Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Solana a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, qui lui ont été assignés au titre des années 2012 à 2014, par avis de mise en recouvrement du 30 septembre 2015, et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1601899 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des réductions prononcées en cours d'instance par le directeur du contrôle fiscal du Sud-ouest et déchargé la société Solana des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, demeurant à sa charge au titre des années 2012 à 2014.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 7 février 2019, et un mémoire enregistré le 12 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2018 ;
2°) de rétablir les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, assignés à la SARL Solana au titre des années 2012 à 2014, dont la décharge a été ordonnée à tort par le tribunal administratif, ainsi que toutes ses conséquences de droit.
Il soutient que :
- l'appel formé par l'administration, au regard de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, n'est pas tardif ;
- le tribunal administratif de Pau, en considérant que les conditions d'application des dispositions de l'article 268 du code général des impôts étaient satisfaites, a fait une mauvaise appréciation des faits, ce qui a conduit à une application inexacte de la législation applicable.
Par mémoires en défense enregistrés le 23 avril 2019 et le 14 septembre 2020, la SARL Solana, représentée par Me Maublanc, conclut au rejet du recours du ministre et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le recours du ministre est tardif et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été reportée au 16 octobre 2020.
Un mémoire présenté par la SARL Solana a été enregistré le 22 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Solana exerce l'activité de marchand de biens immobiliers. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée le 10 juin 2015, remettant en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliqué sur la vente de plusieurs terrains à bâtir. Les rappels correspondants ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2015 pour un montant total en droits et pénalités de 202 693 euros au titre de la période contrôlée (101 828 euros pour 2012, 48 764 euros pour 2013 et 52 101 euros pour 2014). La société Solana a formé une réclamation le 12 novembre 2015 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le tribunal administratif de Pau a été saisi du litige et en cours d'instance l'administration a partiellement dégrevé les impositions à hauteur de 97 906 euros en droits et pénalités (soit 49 154 euros au titre de l'année 2012, 16 194 euros pour 2013 et 32 558 euros pour 2014). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2018, en tant qu'il a déchargé la société Solana des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, demeurant en litige au titre des années 2012 à 2014 pour un montant total de 104 787 euros (soit 52 674 euros pour 2012, 32 570 euros pour 2013 et 19 543 euros pour 2014).
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'intimée :
2. Aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " À compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ". Il résulte de ces dispositions que le délai imparti au ministre pour interjeter appel d'un jugement est de quatre mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis.
3. Il résulte de l'instruction, que le jugement du tribunal administratif de Pau a été notifié à la direction de contrôle fiscal sud-ouest, service à l'origine du contrôle, le 23 octobre 2018. Il n'est pas allégué que ce jugement aurait été signifié directement au ministre. Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance, seul compétent pour faire appel a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 7 février 2019, dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales. Dès lors, la SARL Solana n'est pas fondée à soutenir que ledit recours, déposé dans le délai de quatre mois, serait tardif. La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du ministre de l'économie, des finances et de la relance doit, par suite, être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
5. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".
6. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, soit que le bâtiment qui y était édifié ait fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur soit que le bien acquis ait fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. En outre, à une réponse à une question préjudicielle posées par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416727 du 25 juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne (CUJE) dans un arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021, rendu dans le cadre du régime de taxe sur la valeur immobilière applicable avant le 11 mars 2010, mais également applicable au régime actuel, est venue confirmer que l'article 392 de la directive de 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, notamment par l'effet d'une division parcellaire, des terrains à bâtir. Une ordonnance n° C-191/21 de cette même Cour en date du 10 février 2022, en réponse à une question préjudicielle posée par la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 mars 2021, réitère cette solution.
7. Il résulte de l'instruction que les impositions demeurant en litige concernent sept ventes de terrains à bâtir situés à Labenne, Boucau, Tarnos et Capbreton que la société Solana a acquis et qui n'ont pas ouvert de droit à déduction de la TVA. La société Solana a divisé en plusieurs lots parcellaires ces terrains en détachant les immeubles bâtis qu'elle avait précédemment acquis et dont il ne ressort pas des pièces produites qu'ils étaient en ruine au moment de l'achat et impropres à l'usage d'habitation. La revente de ces terrains à bâtir ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment, intervenue entre l'acquisition initiale et la cession est exclue du régime de la TVA sur la marge quand bien même la société avait, dès l'acquisition de l'ensemble immobilier, l'intention de procéder à une opération de division en terrains à bâtir. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la revente de ces terrains pouvait être placée, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société était redevable, sous le régime de la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.
8. Il appartient toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Solana devant le tribunal administratif et devant la cour.
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tenant à ce que la condition d'identité fiscale entre le bien vendu et le bien acquis serait purement doctrinal et ajouterait à la loi et celui tenant à ce que cette condition serait contraire à l'intention du législateur et au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent qu'être écartés.
10. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la requête d'appel récapitule l'ensemble des cessions restant en litige. En outre, il convient de rappeler que les parcelles pour lesquelles la division a effectivement été obtenue et réalisée avant l'acquisition définitive de la totalité du terrain par la société requérante, ont déjà fait l'objet d'un dégrèvement en cours d'instance devant les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de la SARL Solana. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a déchargé la société Solana des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, demeurant en litige au titre des années 2012 à 2014 pour un montant total de 104 787 euros et de les remettre à la charge de cette société. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SARL Solana tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2018 sont annulés.
Article 2 : Les rappels de TVA sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 d'un montant total de 104 787 euros sont remis à la charge de la SARL Solana.
Article 3 : Les conclusions de la SARL Solana tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SARL Solana.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
Dominique A... La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00469