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19/04/2022 | FRANCE | N°19BX01291

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 avril 2022, 19BX01291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Nowak Foncier a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 pour un montant total de 60 376 euros.

Par un jugement n° 1605291 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la SARL Nowak Foncier des rappels de taxe sur la valeur ajo

utée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie pour un montan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Nowak Foncier a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 pour un montant total de 60 376 euros.

Par un jugement n° 1605291 du 5 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la SARL Nowak Foncier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie pour un montant total de 60 376 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019, et un mémoire enregistré le 2 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2018 ;

2°) de rétablir la SARL Nowak Foncier aux rappels de TVA mis à sa charge sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014 dont la décharge a été ordonnée à tort par le tribunal administratif.

Il soutient que l'application de l'article 268 du code général des impôts qui prévoit que la cession d'un bien immobilier est soumise à la taxe à valeur ajoutée sur la marge lorsqu'il n'a pas ouvert droit à déduction lors de son acquisition initiale, implique que le bien revendu soit identique au bien dont l'acquisition n'a pas ouvert droit à déduction ; l'esprit du dispositif tel qu'il est issu de la transposition de la directive européenne relative au système commun de TVA, commande l'existence d'une telle condition d'identité juridique ; tel est le cas de terrains à bâtir précédemment acquis comme terrains n'ayant pas le caractère d'immeubles bâtis ou d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans acquis précédemment en l'état d'immeuble déjà bâti ; en revanche, ni l'achat d'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans puis la revente du seul terrain d'assiette après destruction de l'immeuble ni l'opération consistant en la vente, après division parcellaire, d'un terrain à bâtir qui avait été initialement acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti et, comme tel, assimilé à ce dernier ne peuvent bénéficier de ce régime ; en l'occurrence, la revente de terrains à bâtir issus de la division parcellaire intervenue entre l'acquisition initiale et la cession, a entraîné un changement de qualification juridique, du fait de la modification de la superficie vendue par rapport à celle de 1' acte initial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2019, la SARL Nowak Foncier représentée par Me Gérard-Deprez, conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 décembre 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fersi, représentant la société Nowak Foncier.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Nowak Foncier qui exerce une activité de marchand de biens, lotisseur et aménageur foncier a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013 et jusqu'au 30 novembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application de la TVA sur la marge appliquée sur les ventes intervenues en 2013 et 2014 de plusieurs terrains à bâtir détachés d'un ensemble immobilier comportant un immeuble à usage d'habitation qui avait été acquis le 31 janvier 2013. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 5 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la SARL Nowak Foncier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie sur la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014 pour un montant total de 60 376 euros.

Sur le bien-fondé du motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. Toutefois, l'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, soit que le bâtiment qui y était édifié ait fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur soit que le bien acquis ait fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. En outre, à une réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 416727 du 25 juin 2020, la Cour de justice de l'Union européenne (CUJE) dans un arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021, rendu dans le cadre du régime de taxe sur la valeur immobilière applicable avant le 11 mars 2010, mais également applicable au régime actuel, est venue confirmer que l'article 392 de la directive de 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des livraisons de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, notamment par l'effet d'une division parcellaire, des terrains à bâtir. Une ordonnance n° C-191/21 de cette même Cour en date du 10 février 2022, en réponse à une question préjudicielle posée par la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 mars 2021 concernant les terrains acquis bâtis, réitère cette solution.

5. Il résulte de l'instruction que la société Nowak Foncier a acquis, le 31 janvier 2013, un ensemble immobilier bâti qui n'a pas ouvert de droit à déduction de la TVA. Cette société a divisé, le 31 mai 2013, en 10 lots parcellaires ce terrain, détachant ainsi l'immeuble bâti qu'elle avait précédemment acquis. La revente de ces terrains à bâtir ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment, intervenue entre l'acquisition initiale et la cession est exclue du régime de la TVA sur la marge quand bien même la société avait, dès l'acquisition de cet ensemble immobilier, l'intention de procéder à une opération de division en terrains à bâtir. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la revente de ces terrains pouvait être placée, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société était redevable, sous le régime de la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.

6. Au titre de l'effet dévolutif de l'appel, la société Nowak Foncier n'a soulevé ni devant le tribunal administratif ni devant la cour, aucun autre moyen.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la SARL Nowak Foncier. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de cette société les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des ventes concernées ainsi que les pénalités correspondantes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SARL Nowak Foncier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605291 en date du 5 décembre 2018 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les rappels en droits et pénalités de TVA au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014 d'un montant total de 60 376 euros sont remis à la charge de la SARL Nowak Foncier.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Nowak Foncier, au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 19 avril 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01291
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP THEMISPHERE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-19;19bx01291 ?
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