Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, à titre principal, d'une part, d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 3 décembre 2015 portant suspension de fonctions, d'autre part, d'annuler les décisions implicites de la préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises, portant modification de son régime indemnitaire.
Par un jugement n° 1600546 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2019 et des mémoires enregistrés le 8 octobre 2021 et 31 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Hassine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 31 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 3 décembre 2015 portant suspension de fonctions ;
3°) d'annuler les décisions implicites de la préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), portant modification de son régime indemnitaire ;
4°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses recours administratifs ;
5°) d'enjoindre au préfet des TAAF et au ministre de l'intérieur de le rétablir dans ses droits pécuniaires, et en particulier de lui rembourser la somme indûment recouvrée de 18 987 euros ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Le jugement n'a pas examiné les moyens qu'il invoquait à l'encontre de la décision de suspension litigieuse ;
- Cette mesure de suspension a pris effet et lui a causé des préjudices de carrière et financiers ;
- Il n'a jamais eu communication de l'arrêté de remise à disposition ;
- Cette décision de suspension est entachée d'incompétence et est insuffisamment motivée ;
- Les décisions relatives à son régime indemnitaire sont entachées d'un défaut de motivation ;
- Cette décision de suspension est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les fautes qui lui sont reprochées ne présentent pas de caractère de gravité et de vraisemblance ;
- Ces fautes ne sont pas établies ;
- Son régime indemnitaire a été modifié avant l'intervention de la mesure de suspension ;
- Le plafond indemnitaire applicable aux agents des services déconcentrés du ministère de l'intérieur ne lui est pas applicable dès lors qu'il n'a pas été détaché auprès du ministère de l'intérieur ;
- Les autres fonctionnaires des TAAF ont conservé le bénéfice de l'indexation et de la majoration de traitement pendant leurs congés de maladie passés en métropole.
Par des mémoires enregistrés les 22 avril 2021 et 28 janvier 2022, l'administration des TAAF, représentée par Me Fau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A....
Elle soutient que le tribunal n'avait pas à répondre à des moyens qui concernaient des conclusions qu'il a jugées irrecevables ; que la décision de suspension querellée n'a jamais reçu d'exécution ; que M. A... n'a pas lié le contentieux concernant l'effacement de cette décision de son dossier administratif ; qu'en outre les conclusions tendant à cet effacement, nouvelles en appel, sont irrecevables ; enfin que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il entend faire sien le mémoire présenté pour l'administration des TAAF le 22 avril 2021 et entend s'en rapporter à son mémoire de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 2006-1179 du 23 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Me Hassine représentant M. A..., et de Me Dos Santos Cagarelho, représentant le Territoire des terres Australes et Antarctiques Françaises.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été affecté aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) en qualité de chef du service des ressources humaines à compter du 1er janvier 2010, ainsi que de directeur de cabinet du préfet à compter du 1er juillet 2011. Il relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel le ministre de l'intérieur l'a suspendu de ses fonctions et à l'annulation des décisions implicites portant modification de son régime indemnitaire, ensemble le rejet des recours hiérarchiques qu'il a formés contre ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ". La suspension d'un fonctionnaire décidée en application de ces dispositions est une mesure conservatoire, prise dans l'intérêt du service lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Dans l'intérêt du service, l'autorité hiérarchique peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un fonctionnaire qui bénéficie d'un congé maladie ordinaire. La suspension n'entre alors en vigueur qu'à compter de la date à laquelle ce congé prend fin, sa durée étant toutefois décomptée à partir de la signature de la décision qui la prononce. Même si elle ne prévoit pas expressément une entrée en vigueur différée, la décision de suspension prise pendant un congé de maladie produit effet dans ces conditions et ne met donc pas fin au congé et au régime de rémunération afférent à celui-ci.
3. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que, le 19 octobre 2015, M. A... s'était vu prescrire un arrêt de travail pour la période du 19 octobre 2015 au 7 décembre 2015 puis que cet arrêt de travail a ensuite été prolongé jusqu'au 31 décembre 2015. Ainsi, la décision de suspension de fonctions dont il a fait l'objet le 3 décembre 2015 n'a pas pu prendre effet avant la fin de ce congé maladie. En outre, par un arrêté du 4 décembre 2015, devenu définitif, le ministre de l'intérieur a prononcé la réintégration de M. A... dans son corps d'origine au sein du ministère de l'éducation nationale à compter du même jour et doit ainsi être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé cette décision de suspension alors, au demeurant, que l'appelant ne pouvait plus faire l'objet, à compter de cette date, d'une mesure de suspension de fonctions qu'il avait donc cessé d'exercer.
4. Il résulte de ce qui précède, que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que la décision de suspension litigieuse du 3 décembre 2015 n'était jamais entrée en vigueur et que, par suite, les conclusions tendant à son annulation étaient dépourvues d'objet à la date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de la Réunion et ne pouvaient dès lors qu'être rejetées comme irrecevables sans que M. A... puisse utilement soutenir, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, que cette décision lui aurait causé un quelconque préjudice.
5. En second lieu, les premiers juges ayant considéré que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de suspension du 3 décembre 2015 étaient irrecevables, ils n'étaient pas tenus d'examiner les moyens qu'il invoquait à l'encontre de cette décision. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que, faute d'avoir répondu à ces moyens, le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait légalement lui retirer les avantages liés à son affectation à La Réunion pendant la durée de son congé maladie passé en Métropole, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
7. En troisième lieu, les TAAF sont une collectivité territoriale créée par la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 et placée sous l'autorité d'un représentant de l'Etat qui dirige les services de l'Etat. Par ailleurs, L'article 40 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoit que " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ". Enfin, en application des dispositions de l'article 16 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat " Par dérogation aux dispositions de l'article précédent : (...) 3° Sont prononcés par arrêté du seul ministre dont ils relèvent dans leur corps d'origine, après accord, le cas échéant, du ou des ministres intéressés : a) Le renouvellement du détachement lorsque ses conditions demeurent identiques ; b) Le détachement, pour servir dans une collectivité d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, des fonctionnaires appartenant à un corps relevant d'un département ministériel différent de celui dont dépend le corps ou l'emploi dans lequel le détachement est prononcé ".
8. Par deux arrêtés du ministre de l'éducation nationale et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en date des 3 décembre 2009 et 24 septembre 2012, M. A..., attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été " placé en position de détachement auprès du ministère de l'intérieur (...) pour exercer ses fonctions à l'administration supérieure des Terres australes et antarctiques françaises " conformément aux dispositions précitées de l'article 16 du décret du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985. Par suite et contrairement à ce qu'il soutient, l'appelant a effectivement été détaché dans le corps des attachés d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer alors régi par le décret n° 2006-1179 du 23 décembre 2006 sans pouvoir utilement faire valoir, à cet égard, qu'aucun arrêté d'accueil n'a été pris par le ministre de l'intérieur ou se prévaloir de diverses correspondances, le plus souvent rédigées par ses soins, quand bien même elles seraient signées du préfet des TAAF, ainsi que d'un document non daté intitulé " fiche pratique- état des lieux : recrutement / statut / position des fonctionnaires recrutés par les TAAF ".
9. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait lui appliquer le régime indemnitaire du corps des attachés d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer alors régi par le décret n° 2006-1179 du 23 décembre 2006 ni, par voie de conséquence, à contester, pour ce seul motif, la modification du montant des primes qui lui ont été versées au cours des mois de novembre et décembre 2015, en particulier la suppression de la part " résultats " de la prime de fonctions et de résultat, la réduction de la part " fonctions " de cette prime à 1 300 euros et de celle de l'indemnité dégressive à 1,16 euros ainsi que le rappel concomitant des primes qu'il a indûment perçues.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la mesure de suspension dont il a fait l'objet et des décisions implicites de la préfète, administratrice supérieure des TAAF, portant modification de son régime indemnitaire. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.
11. En application des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 750 euros au titre des frais exposés par les TAAF.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera aux TAAF une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises, et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX04944 2