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04/04/2022 | FRANCE | N°21BX03255

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 avril 2022, 21BX03255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103108 du 5 juillet 2021, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Guyon, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103108 du 5 juillet 2021, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Guyon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un formulaire de demande d'asile ainsi qu'une attestation de demande d'asile, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne fait pas mention de son état de santé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations des articles 4 et 5 du règlement n°604/2013/UE du 26 juin 2013 dès lors qu'atteint de cécité quasi complète, il était dans l'incapacité de lire les informations prévues par l'article 4 précité, qui ne lui ont pas été communiquées oralement, de déclarer pouvoir lire le français ou de signer le compte rendu de l'entretien individuel ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 18 du règlement (CE) 2725/2000, dès lors qu'il n'a pas été informé de l'identité du responsable du traitement de ses empreintes ni de l'existence d'un droit d'accès aux données le concernant et d'un droit de rectification ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la préfète n'a pas fait application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2021/018974 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 30 septembre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison d'empreintes digitales aux fins de l'application effective du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 12 décembre 1999, est entré irrégulièrement en France le 31 janvier 2021, selon ses déclarations. Le 6 avril 2021, il a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture de la Gironde. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé que l'intéressé était connu des autorités espagnoles. Ces autorités, saisies le 29 avril 2021 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont explicitement accepté, le 30 avril 2021, de reprendre en charge l'intéressé. Par un arrêté du 21 juin 2021, la préfète de la Gironde a prononcé le transfert de M. B... aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. B... relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, lequel a été exécuté le 21 octobre 2021.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2021/018974 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 30 septembre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs suffisamment et pertinemment retenus par le premier juge.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). / Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre le 6 avril 2021, contre signature, par les services de la préfecture deux documents, dont l'un est intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), l'autre est intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). Il ressort également des pièces du dossier que ces documents, rédigés en français, langue comprise par M. B..., comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. M. B... qui ne conteste pas avoir reçu ainsi l'ensemble de ces informations, fait valoir qu'il s'est vu remettre ces brochures dans une langue qu'il ne peut pas lire au motif qu'il est atteint d'une cécité quasi-totale et que les informations concernées dans les brochures auraient dû lui être communiquées oralement. Toutefois, à aucun moment de la procédure, ni au cours de l'entretien individuel, M. B... n'a fait état d'une quelconque impossibilité pour lui de comprendre le contenu des brochures. Si M. B... fait valoir que la rédaction stéréotypée du rapport de l'entretien individuel révèle l'absence de prise en compte de sa situation personnelle, alors que ses difficultés visuelles ne pouvaient échapper à son interlocuteur et qu'il n'a d'ailleurs pas été en mesure d'écrire son identité en bas de page, cette formalité ayant été réalisée par l'agent notifiant, les pièces médicales qu'il produit au soutien de ses allégations ne permettent aucunement d'établir, ainsi que l'a, à juste titre, estimé le premier juge, l'existence d'une cécité quasi totale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien a lieu dans les conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel le 6 avril 2021 dans les locaux de la préfecture de la Gironde. Il ressort du résumé de cet entretien, qu'il a signé, que l'intéressé a présenté des observations, identiques à celles qu'il a présentées dans les deux instances, à la seule exception de celles relatives à son état de santé. En outre, le compte rendu de cet entretien ne fait état d'aucun élément qui conduirait à penser qu'il ne s'est pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article précité et que M. B... n'aurait pas pu prendre connaissance du résumé de cet entretien en raison d'un état de cécité quasi complète, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, l'appelant n'établit pas le handicap visuel dont il allègue être atteint. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

9. En dernier lieu, M. B... reprend dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens invoqués en première instance tirés de ce que l'arrêté contesté méconnaît l'article 18 du règlement (CE) 2725/2000 et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la préfète n'a pas fait application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune pièce nouvelle à l'appui de ces moyens, auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les autres conclusions :

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. B... sont rejetées pour le surplus.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

Le président-assesseur,

Frédéric FAÏCKLe président,

Didier A...

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03255 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03255
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Didier ARTUS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : GUYON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-04;21bx03255 ?
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