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12/05/2022 | FRANCE | N°20BX00573

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 12 mai 2022, 20BX00573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d'office.

Par un jugement n°1900331 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2020, M. B..., représenté par Me Dugoujon, demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d'office.

Par un jugement n°1900331 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2020, M. B..., représenté par Me Dugoujon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence de lecture de ses observations écrites lors de la séance du conseil de discipline et l'absence de communication des témoignages qu'il avait produits constituent une méconnaissance des droits de la défense ;

- le conseil de discipline était irrégulièrement composé en raison de la présence du chef de la division des personnels enseignants du secondaire ;

- du fait de cette présence, cette décision est entachée d'un détournement de procédure ;

- la mesure retenue est disproportionnée au regard de sa carrière, de ses états de service et de son implication professionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-914 du 10 octobre 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur certifié titulaire depuis 1992 a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a prononcé à son encontre la sanction de la mise à la retraite d'office. Il relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 modifié, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " (...) Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) A la demande d'un membre du conseil, du fonctionnaire poursuivi ou de son ou de ses défenseurs, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins, ou à une nouvelle audition d'un témoin déjà entendu. Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a eu connaissance de son entier dossier et du rapport établi par l'autorité disciplinaire avant la tenue de la réunion du conseil de discipline et qu'il a formulé des observations écrites sur son dossier et ce rapport. Il ressort également des pièces du dossier que ces observations écrites ont été intégrées à son dossier qui a été mis à la disposition des membres du conseil de discipline et qu'il a été fait état de leur existence dans le cadre de la lecture du rapport devant le conseil de discipline. Il ressort également du compte-rendu du conseil de discipline que M. B... a eu la faculté de lire ses observations écrites en séance et qu'il a été mis à même de formuler des observations orales, lors desquelles il a apporté des précisions sur ces observations écrites et les a développées. Ainsi, alors que les dispositions précitées imposent que le fonctionnaire traduit en conseil de discipline puisse présenter en temps utile des observations écrites, lues en séance, dans des conditions qui permettent d'éclairer le conseil de discipline sur les données de l'affaire mais n'imposent pas que les observations écrites de l'intéressé soient lues immédiatement après le rapport établi par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ni soient lues en séance par une autre personne que lui-même, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus au motif que ses observations écrites n'ont pas été lues par le fonctionnaire chargé de la lecture du rapport immédiatement après celui-ci.

4. D'autre part, alors que le décret du 25 octobre 1984 ne prévoit pas d'obligation pour l'administration de transmettre au conseil de discipline les pièces produites par l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que les témoignages produits par M. B... ont été évoqués par le conseil du requérant lors de la tenue du conseil de discipline, ces témoignages ayant, au demeurant, trait à la qualité de son travail, laquelle n'était pas contestée par l'administration. Dans ce contexte, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de transmission de ces pièces serait constitutive d'une méconnaissance des droits de la défense.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce même décret : " (...) Le président de la commission peut convoquer des experts à la demande de l'administration ou à la demande des représentants du personnel afin qu'ils soient entendus sur un point inscrit à l'ordre du jour. / Les experts ne peuvent assister qu'à la partie des débats, à l'exclusion du vote, relative aux questions pour lesquelles leur présence a été demandée ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le chef de la division des personnels de l'enseignement secondaire au rectorat de l'académie de La Réunion, qui est mentionné en qualité d'expert dans le procès-verbal du conseil de discipline, a procédé à la lecture du rapport de saisine et a assisté à l'audition de M. B.... Toutefois, alors qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline qu'il n'a pas pris la parole en dehors de la lecture du rapport, qu'il a quitté la réunion à l'issue de l'audition de M. B... et des témoins et qu'il n'a participé ni au délibéré ni au vote du conseil, sa présence n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché d'irrégularité l'avis rendu par le conseil de discipline.

7. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 6, la présence de ce fonctionnaire lors d'une partie de la réunion du conseil de discipline ne peut être regardée comme constituant un détournement de procédure visant à modifier la composition de ce conseil, alors même qu'il n'aurait pas été sollicité en qualité d'expert pendant la réunion.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) / Troisième groupe : / - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation ".

9. D'une part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. D'autre part, l'autorité de chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.

10. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Pierre de La Réunion du 15 février 2018, devenu définitif, M. B... a été déclaré coupable d'agressions sexuelles commises par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction sur trois élèves du lycée Roland-Garros au Tampon dans lequel il était affecté, et condamné pour ces faits à une peine d'emprisonnement délictuel de deux ans assortie du sursis ainsi qu'à une peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer la profession d'enseignant. M. B... ne conteste ni la réalité ni le caractère fautif des faits pour lesquels il a été sanctionné. Il fait cependant valoir qu'il a toujours été un agent exemplaire avec d'excellentes appréciations et qu'après avoir été volontaire six ans en zone sensible, il a fait preuve durant toute sa carrière d'une forte implication auprès des élèves, de ses collègues et dans la vie académique. Toutefois, eu égard à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature de la faute commise par l'intéressé, à la réputation du service public de l'éducation nationale ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service, et alors que les éventuels comportements et tenues " provocateurs " des élèves ne sauraient constituer des circonstances atténuantes, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée à la faute reprochée en décidant de la mise en retraite d'office de M. B....

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Francisco B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zucarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La rapporteure,

Christelle D...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00573 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00573
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUGOUJON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-12;20bx00573 ?
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