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19/04/2022 | FRANCE | N°21BX01410

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 avril 2022, 21BX01410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... F... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 25 août 2020, par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 2001152 du 20 janvier 2021, le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 27 mars 2021, Mme A... F... A..., représentée par Me Chamberland-Poulin, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... F... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 25 août 2020, par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 2001152 du 20 janvier 2021, le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2021, Mme A... F... A..., représentée par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de la Guyane du 20 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 25 aout 2020 par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et à défaut de procéder, dans les mêmes conditions de délai, au réexamen de sa situation avec la délivrance pendant le temps de ce réexamen d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'irrégularité : c'est à tort que le tribunal a considéré que sa requête était manifestement irrecevable pour n'avoir invoqué aucun moyen conforme à l'appui de ses conclusions. En effet, bien que la requête en annulation devant le tribunal administratif contenait des erreurs d'identification de la procédure et comprenait une partie sur la recevabilité de la requête en référé, en démontrant notamment l'urgence, elle faisait cependant également valoir des moyens tenant à l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Guyane en date du 25 août 2020 et le dispositif de la requête tendait explicitement à l'annulation de cet arrêté ;

- l'arrêté du préfet en litige est entaché d'incompétence du signataire de l'acte ;

- l'arrêté méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Le préfet de la Guyane n'a produit aucun mémoire en défense.

Par ordonnance du 16 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-le rapport de M. C...,

-et les observations de Me Chamberland-Poulin, représentant Mme A... F... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... F... A..., ressortissante brésilienne, née le 30 décembre 1994, est entrée en France en 2011, selon ses déclarations. Elle a sollicité le 23 juillet 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 25 août 2020, le préfet de la Guyane a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... F... A... relève appel de l'ordonnance du 20 janvier 2021, par laquelle le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Par l'ordonnance en litige, le président du tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande de Mme A... F... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2020 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire au motif qu'elle n'invoquait aucun moyen conforme à l'appui de ses conclusions et que par conséquent sa requête était manifestement irrecevable.

5. Cependant, il ressort des termes de la demande de Mme A... F... A... devant le tribunal que si celle-ci contenait des erreurs d'identification de la procédure et comprenait notamment une partie sur la recevabilité en référé en démontrant notamment l'urgence, elle avait pour titre " requête en annulation d'un arrêté " et mentionnait expressément dans son dispositif " annuler l'arrêté préfectoral de refus de séjour pris à son encontre " et à cet égard, la requête faisait valoir des moyens tenant à l'illégalité de l'arrêté du préfet de la Guyane en date du 25 août 2020, notamment l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation et la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, c'est à tort que le président du tribunal administratif de la Guyane a considéré la requête de Mme A... F... A... comme étant manifestement irrecevable au motif qu'elle n'invoquait aucun moyen conforme à l'appui de ses conclusions. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que l'ordonnance en litige est entachée d'irrégularité.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... F... A... devant le tribunal administratif de la Guyane et devant la cour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue a l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... F... A..., née en 1994, âgée de 26 ans à la date de l'arrêté attaqué, est entrée en France en 2011 et vit en Guyane depuis cette date. Elle a donné naissance le 27 avril 2013 à Kourou à une petite fille prénommée Sophia et vit depuis 2019 en concubinage avec un ressortissant néerlandais, de mère française, qui vit en Guyane depuis sa naissance. De cette relation est né à Kourou le 20 avril 2020, un fils prénommé D.... Il ressort également des pièces du dossier que le compagnon de Mme A... F... A..., qui a repris la ferme d'élevage de bovins de ses parents dans le cadre d'une SCEA agricole et qui est également entrepreneur individuel et propriétaire de plusieurs biens immobiliers, subvient aux besoins financiers de la requérante et contribue avec elle à l'entretien et à l'éducation des enfants. B..., il ressort également des pièces du dossier que la requérante a suivi une formation en boucherie, afin de pouvoir relier sa future activité professionnelle à celle de son concubin sur son exploitation. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme A... F... A... est fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 en rejetant sa demande de titre de séjour.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... F... A... est fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, et par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. En application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, d'enjoindre au préfet de la Guyane de délivrer à la requérante une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en l'état, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais de la présente instance, une somme de 1 200 euros à verser à Mme A... F... A....

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de la Guyane du 20 janvier 2021 est annulée.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Guyane du 25 août 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme A... F... A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... F... A... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... F... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022

Le rapporteur,

Dominique C...La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Véronique Epinette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01410
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-19;21bx01410 ?
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