Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... et M. H... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 8 juin 2018 par lequel le maire de Saint-Sauvant a délivré un permis de construire à M. et Mme E... portant sur la réalisation d'une extension de leur habitation.
Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sur la requête de Mme A... et de M. D... afin de permettre à M. et Mme E... d'obtenir un permis de construire modificatif propre à assurer la conformité du projet aux règles relatives à l'indication du nom et prénom du signataire de l'acte ainsi qu'à l'absence de permis de démolir.
Un permis de construire modificatif a été délivré par le maire de Saint-Sauvant par un arrêté du 23 juillet 2019. Ce permis a également été modifié par un arrêté du 11 septembre 2019.
Par un jugement n° 1801738 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 23 juillet 2019 accordant à M. et Mme E... un permis de construire modificatif, l'arrêté du 11 septembre 2019 le rectifiant, ainsi que l'arrêté du 8 juin 2018 et mis à la charge de la commune de Saint-Sauvant une somme de 2 400 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mars 2020 et le 28 octobre 2021, la commune de Saint-Sauvant, représentée par Me Cadro, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 janvier 2020 ;
2°) de rejeter le recours de première instance de Mme A... et M. D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... et M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de Mme A... et M. D... tendant à l'annulation du jugement du 4 juillet 2019 présentées par la voie de l'appel incident sont irrecevables ;
- les conclusions de Mme A... et M. D... tendant à l'annulation du jugement du 16 janvier 2020 sont irrecevables dès lors que ce jugement leur donne satisfaction ;
- Mme A... et Mme D... ne justifient pas d'un intérêt à agir ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a prononcé l'annulation d'un acte inexistant ; en effet, il annule un permis de construire délivré le 8 juin 2015, alors que la requête de Mme A... et M. D... concernait le permis de construire délivré le 8 juin 2018 à M. et Mme E... ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier dès lors que l'architecte des Bâtiments de France a bien reçu toutes les pièces du dossier de demande de permis de construire.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 mars 2021 et le 23 novembre 2021, Mme A... et M. D..., représentés par Me Lopes, demandent à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 et du 16 janvier 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du maire de Saint-Sauvant du 8 juin 2018, du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauvant et de M. et Mme E... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le jugement du 4 juillet 2019 ne se prononce pas sur l'ensemble des moyens d'annulation ;
En ce qui concerne l'arrêté du 8 juin 2018 :
- les documents photographiques de la demande de permis de construire ont été falsifiés en effaçant les ouvertures du premier étage de la maison d'habitation de Mme A... et ont faussé l'appréciation portée par le maire sur le projet de M. et Mme E... ;
- cet arrêté méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que la largeur de la voie relevant du domaine public est insuffisante pour assurer la sécurité des entrées et des sorties de véhicules du garage projeté, et qu'une sortie de véhicules de l'habitation en face du projet existe déjà ; par ailleurs, la création d'une surface de plancher de 44,33 mètres carrés va créer un risque pour les occupants, lié à la crue du cours d'eau qui borde ces parcelles ;
En ce qui concerne les arrêtés du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019 :
- l'architecte des Bâtiments de France n'a pas pu se prononcer au regard de tous les éléments du dossier ; cet avis est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; la demande de permis de construire a été instruite au regard d'un règlement de zone erroné.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... C...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Cadro, représentant la commune de Saint-Sauvant, et de Me Lopes, représentant Mme A... et M. D....
Une note en délibéré présentée pour Mme A..., représentée par Me Lopez, a été enregistrée le 4 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 juin 2018, le maire de Saint-Sauvant a délivré à M. et Mme E... un permis de construire portant sur la construction d'un garage en extension de leur maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section AC n° 331 et 332 situées 1 rue du Treuil-Pinaud. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Poitiers a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête de Mme A... et M. D..., voisins des pétitionnaires. A la suite de ce jugement, le maire de Saint-Sauvant a délivré à M. et Mme E..., par un arrêté du 23 juillet 2019, modifié par un arrêté du 11 septembre 2019, un nouveau permis de construire. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019, ainsi que l'arrêté du 8 juin 2018, et mis à la charge de la commune de Saint-Sauvant une somme de 2 400 euros. La commune de Saint-Sauvant relève appel du jugement du 16 janvier 2020. Par la voie de l'appel incident, M. A... et Mme E... relèvent appel du jugement du 16 janvier 2020, ainsi que du jugement du 4 juillet 2019.
Sur la recevabilité des conclusions de Mme A... et M. D... :
2. En premier lieu, par son jugement du 16 janvier 2020 le tribunal administratif de Poitiers a, à la demande Mme A... et M. D..., annulé les arrêtés du 23 juillet 2019, du 11 septembre 2018 et du 8 juin 2018 par lesquels le maire de Saint-Sauvant avait délivré à M. et Mme E... un permis de construire portant sur la construction d'un garage. Ainsi, ce jugement fait entièrement droit aux conclusions de la demande dont ce tribunal était saisi, Mme A... et M. D... n'ayant pas hiérarchisé leurs moyens. Dès lors, leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement du 16 janvier 2020 ne sont pas recevables.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 a été mis à la disposition de Mme A... et M. D... par la voie de l'application " Télérecours " le jour-même, et leur a été notifié le 5 juillet 2019. Mme A... et M. D... pouvaient relever appel de ce jugement avant-dire droit, et notamment en contester la régularité au motif que le tribunal administratif ne s'était pas prononcé sur l'ensemble de leurs moyens¸ bien que les premiers juges, en décidant de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, leur aient donné partiellement satisfaction. Il ne leur est toutefois plus possible de contester ce jugement par la voie de conclusions incidentes présentées après l'expiration du délai de recours dans le cadre de l'appel formé contre le second jugement du 16 janvier 2020 dès lors que ces conclusions incidentes soumettent au juge un litige distinct de celui tendant à l'annulation de ce second jugement. Par suite, les conclusions des intimés tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur la légalité des arrêtés de permis de construire :
4. Aux termes de l'article L. 631-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Et aux termes de l'article R. 451-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'immeuble est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre la description des moyens mis en œuvre dans la démolition pour éviter toute atteinte au patrimoine protégé ".
5. M. et Mme E... ont déposé une demande de permis de construire modificatif le 18 juin 2019. A la suite de la demande de l'architecte des Bâtiments de France du 1er juillet 2019, ils ont transmis à la commune des pièces complémentaires le 8 juillet 2019. Il ressort de l'attestation du 3 janvier 2020, établie par l'architecte des Bâtiments de France, que ces éléments complémentaires, qui comportaient notamment des précisions quant aux démolitions impliquées par le projet d'extension de M. et Mme E..., lui ont été transmis le 16 juillet 2019 et ont été pris en compte avant l'émission de l'avis favorable sans réserve du 18 juillet 2019. Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'architecte des Bâtiments de France n'avait pas formulé son avis au regard de la totalité de la demande de permis de construire modificatif et que les arrêtés de permis de construire du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019 étaient, par suite, entachés d'un vice de procédure. A cet égard, les modifications apportées par l'arrêté du 11 septembre 2019, qui concernent le maintien des prescriptions qui avaient été édictées lors de la délivrance du permis de construire initial du 8 juin 2018, ne révèlent pas la prise en compte d'éléments nouveaux par le maire de Saint-Sauvant dont l'architecte des Bâtiments de France n'aurait pas eu connaissance, contrairement à ce que soutiennent Mme A... et M. D....
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce vice de procédure pour annuler les arrêtés du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019 et, par voie de conséquence, l'arrêté du 8 juin 2018.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... et M. D... devant le tribunal administratif et la cour à l'encontre des arrêtés du 23 juillet 2019, du 11 septembre 2019 et du 8 juin 2018, dès lors que les premiers juges ont écarté les moyens dirigés contre ces trois arrêtés au point 7 du jugement.
En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019 :
8. D'une part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'architecte des Bâtiments de France, qui a été saisi au motif que le projet de construction de M. et Mme E... se situe aux abords du site inscrit de l'église Saint-Sylvain de Saint-Sauvant, n'aurait pas pris en compte le classement en secteur Up de la parcelle n° 331 sur laquelle se situe l'essentiel du projet. D'autre part, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France a précisément porté sur la compatibilité de la démolition envisagée par M. et Mme E... avec son environnement, au regard de l'intérêt patrimonial des bâtiments situés dans ce secteur. Par suite, les moyens tirés de ce que son avis serait erroné et qu'il serait entaché d'une erreur de droit doivent être écartés. Par ailleurs, dès lors que cet avis ne liait pas le maire de Saint-Sauvant, Mme A... et M. D... ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 8 juin 2018 :
9. En premier lieu, aux termes du d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
10. Il ressort des pièces du dossier que les photographies jointes à la demande de permis de construire présentée par M. et Mme E..., permettant de situer le projet dans son environnement proche, ont été prises alors que les volets de la maison d'habitation de Mme A... et M. D... étaient fermés. Les clichés joints à la demande de permis de construire permettaient de distinguer la présence de fenêtres. Ils n'ont ainsi pas été falsifiés afin de dissimuler les ouvertures du bâtiment, contrairement à ce que soutiennent Mme A... et M. D.... Ainsi, les documents photographiques joints à la demande de permis de construire de M. et Mme E... n'ont pas été nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, ce moyen doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
12. Si Mme A... et M. D... soutiennent que le projet de garage des pétitionnaires créera un risque pour la sécurité publique en raison de sa situation et de ses caractéristiques, il ressort des pièces du dossier que la sortie de véhicules prévue s'effectuera sur une rue d'une largeur de six mètres peu passante, et ne sera pas située en face de celle des requérants. Par ailleurs, les seules photographies versées aux dossiers ne permettent pas de tenir pour établi que la surface de plancher créée par le projet de M. et Mme E... créera un risque supplémentaire en cas de crue du cours d'eau voisin des parcelles en cause. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Saint Sauvant aurait instruit la demande de permis de construire de M. et Mme E... sans prendre en compte le classement de la parcelle n° 331 en secteur Up, lequel concerne " les espaces composés de bâti ancien qui forment un ensemble urbain remarquable et cohérent en centre-bourg, et dont la qualité architecturale et l'implantation des bâtiments présentent un intérêt historique " de la zone U. Par suite, ce moyen doit être écarté.
14. Enfin, il n'est pas contesté que les vices relevés par le tribunal administratif de Poitiers dans son jugement avant-dire droit du 4 juillet 2019, tirés de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'absence de demande de permis de démolir, ont été régularisés par le permis de construire modificatif délivré par l'arrêté du 23 juillet 2019, complété par l'arrêté du 11 septembre 2019.
15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, que la commune de Saint-Sauvant est fondée à demander l'annulation du jugement du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés du 23 juillet 2019 et du 11 septembre 2019, ainsi que l'arrêté du 8 juin 2018.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... et M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la commune de Saint-Sauvant. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Sauvant, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... et M. D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de Mme A... et M. D... sont rejetées.
Article 3 : Mme A... et M. D... verseront à la commune de Saint-Sauvant une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Sauvant, à Mme B... A..., à M. H... D... et à Mme F... E....
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2022.
La rapporteure,
Charlotte C...La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution
N° 20BX00999 2