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24/05/2022 | FRANCE | N°20BX00088

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 24 mai 2022, 20BX00088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 3 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Brive-la-Gaillarde n'a pas renouvelé son contrat de travail, d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses effectifs en la faisant bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière, et de condamner cette commune à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi.

Par un jugement n° 1700658 du 7

novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 3 novembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Brive-la-Gaillarde n'a pas renouvelé son contrat de travail, d'enjoindre à la commune de la réintégrer dans ses effectifs en la faisant bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière, et de condamner cette commune à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi.

Par un jugement n° 1700658 du 7 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2020, Mme F... B..., représentée par Me Marche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1700658 du tribunal ;

2°) de condamner la commune à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de juger que son contrat doit se poursuivre avec une durée indéterminée ; d'ordonner sa réintégration dans les effectifs de la commune de Brive-la-Gaillarde et d'enjoindre à celle-ci de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a commis une faute qui engage sa responsabilité dès lors qu'elle a recouru de manière abusive à des contrats successifs à durée indéterminée sur une période allant de 2003 à 2015, soit douze années ; ce faisant, la commune a aussi méconnu les exigences de la directive communautaire 1999/CE/70 du 28 juin 1999 sur le droit des agents contractuels à bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée ; la commune ne pouvait justifier ces renouvellements successifs de contrat en invoquant la nécessité de faire face à un accroissement temporaire des besoins du service pendant une durée aussi longue ;

- à titre subsidiaire, la décision de ne pas renouveler son contrat est illégale dès lors qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service ; elle a en effet toujours donné satisfaction dans ses missions comme le maire l'a lui-même reconnu dans sa décision du 3 novembre 2015 ; de plus, la réorganisation des services invoquée par la commune ne pouvait fonder la décision de non-renouvellement dès lors qu'il apparait que les deux agents titulaires réaffectés au sein des services communaux n'ont pas été affectés sur le poste qu'elle occupait ; la commune a commis une erreur de droit et un détournement de pouvoir ; l'illégalité constituée par la décision de non-renouvellement constitue une faute qui engage la responsabilité de la commune ;

- la commune a commis une faute en ne lui proposant pas un contrat de travail à durée indéterminée auquel elle avait droit en application de la loi du 12 mars 2012 et des décrets du 21 mars 2014 et du 3 novembre 2014 ;

- son préjudice doit être évalué à la somme de 10 000 euros qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune responsable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2020, la commune de Brive-la-Gaillarde, représentée par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... A...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

- et les observations de Me Marche pour Mme C... épouse B... G... D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 avril 2003, Mme F... B... a été recrutée par la commune de Brive-la-Gaillarde dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'agent d'entretien. Elle a ultérieurement signé avec la commune d'autres contrats à durée déterminée dont le dernier, daté du 5 juin 2015, a pris fin le 31 décembre 2015. Par une lettre du 3 novembre 2015, le maire de Brive-la-Gaillarde a informé Mme B... du non-renouvellement de son dernier contrat. Mme B..., par une demande préalable du 10 février 2017, a sollicité auprès de la commune l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison du non-renouvellement de son contrat. Cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Limoges de conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 novembre 2015 et à la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à l'indemniser de ses préjudices. Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté comme tardive la demande d'annulation de la décision du 3 novembre 2015 puis rejeté les conclusions indemnitaires. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'octroi de dommages et intérêts et à ses conclusions tendant à ce que son droit à obtenir un contrat de travail à durée indéterminée soit reconnu.

2. En premier lieu, en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné peut se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., après avoir été recrutée une première fois du 28 avril 2003 au 31 décembre 2005, a cessé toute relations professionnelles avec la commune pendant six années. Ce n'est, en effet, que le 26 novembre 2011 que Mme B... a de nouveau été engagée par la commune jusqu'au 6 janvier 2013, puis pour une brève période du 22 avril au 5 mai 2013, et enfin du 21 octobre 2013 au 31 décembre 2015. Comme l'a relevé le tribunal administratif de Limoges, il résulte de l'instruction, et notamment de l'état des remplacements produit par la commune de Brive-la-Gaillarde, qu'entre 2012 et 2015 Mme B... a été recrutée pour des besoins différents en vue de faire face à des absences d'agents titulaires en raison de maladies ou de congés, pour répondre à des besoins saisonniers ou encore pour pallier des vacances temporaires d'emplois résultant de mutations. Dans ces circonstances, la commune de Brive-la-Gaillarde ne peut être regardée comme ayant recouru de manière abusive à des contrats à durée déterminée et n'a dès lors pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, modifié par l'article 40 de la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités (...) peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : 1° Un accroissement temporaire d'activité (...) 2° Un accroissement saisonnier d'activité (...) ". Aux termes de l'article 3-3 de la même loi " (...) des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; 3° Pour les emplois de secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants (...) ; 4° Pour les emplois à temps non complet des communes de moins de 1 000 habitants (...) ; 5° Pour les emplois des communes de moins de 2 000 habitants (...) dont la création ou la suppression dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité (...) en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public. Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée (...) Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ". Aux termes de l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 : " (...) II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans au moins (...) est conclu pour une durée indéterminée. (...) Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée des interruptions entre deux contrats n'excède pas quatre mois (...) ".

5. Mme B..., qui a été recrutée du 28 avril 2003 au 31 décembre 2005, puis, après une interruption de six années, du 26 novembre 2011 au 6 janvier 2013, du 22 avril au 5 mai 2013 et enfin du 21 octobre 2013 au 31 décembre 2015, ne remplit pas la condition légale tenant à la durée de six années de services dès lors, en particulier, que les dispositions précitées prévoient que les services accomplis de manière discontinue ne sont pas pris en compte quand l'interruption entre deux contrats excède quatre mois. De plus, Mme B..., qui a été recrutée pour faire face à des accroissements temporaires d'activités ou pour assurer des remplacements sur un poste de catégorie C, n'entre dans aucune des catégories pour lesquelles les dispositions législatives précitées prévoient le droit, lorsque la condition de durée des services est remplie, d'obtenir un contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait commis une illégalité fautive, de nature à engager sa responsabilité, en ne lui proposant pas un contrat de travail à durée indéterminée à l'issue de son dernier contrat.

6. En troisième et dernier lieu, l'agent public recruté par contrat à durée déterminée, dont le contrat est arrivé à échéance, ne peut se prévaloir d'aucun droit au renouvellement de celui-ci. L'autorité compétente peut toujours décider, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, de ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée et, par là-même, de mettre fin aux fonctions de cet agent. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une réorganisation de services consécutive à la fusion d'un syndicat avec la communauté d'agglomération du bassin de Brive, la commune de Brive-la-Gaillarde a décidé de réaffecter deux agents d'entretien, dont les emplois avaient été supprimés, dans son service des moyens généraux à compter du 1er décembre 2015. Dans sa décision du 3 novembre 2015 de ne pas renouveler le contrat de travail de Mme B..., le maire de Brive-la-Gaillarde a précisé à cette dernière que les agents concernés seraient réaffectés sur des postes qu'elle avait précédemment occupés. Si Mme B... conteste la matérialité de cette réaffectation, il résulte de l'instruction, et notamment de l'organigramme de l'année 2016 des services produits par la commune, que les deux agents concernés ont bien été mis à la disposition du service des moyens généraux dans lequel officiait Mme B.... Dans ces conditions, et alors même que Mme B... a toujours donné satisfaction dans l'exercice de ses fonctions, il existait un motif tiré de l'intérêt du service qui justifiait la décision de ne pas renouveler son contrat de travail, laquelle n'est pas non plus entachée d'un détournement de pouvoir. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait, en prenant la décision en litige du 3 novembre 2015, commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

8. Les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la requérante la somme que demande la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 20BX00088 de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Brive-la-Gaillarde au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et à la commune de Brive-la-Gaillarde.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00088
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BAZIN et CAZELLES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-24;20bx00088 ?
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