Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n°2105272 du 21 octobre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Boyancé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence d'examen du moyen tiré de l'erreur d'appréciation soulevé à l'encontre de la décision d'interdiction de retour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision, qui ne mentionne pas son épouse de nationalité française et son enfant à naître, est insuffisamment motivée;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'appréciation s'agissant du risque de fuite;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision sur laquelle elle est fondée;
- elle est entachée d'un défaut d'examen;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les observations de Me Boyancé, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 22 janvier 1989, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 7 octobre 2021 par lesquels la préfète de la Gironde, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de quarante-cinq jours. Il relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Bordeaux que M. B... a fait valoir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour, un moyen tiré de ce qu'elle était entachée d'erreur d'appréciation. Le tribunal a rejeté la demande de M. B... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit donc être annulé, pour ce motif, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour.
3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 611-1 1°, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. B... est entré irrégulièrement en France, ne remplit aucune condition pour y résider et ne présente pas de garantie de représentation suffisante. Il ajoute que l'intéressé ne justifie pas de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens avec la France et qu'il est défavorablement connu des services de police. Dès lors qu'il ressort de cette décision que le préfet a bien examiné la situation personnelle de M. B..., la circonstance qu'il n'évoque pas son mariage récent avec une ressortissante française et la grossesse de celle-ci n'est pas de nature à faire regarder cette décision comme insuffisamment motivée. En outre, il ressort de ces mentions que le préfet a procédé à un examen de l'ensemble de sa situation personnelle. Par suite les moyens tirés du défaut de motivation et de l'absence d'examen particulier de la situation de M. B... doivent être écartés.
5. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2018, de son mariage avec une ressortissante française le 6 mars 2021 et de la grossesse de son épouse à la date de la décision attaquée. Toutefois, à cette date, son mariage était très récent et il n'apporte aucun élément de nature à justifier d'une vie commune antérieure, alors que les justificatifs de séjour qu'il produit ne concernent que quelques mois de 2019, date à laquelle il résidait en Lorraine, et quelques mois en 2021. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par cette mesure. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qui aurait été commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, l'appelant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision portant refus de délai de départ volontaire.
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :(...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France de manière irrégulière, qu'il n'avait pas sollicité de titre de séjour à la date de la décision attaquée et qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement du 27 novembre 2018. Il entrait ainsi dans les cas où, en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait légalement considérer qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, les seules circonstances qu'il présenterait des garanties de représentation suffisantes et qu'il était sur le point de déposer une demande de titre de séjour en tant que conjoint de français ne permettent pas de considérer que ce risque n'était pas caractérisé à la date de la décision attaquée. Par suite, la décision portant refus de délai de départ volontaire ne peut être regardée comme étant entachée d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, l'appelant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour./ Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français". En vertu de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
12. Pour fixer à trois ans l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse, la préfète s'est fondée sur les circonstances que l'intéressé ne justifie pas de la durée de son séjour sur le territoire français ni de l'intensité et de l'ancienneté de ses liens avec la France, qu'il s'est soustrait a une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'il a été interpellé pour des faits de ports d'arme de catégorie D et défaut de permis de conduire, qu'il est très défavorablement connu des services de police et a été signalé à plusieurs reprises sous une autre identité pour des faits de recel et de vol. Toutefois, alors que l'intéressé conteste la réalité de ces faits et soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que l'arme de catégorie D était transportée dans le cadre de son activité professionnelle, aucune pièce du dossier ne permet de justifier de cette menace. Dans ces conditions, alors que M. B... était marié avec une ressortissante française depuis 6 mois et que son enfant français devait naître dans les semaines suivantes, et quand bien même l'intéressé se serait soustrait à une précédente mesure d'éloignement, en fixant à la durée maximale de trois ans la durée de l'interdiction de retour, la préfète de la Gironde a entaché sa décision d'erreur d'appréciation. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination et annule la décision portant interdiction du territoire français n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour provisoire à M. B... ni le réexamen de sa situation. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de prendre de telles mesures sauraient être accueillies.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 octobre 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : La décision portant interdiction de retour sur le territoire français est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zucarello, présidente-assesseure,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.
La rapporteure,
Christelle D...La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX0140