres affectant la cuisine et la laverie ne lui sont pas imputables ; sa responsabilité ne peut être recherchée s'agissant des désordres relatifs au faux plafonds, dus à des erreurs d'exécution ; la maîtrise d'œuvre et la société ACEP Industrie sont seules responsables et elles ont en outre manqué à leur devoir de conseil à son égard de sorte qu'elle seront condamnées à la garantir et la relever indemne en cas de condamnations éventuelles prononcées à son encontre ;

- s'agissant des désordres affectant les parements des portes de l'unité Alzheimer, pour lesquels l'EHPAD Fonfrède recherche sa responsabilité décennale, ils sont imputables à un défaut d'entretien imputable au maître de l'ouvrage, et le programme qu'il a élaboré afférent aux contraintes et exigences fonctionnelles et techniques relatives à l'utilisation de l'ouvrage n'avait pas à entrer dans les détails, qu'il appartenait à la seule maîtrise d'œuvre de préciser ; si elle devait être tenue pour responsable, la part de responsabilité incombant au maître de l'ouvrage sera au moins fixée à 30 % ;

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions dirigées contre son assureur, la société SMA.

Par deux mémoires, enregistrés le 24 décembre 2021 et le 5 janvier 2022, la société Apave Sudeurope, représentée par Me Berthiaud, conclut au rejet de la requête de l'EHPAD Fonfrède, subsidiairement, à sa mise hors de cause, et à la condamnation in solidum de M. D..., M. F..., M. B..., de la société CRX Consultant, de la société Nadal, de la société Verdi Conseil midi-atlantique venant aux droits de la société ACTE ingénierie, et de la société ACEP Industrie à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, et à ce qu'il soit mis à la charge de la SHAM ou de toute partie succombante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande tendant à ce qu'elle soit condamnée à garantir la SHAM des condamnations éventuellement prononcées contre elle ne concernant que les seuls désordres affectant la mise en œuvre d'une solution définitive d'arrivée d'air neuf, les conclusions de la SHAM dirigées contre elle au titre des désordres affectant la cuisine et la laverie ne pourront qu'être rejetées, car relatives à des catégories de désordres distincts de l'appel principal de l'EHPAD Fonfrède ; la SHAM n'apporte qu'aucune précision de nature à établir que les désordres relatifs au désenfumage lui sont imputables, alors que l'expert a seulement relevé que ces désordres sont imputables à un défaut de conception imputable à la maîtrise d'œuvre ; les désordres affectant la cuisine et la laverie, consistant en des passages d'eau au pied de cloison entre la chape et la dallage, ne mettent pas en cause la solidité de l'ouvrage, et les éléments d'équipement dissociables ne faisaient pas partie intégrante de sa mission de contrôle technique ;

- la demande de la société CRX Consultant à son encontre est sans objet, dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation en première instance ;

- dans l'hypothèse où elle serait condamnée, elle sollicite d'être relevée indemne par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, à l'égard des désordres affectant le désenfumage, la cuisine et la laverie, par la société ACEP Industrie, titulaire du lot " VMC, climatisation et désenfumage ", qui aurait dû alerter la maîtrise d'œuvre, par la société CRX Consultant qui n'a pas transmis le classement des locaux, par les sociétés Nadal et Girardi qui ont commis des erreurs d'exécution.

Par ordonnance du 25 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 décembre 2021 à 12 heures.

Par lettre du 26 avril 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'EHPAD Fonfrède en tant qu'elles tendent à la condamnation de la société ACEP Industrie sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ces conclusions étant nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chapenoire, représentant l'EHPAD Fonfrède, de Me Czamanski, représentant la SHAM, de Me Escande, représentant la société Nadal Dominique, de Me Le Pennec représentant la SAS cabinet Laurent D.../ Triode architectes, M. F..., la société Clipper architecture et de M. B... E....

Considérant ce qui suit :

1. Des travaux d'extension et de restructuration de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Fonfrède à Eymet (Dordogne) ont été lancés en 2007. Pour cette opération, l'EHPAD a souscrit auprès de la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) un contrat d'assurance dommage ouvrage. L'assistance à maîtrise d'ouvrage a été confiée à la société CRX Consultant, la maîtrise d'œuvre à un groupement solidaire composé de M. D... (mandataire), M. B..., M. F... et de la société ATCE, et le contrôle technique à la société Apave Sudeurope. Les travaux ont été divisés en 24 lots. Le lot n°9 " menuiserie " a été attribué à la société Villeneuve, les lots n°11 " plâtre isolation " et n°16 " faux plafonds " ont été attribués à la société Nadal, le lot n°15 " carrelage et faïence " à la société Girardi et le lot n°13 " chauffage et climatisation " à la société ACEP Industrie. Ces lots ont été réceptionnés le 27 novembre 2008, sans réserve. Des désordres étant apparus à partir de juin 2010, qui concernent la cuisine-laverie, les plafonds de plusieurs chambres, les coffres des volets roulants, les bas de portes de l'unité Alzheimer, les salles d'eau, le circuit d'eau glacée et les amenées d'air neuf du circuit de désenfumage, l'EHPAD Fonfrède a demandé, en référé, une expertise qui a été ordonnée le 1er septembre 2016, et dont le rapport a été déposé le 6 juillet 2017.

2. L'EHPAD Fonfrède a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation, d'une part, in solidum de MM. D..., B..., F..., des sociétés Nadal et Villeneuve et de la SHAM à l'indemniser des désordres affectant la cuisine-laverie, les plafonds, les coffres des volets roulants, les bas de portes de l'unité Alzheimer et les salles d'eau, d'autre part, de la société ACEP Industrie à l'indemniser des désordres du circuit d'eau glacée et, enfin, de la société ATCE Ingénierie et de la SHAM à l'indemniser des désordres affectant les arrivées d'air neuf.

3. Par un jugement n° 1800504 du 27 janvier 2020, ce tribunal a condamné in solidum MM. D..., B..., F... et la société Nadal à verser à l'EHPAD Fonfrède la somme de 105 179 euros, a condamné la société Nadal et la société Girardi à garantir MM. D..., B..., F..., à hauteur de 25 % chacune et MM. D..., B..., F... à garantir la société Nadal à hauteur de 50 % de cette condamnation, et a rejeté le surplus des conclusions présentées par l'EHPAD Fonfrède. L'EHPAD Fonfrède relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires dirigées contre la SHAM, la société CRX Consultant et la société ACEP Industrie.

Sur l'appel de l'EHPAD Fonfrède :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la société ACEP Industrie sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

4. L'EHPAD Fonfrède demande que la société ACEP Industrie, titulaire du lot n°13 " chauffage et climatisation ", soit condamnée à lui verser une somme totale de 22 940,08 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle correspondant au coût des travaux de remplacement de plaques de faux plafond, endommagées par les défauts de calorifugeage des circuits d'eau glacée. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, l'EHPAD Fonfrède s'était borné à invoquer la responsabilité décennale des constructeurs. Dès lors, les conclusions qu'il présente pour la première fois en appel, fondées sur la responsabilité contractuelle, relèvent d'une cause juridique distincte et sont par suite irrecevables. En tout état de cause, les travaux litigieux ont été réceptionnés sans réserve le 27 novembre 2008 de sorte que la responsabilité des constructeurs ne peut plus être recherchée sur le terrain contractuel. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la société CRX Consultant sur le fondement de la responsabilité décennale :

5. L'EHPAD Fonfrède demande que la société CRX Consultant, chargée d'une mission de conduite d'opération, soit condamnée, sur le fondement de la garantie décennale, à l'indemniser du coût de reprise des désordres affectant les bas de porte de l'unité Alzheimer. Il ressort toutefois du rapport d'expertise que ces désordres, qui consistent en une altération et un gonflement du parement des bas de porte, sont exclusivement imputables à un défaut d'entretien de l'ouvrage, qui incombe au maître de l'ouvrage, lequel n'a pas pris les précautions nécessaires pour que les eaux de lavage n'imbibent pas quotidiennement les bas de porte lors du passage de la serpillère. Par suite, les conclusions dirigées à l'encontre de la société CRX Consultants par l'EHPAD Fonfrède sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation in solidum des constructeurs avec la SHAM :

6. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté les conclusions présentées par l'EHPAD Fonfrède en tant qu'elles tendaient à la condamnation de son assureur solidairement avec les constructeurs.

7. L'EHPAD Fonfrède persiste en appel à demander la condamnation de la SHAM, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 21 467,69 euros au titre des frais de mise en œuvre d'une solution définitive d'arrivée d'air afin de remédier aux désordres affectant les amenées d'air neuf des tunnels de désenfumage, consistant en l'inondation des tunnels en période pluvieuse. Toutefois, l'EHPAD Fonfrède ne peut que rechercher la responsabilité contractuelle de son assureur dommages-ouvrages dans le cadre du préfinancement des travaux de réparation des désordres, qui repose sur un régime légal et conventionnel. Alors même que ce régime de préfinancement couvre des désordres de nature décennale, il est distinct du régime de la garantie décennale des constructeurs parmi lesquels ne figurent pas les assureurs. Ainsi, la SHAM n'ayant pas concouru aux désordres qu'il lui appartient d'indemniser dans le cadre du contrat conclu avec l'EHPAD Fonfrède, ce dernier n'est pas fondé à demander que soit prononcée la condamnation solidaire de son assureur avec les constructeurs.

8. A supposer que l'EHPAD Fonfrède ait entendu également rechercher la responsabilité de la SHAM en exécution du contrat d'assurance dommages-ouvrages, il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'expertise, qu'il a été remédié en 2014 aux désordres affectant les amenées d'air neuf du système de désenfumage par l'installation en 2016 de pompes de relevage, et que ce système provisoire fonctionne et s'avère suffisamment pérenne pour ne pas recourir à la solution définitive proposée par la SHAM le 10 août 2015, chiffrée à 21 467,69 euros, consistant à l'installation d'une arrivée d'air neuf depuis la toiture. L'EHPAD Fonfrède n'ayant pas accepté l'indemnisation proposée par son assureur à ce titre pour remédier à ces désordres par le choix d'une solution définitive, et alors qu'il n'est au demeurant ni établi ni même allégué en appel que l'installation de pompes de relevage n'empêcherait pas les remontées d'eau depuis la nappe phréatique dans les tunnels de désenfumage, l'EHPAD Fonfrède n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la SHAM.

Sur les appels en garantie des autres parties :

9. Le présent arrêt ne prononce aucune condamnation à l'encontre de MM. D..., B..., F... et des sociétés Apave Sudeurope, CRX Consultant et ACEP Industrie. Par suite, les conclusions de ceux-ci tendant à être garantis d'éventuelles condamnations par les autres constructeurs sont, par suite, sans objet.

10. Il résulte de ce qui précède que l'EHPAD Fonfrède n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions dirigées contre la société CRX Consultant sur le fondement de la responsabilité décennale, contre la société ACEP Industrie sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et contre la SHAM.

Sur les frais d'expertise :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer la répartition des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 10 907, 87 euros par ordonnance du 10 juillet 2017, opérée par le tribunal administratif de Bordeaux, en les mettant à la charge définitive de la société Nadal à hauteur de 15 %, de la société Girardi à hauteur de 15 %, de la société Villeneuve à hauteur de 10 %, de MM. D..., B..., F... solidairement à hauteur de 30 % et de l'EHPAD Fonfrède à hauteur de 30 %.

Sur les frais d'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 671-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EHPAD Fonfrède et le surplus des conclusions des autres parties sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD Fonfrède, à la société Apave Sudeurope, à la société Verdi Conseil midi atlantique venant aux droits de la société ACTE ingénierie, à la société ACEP Industrie, à la société Nadal, à la SHAM, à la société CRX Consultant et à MM. D..., B..., F....

Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.

La rapporteure,

Agnès C...Le président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01151
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELARL BERTHIAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-24;20bx01151 ?
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