La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2022 | FRANCE | N°20BX02261

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 avril 2022, 20BX02261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1804645, la commune de Nanthiat a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés Pijassou et Eurovia ainsi que l'Etat à lui verser les sommes de 52 705,20 euros au titre des travaux de réparation de ses espaces publics et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et de mettre à la charge solidaire de ces mêmes parties les frais d'expertise taxés à la so

mme de 3 658,43 euros.

Par une requête enregistrée sous le n° 1900918, la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1804645, la commune de Nanthiat a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés Pijassou et Eurovia ainsi que l'Etat à lui verser les sommes de 52 705,20 euros au titre des travaux de réparation de ses espaces publics et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et de mettre à la charge solidaire de ces mêmes parties les frais d'expertise taxés à la somme de 3 658,43 euros.

Par une requête enregistrée sous le n° 1900918, la commune de Nanthiat a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement les sociétés Pijassou et Eurovia ainsi que l'Etat à lui verser les sommes de 52 705,20 au titre des travaux de réparation de ses espaces publics, et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, de mettre à la charge solidaire de ces mêmes parties les frais d'expertise taxés à la somme de 3 658,43 euros.

Par un jugement n° 1804645,1900918 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 22 juillet 2020 et le 18 août 2020, la commune de Nanthiat, représentée par Me Monpion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 juin 2020 ;

2°) de condamner solidairement l'Etat, la société Pijassou et la société Eurovia à lui verser la somme de 52 705,20 au titre des travaux de réparation de ses espaces publics, assorties des intérêts au taux légal et leur capitalisation, ainsi que les frais d'expertise, liquidés à taxés par ordonnance du 7 mars 2017, à la somme de 3 658,43 euros TTC ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat, de la société Pijassou et de la société Eurovia la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres en cause engagent la responsabilité décennale de la société Pijassou ; en effet, compte tenu de l'objet du marché en cause, les désordres constatés affectant le revêtement de la voie publique rendent nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination, qui est d'embellir et valoriser l'esthétique du bourg ; eu égard à la superficie de la commune, les désordres en cause d'ordre esthétique, situés à moins de 100 mètres des trois monuments historiques, affectent l'esthétique de l'église romane, du calvaire du XVème siècle et du château du XVIème siècle, classés à l'inventaire des monuments historiques ; par son intérêt patrimonial et touristique, le bourg justifie d'aménagements urbains de qualité ; les désordres sont généralisés ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée, dès lors que l'architecte des bâtiments de France a commis une faute en préconisant l'enrobé de type stabex, qui n'était pas adapté au trafic de véhicules ; cette faute lui a causé un préjudice ; elle devait nécessairement le consulter avant de lancer les travaux ; en outre, le bénéfice de la dotation globale d'équipement était conditionné au respect des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, qui a délivré un certificat de conformité ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la société Pijassou est engagée sur le terrain contractuelle dès lors qu'elle n'a pas respecté les prescriptions du CCTP qui prévoyaient que l'enrobé posé ait une épaisseur moyenne de 15 cm alors que le détail estimatif prévoyait une épaisseur de 10 cm ; les conseils d'utilisation de l'enrobé stabex n'ont pas été suivis car la notice exclut les travaux entre le 15 octobre et le 15 mars du fait du risque de gel alors que les travaux ont été réalisés en février ;

- la responsabilité décennale, et subsidiairement délictuelle de la société Eurovia, est engagée en sa qualité de fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil dès lors que l'expert a constaté que l'emploi du stabex dans les zones de stationnement de véhicules conduit à une dégradation accrue du revêtement alors que le fabriquant Calcia ne préconise pas son emploi en zones de stationnement ; cet enrobé n'est en outre plus fabriqué ;

- compte tenu du coût des travaux de remise en état du revêtement tel que fixé par devis de la société Pijassou, qui prévoit la pose d'un revêtement en enrobé à chaud noir, son préjudice s'élève à la somme de 52 705,20 euros TTC.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 28 mai 2021, la société Pijassou, représentée par Me Soltner, conclut au rejet de la requête de la commune de Nanthiat et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa responsabilité décennale ne saurait être recherchée par la commune de Nanthiat, maître de l'ouvrage, à raison des désordres affectant le revêtement, dès lors que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination ; le maître de l'ouvrage a imposé le choix du type de revêtement stabex du fait des préconisations de l'Architecte des Bâtiments de France ; elle a réalisé les travaux dans le respect des règles de l'art ; le fabricant du stabex ne préconise pas son emploi sur les zones de stationnement ou de circulation de véhicules ; la circonstance que le revêtement en cause présenterait un caractère inesthétique ne permet pas de caractériser une atteinte à un élément exceptionnel du patrimoine architectural de la commune ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée dès lors que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 12 décembre 2008 ; la réception a mis fin au rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ;

- la commune de Nanthiat ne justifie d'aucun préjudice en lien avec les désordres affectant l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête de la commune de Nanthiat.

Il fait valoir que :

- la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée dès lors que l'Architecte des Bâtiments de France n'a commis aucune faute ; en effet, il n'a pas été saisi en phase d'étude du projet dans les conditions prévues par l'article L. 621-32 du code du patrimoine, n'a pas émis d'avis ou fait de préconisations quant au revêtement requis pour l'enrobement de la voirie ; la circonstance invoquée que cette question ait été évoquée lors d'une réunion informelle ne saurait valoir autorisation ou saisine pour avis ; les allégations du maître d'œuvre selon lesquelles le revêtement stabex aurait été imposé par l'architecte des bâtiments de France ne sont corroborées par aucune pièce du dossier ; il ne ressort pas davantage du certificat de conformité délivré le 19 février 2009 par l'Architecte des Bâtiments de France en vue de l'obtention par la commune du solde de la subvention versée au titre de la dotation globale d'équipement qu'il aurait imposé l'emploi du revêtement de type stabex avant la conclusion du marché en cause ;

- en tout état de cause, l'architecte des bâtiments de France n'a pas vocation à se prononcer sur les caractéristiques techniques des matériaux employés dans le cadre des projets de construction ou d'aménagement qui lui sont soumis et les seules préconisations qu'il peut émettre à cette occasion, qui sont dépourvues de toute valeur prescriptive, ne concernent que l'aspect extérieur et ne saurait prévaloir sur les conseils du maître d'œuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, la société Eurovia, représentée par Me Bertin, conclut à titre principal au rejet de la requête de la commune de Nanthiat et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat et de la société Pijassou à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de ces dernières la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa responsabilité décennale ne saurait être engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, dès lors que la voirie reste praticable et circulable, et que la condition relative à l'impropriété de l'ouvrage n'est en l'espèce pas remplie ; les désordres en cause ne présentent pas un caractère décennal ;

- sa responsabilité ne peut pas davantage être recherchée par le maître de l'ouvrage sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ; elle avait pour mission de livrer du stabex à l'entrepreneur, qui l'a posé, alors que ce matériau avait été imposé par l'architecte des bâtiments de France ; ce matériau est " prêt à l'emploi " et a vocation à être utilisé sur d'autres chantiers similaires, de sorte qu'il ne peut être qualifié " d'élément conçu et produit pour satisfaire en état de service à des exigences précises et déterminées à l'avance " au sens de l'article 1792-4 du code civil ;

- la commune de Nanthiat n'est pas recevable à rechercher sa responsabilité délictuelle, dès lors qu'elle ne justifie d'aucune faute qui lui serait imputable ;

- le choix de ce matériau ayant été imposé tant par l'architecte des bâtiments de France que par le maître de l'ouvrage, et en l'absence de possibilité de variantes ou d'option, sa responsabilité a été expressément exclue par l'expert.

Par courrier du 8 mars 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la commune de Nanthiat dirigées contre la société Eurovia, en sa qualité de fournisseur, sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 7 mars 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 3 658,43 euros.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Monpion, représentant la commune de Nanthiat, et de Me Peltier, représentant la société Eurovia.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Nanthiat (Dordogne) a lancé, au cours de l'année 2007, un marché de valorisation de ses espaces publics, comprenant la réalisation d'enrobés de voirie, de trottoirs et d'emplacements de parking. La maîtrise d'œuvre a été confiée à la société Freyssinet, et les travaux, divisés en une tranche ferme et une tranche conditionnelle, d'un montant total de 205 809 euros, à la société Pijassou par acte d'engagement du 17 août 2007. La société Eurovia Aquitaine a fourni le matériau de revêtement en " Stabex ". Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 12 décembre 2008. Des désordres concernant la stabilité du revêtement utilisé sont apparus en 2009 puis en 2013. La commune de Nanthiat a sollicité et obtenu du juge des référés la désignation d'un expert qui a rendu son rapport le 2 mars 2017. La commune de Nanthiat a alors demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par deux requêtes enregistrées sous les n° 1804545 et 1900918, de condamner solidairement les sociétés Pijassou et Eurovia, sur le fondement de la garantie décennale, subsidiairement sur les fondements contractuel et quasi délictuel, et l'Etat en raison des fautes commises par l'architecte des bâtiments de France à l'indemniser. Par un jugement n°1804645, 1900918 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes présentées par la commune de Nanthiat. La commune de Nanthiat relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre la société Eurovia :

2. Aux termes de l'article 1792-4 du code civil : " Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré (...) ".

3. Conformément aux principes régissant la garantie décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil précité, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance.

4. La société Eurovia a fourni à la société Pijassou le produit stabex, simple matériau qui ne pouvait être qualifié d'ouvrage, de partie d'ouvrage, ou d'élément d'équipement au sens des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, fabriqué par la société Calcia et alors qu'il n'est pas même soutenu qu'il répondrait à une formulation spécifiquement étudiée pour ce marché. Dès lors que la société Eurovia était seulement fournisseur et non fabricant, la commune de Nanthiat ne peut rechercher sa responsabilité décennale sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil. Le contrat de droit privé qui l'unissait à la société Pijassou n'a pas eu pour effet de conférer à la société Eurovia la qualité de participant à l'exécution du travail public. Un contrat conclu entre un entrepreneur de travaux publics et l'un de ses fournisseurs est soumis aux règles du droit privé. Par suite, il appartient aux juridictions judiciaires de connaître des demandes de la commune de Nanthiat dirigées contre la société Eurovia, qui ont pour seul fondement un éventuel manquement de cette société aux obligations résultant pour elle de son contrat de fourniture. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la commune de Nanthiat dirigées contre la société Eurovia sur le fondement de la garantie décennale.

5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la société Eurovia est intervenue en qualité de fournisseur du produit stabex de la société Pijassou. Le contrat de droit privé qui les unissait n'a pas eu pour effet de conférer à la société Eurovia la qualité de participant à une opération de construction. Il en résulte qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des conclusions de la commune de Nanthiat dirigées contre elle sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Sur la garantie décennale :

6. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, dès lors que les désordres leur sont imputables, même partiellement et sauf à ce que soit établie la faute du maître d'ouvrage ou l'existence d'un cas de force majeure.

7. Pour rechercher la garantie décennale des constructeurs, la commune de Nanthiat soutient que les désordres constatés affectant le revêtement des trottoirs, de la voie publique et de l'espace de stationnement, rendent l'ouvrage nécessairement impropre à sa destination, qui est d'embellir et de valoriser l'esthétique du bourg, et que, compte tenu de la faible superficie de la commune de l'ordre de 11 km2, ces désordres d'ordre esthétique sont généralisés et sont situés à moins de 100 mètres de trois monuments historiques. Il ressort toutefois des conclusions de l'expertise que si le phénomène d'érosion affectant le revêtement posé est plus marqué dans la zone de stationnement des véhicules, au demeurant réduite, les désordres n'entravent en rien la circulation tant des piétons que des véhicules. Si la commune de Nanthiat se prévaut de l'intérêt patrimonial et culturel du bourg, du fait de la proximité de monuments historiques, pour soutenir que l'altération de l'aspect de la voirie et des trottoirs affectent l'esthétique de l'église romane, du calvaire du XVème siècle et du château du XVIème siècle, classés à l'inventaire des monuments historiques, alors que ces monuments justifiaient un aménagement urbain de qualité, la seule circonstance que l'aspect extérieur du revêtement de la voirie par enrobage ne réponde pas aux attentes de la collectivité ne permet pas d'en déduire que les désordres, consistant principalement en un phénomène d'érosion superficielle, compromette l'esthétique du lieu dans des proportions telles qu'ils rendraient l'ouvrage objet du marché impropre à sa destination.

8. Dans ces conditions, la commune de Nanthiat n'est fondée ni à soutenir que les désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ni, par voie de conséquence, à rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale.

Sur la responsabilité contractuelle :

9. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

10. Il résulte de l'instruction que les travaux du marché en cause de rénovation des espaces publics de la commune de Nanthiat ont été réceptionnés le 12 décembre 2008. En l'absence de réserve, la commune de Nanthiat, maître de l'ouvrage, n'est pas fondée à rechercher sur le terrain contractuel la responsabilité de la société Pijassou, titulaire du marché, à raison des désordres affectant le revêtement de la voirie, des trottoirs et de la zone de stationnement du bourg.

Sur la responsabilité de l'Etat :

11. Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. ".

12. La commune de Nanthiat recherche la responsabilité de l'Etat en soutenant que l'Architecte des Bâtiments de France a commis une faute en imposant le produit stabex comme matériau alors qu'il n'est pas préconisé par le fabricant de ce matériau dans les zones de stationnement de véhicules. Il résulte de l'instruction que le projet de rénovation des espaces publics du bourg est situé dans le champ de visibilité de monuments historiques et que l'autorisation préalable de l'Architecte des Bâtiments de France était requise en application des dispositions susvisées du code du patrimoine. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que ce dernier ait imposé le choix du revêtement stabex au titre des recommandations qu'il est habilité à émettre sur les projets ou les aménagements soumis à son autorisation en application du code du patrimoine. D'une part, la circonstance invoquée par le maître de l'ouvrage que cette question ait été évoquée avec l'Architecte des Bâtiments de France lors d'une réunion informelle s'étant tenue le 15 mai 2007 à la mairie ne saurait valoir autorisation préalable. D'autre part, les allégations du maître d'œuvre selon lesquelles le revêtement stabex a été imposé par l'Architecte des Bâtiments de France, que le ministre de la culture conteste, ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Il ne ressort pas davantage du certificat de conformité délivré le 19 février 2009 par l'Architecte des Bâtiments de France, en vue de l'obtention par la commune de Nanthiat du solde de la subvention versée au titre de la dotation globale d'équipement, qu'il aurait imposé ce choix. Par suite, la commune de Nanthiat n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nanthiat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Sur les frais d'expertise :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 658,43 euros par ordonnance du 11 juillet 2016, opérée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sont à la charge définitive de la commune de Nanthiat.

Sur les frais d'instance :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Pijassou, de la société Eurovia et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme dont la commune de Nanthiat demande le versement. Il y a lieu en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nanthiat le versement à la société Pijassou et à la société Eurovia de la somme de 1 500 euros à chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions présentées par la commune de Nanthiat contre la société Eurovia sont rejetées comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Nanthiat est rejeté.

Article 3 : La commune de Nanthiat versera à la société Pijassou et à la société Eurovia la somme de 1 500 euros à chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nanthiat, à la société Pijassou, à la société Eurovia et au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLe président,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

2

N° 20BX02261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02261
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CABINET BERTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-04;20bx02261 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award