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04/04/2022 | FRANCE | N°19BX03374

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 avril 2022, 19BX03374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Poste a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2016 tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive commise par la Poste en cessant d'organiser des voies de promotion interne au profit des agents reclassés ; d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2016

tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Poste a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2016 tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive commise par la Poste en cessant d'organiser des voies de promotion interne au profit des agents reclassés ; d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie a rejeté sa demande préalable du 12 juillet 2016 tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive commise par l'Etat en adoptant avec retard les dispositions réglementaires nécessaires afin que les fonctionnaires reclassés bénéficient de promotions internes ; de condamner solidairement la Poste et l'Etat à lui verser une somme totale de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1604923 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné La Poste à verser à M. A... la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts et condamné l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts également.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 août 2019 et le 21 mars 2020, la société anonyme La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1604923 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une inexacte application de la loi du 17 juin 2008 sur la prescription quinquennale ; il convenait de juger que le délai de prescription avait commencé de courir au début de chaque année suivant celles au titre desquelles aucune voie de promotion n'a été mise en œuvre en faveur des fonctionnaires reclassés ; or le dommage subi par M. A... a pris fin en 2009, année au cours de laquelle La Poste a mis en œuvre un dispositif de promotion en application du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- certes, par une décision n° 321952 du 19 juillet 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a reconnu que l'Etat et La Poste ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité en n'organisant pas des voies de promotions internes pour les agents de La Poste reclassés à la suite du changement de statut opéré par la loi du 2 juillet 1990 ;

- toutefois, la responsabilité de La Poste est engagée non pas en ce que, au cours de telle ou telle année, elle s'est abstenue de mettre en œuvre une procédure de promotion interne pour ses agents mais en raison de sa carence pendant une certaine période à mettre en œuvre toute voie de promotion interne ; mais ce fait générateur de responsabilité a pris fin avec l'entrée en vigueur du décret n°2009-1555 du 14 décembre 2009, que la direction de La Poste a mis en œuvre par une décision du 16 décembre 2009 rétablissant les voies de promotion interne pour ses agents appartenant aux corps de reclassement ; à compter de cette date, M. A... a pu bénéficier de nouveau de la possibilité d'être promu par voie de listes d'aptitude au titre de l'année 2009 et des années suivantes ; à compter de l'année 2009, aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de La Poste contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- l'illégalité du dispositif de promotion mis en place à compter de l'année 2009 constitue un nouveau fait générateur de responsabilité ; mais M. A... n'a pas invoqué un tel fait générateur dans sa demande préalable et devant les premiers juges ; le tribunal ne pouvait en conséquence juger que La Poste a commis une telle faute à compter de 2009 ;

- ainsi, le préjudice que le tribunal a indemnisé est sans rapport avec le fait générateur de responsabilité invoqué par M. A..., la faute commise par La Poste ayant cessé à compter de 2009 ; depuis, en effet, M. A... a pu présenter sa candidature pour une promotion interne par inscription à une liste d'aptitude ;

- compte tenu de son âge, M. A... ne peut prétendre à une perte de chance de promotion qu'entre 2004 et 2009 ; mais cette perte de chance ne saurait être retenue compte tenu de ses notations durant la période considérée ; M. A... n'a pas ensuite présenté sa candidature en vue d'une inscription sur une liste d'aptitude pour l'accès au grade supérieur postérieurement à 2009 ;

- le tribunal ne pouvait indemniser M. A... à raison de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence à compter du 18 juillet 2011 dès lors que la responsabilité de La Poste avait cessé en 2009 ; en tout état de cause de tels préjudices ne sont pas établis au dossier ;

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident de M. A..., que :

- ses demandes sont dirigées contre l'Etat et non contre La Poste ; il s'agit alors d'un appel d'intimé à intimé qui est irrecevable ; de plus, l'appel formé par M. A... soulève un litige distinct de l'appel principal.

Par deux mémoires, enregistrés le 3 mars 2020 et le 14 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Bineteau, conclut :

1°) au rejet de la requête de La Poste ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que La Poste et l'Etat soient condamnés à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de l'appel de La Poste, que :

- elle est irrecevable à défaut d'être motivée conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de son appel incident, que :

- celui-ci est aussi dirigé contre La Poste et pas seulement contre l'Etat ; il ne soulève pas un litige distinct ;

Il soutient, au fond, que :

- tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la responsabilité de l'Etat n'était plus engagée à compter de l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009 ; le tribunal a fait une inexacte évaluation de ses préjudices.

Par ordonnance du 30 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2021 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le décret n°2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cortes, représentant La Poste, et de Me Prybyszewski, représentant M A....

Une note en délibéré présentée par La Poste a été enregistrée le 15 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a intégré l'administration des Postes et Télécommunications en 1981 et détient depuis 1991 le grade d'agent d'exploitation des services de la distribution et de l'acheminement. Après le changement de statut de La Poste opéré par la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, M. A... n'a pas souhaité intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " créés par les décrets du 25 mars 1993 mais a entendu conserver son grade d'origine dans un corps dit de " reclassement ". Par deux lettres recommandées avec accusé de réception reçues le 18 juillet 2016, M. A... a demandé au ministre de l'économie ainsi qu'au président de la Poste l'indemnisation de ses préjudices à raison de leur faute constituée par l'absence de promotions internes organisées à l'attention des agents appartenant aux corps de " reclassement ", ce qui l'aurait empêché d'accéder au grade supérieur de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement. Ses demandes ayant fait l'objet de décisions implicites de rejet, M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation de ses préjudices liés au blocage de sa carrière. Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal a condamné l'Etat et La Poste à verser à M. A... les sommes respectives de 1 000 euros et de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.

2. La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il la condamne à indemniser M. A.... Celui-ci demande à la cour de porter à 80 000 euros au total le montant de sa réparation et de mettre cette somme à la charge de l'Etat et de La Poste.

Sur l'appel principal de La Poste :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil (...) ". En vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé pas des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade.

4. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a relevé que les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement " étaient illégaux en ce qu'ils n'ont prévu aucune possibilité de promotion interne pour les fonctionnaires " reclassés ", et que La Poste avait commis une faute en faisant application de ces décrets et pour avoir refusé d'organiser la promotion des fonctionnaires " reclassés ", au nombre desquels se trouve M. A.... Le tribunal a ensuite jugé que M. A... avait perdu une chance sérieuse d'être promu au grade supérieur de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement en l'absence d'organisation, par La Poste, de voies de promotion interne au titre des années 2011 et 2012, au cours desquelles l'intéressé avait obtenu des évaluations professionnelles élogieuses. Le tribunal a enfin évalué le préjudice de carrière subi par M. A... à 7 000 euros et son préjudice moral ainsi que ses troubles dans les conditions d'existence à 1 000 euros.

5. Tant dans sa demande préalable du 12 juillet 2016 que dans sa requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal le 7 novembre 2016, M. A... s'est prévalu de la faute commise par La Poste pour s'être abstenue d'avoir organisé toute voie de promotion interne au bénéfice des agents " reclassés " à compter de 1993. Il résulte des motifs du jugement attaqué, rappelés au point précédent, que pour condamner La Poste à indemniser M. A... de ses préjudices, le tribunal ne s'est pas fondé sur l'illégalité des dispositifs de promotion mis en place par La Poste à compter de 2010 mais sur l'absence d'organisation de toute voie de promotion interne dans le grade de conducteur de travaux, à laquelle pouvait prétendre M. A..., au titre des années 2011 et 2012. Ce faisant, et contrairement à ce que soutient La Poste, les premiers juges n'ont pas fondé la condamnation prononcée sur un fait générateur nouveau par rapport à celui invoqué par M. A... et qui devrait, pour cette raison, être regardé comme irrecevable.

6. Par ailleurs, la Poste fait valoir qu'elle a mis en place annuellement à compter de 2010 une voie de promotion interne au grade de conducteur de travaux par l'établissement de listes d'aptitude. A l'appui de son argumentation, elle produit deux notes de service, datées de 2011 et 2012, intitulées " établissement des listes d'aptitude pour l'accès aux corps de reclassement " dans lesquelles le grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement est mentionné parmi ceux qui sont accessibles par liste d'aptitude. Toutefois, alors que M. A... rétorque qu'aucune voie de promotion interne au grade considéré n'a été effectivement mise en place en 2011 et 2012, les notes à caractère général produites par La Poste n'ont été accompagnées, au cours de l'instruction, d'aucun autre document montrant que le calendrier prévisionnel d'établissement des listes d'aptitude contenu dans ces notes aurait été effectivement mis en œuvre. En conséquence, La Poste n'est pas fondée à soutenir que sa faute a cessé à compter du 16 décembre 2009, date à laquelle le président de son conseil d'administration a décidé de l'organisation de voies de promotions internes pour les agents des corps de " reclassement ". Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que La Poste avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de M. A....

En ce qui concerne la prescription quinquennale :

7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, modifié par la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 2241 du même code : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ".

8. La créance indemnitaire relative à la réparation des préjudices invoqués par M. A... en raison de la faute commise par La Poste pour n'avoir pas organisé de voie de promotion interne dans le grade de conducteur de travaux au titre des années 2011 et 2012 se rattache à chacune de ces années au cours desquelles ces préjudices ont été subis. Dès lors, les faits postérieurs au 18 juillet 2011 n'étaient pas prescrits lorsque M. A... a, en 2016, adressé à La Poste sa demande préalable indemnitaire puis saisi le tribunal. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception de prescription quinquennale soulevée par La Poste pour les dommages subis par M. A... postérieurement au 18 juillet 2011.

En ce qui concerne le préjudice :

9. Les feuilles d'évaluation produites par M. A... au titre des années 2004 et suivantes montrent qu'il était bien noté par sa hiérarchie, sa valeur professionnelle ayant été appréciée comme " largement supérieure " aux exigences du poste et sa capacité à évoluer jugée de niveau " supérieur " notamment en 2011, 2012 et 2013. En 2011 et 2012, en particulier, ses compétences dans son poste ont été qualifiées de " nettement supérieures " et sa capacité à évoluer de " supérieure ". De même les appréciations littérales de M. A... étaient élogieuses et l'évaluation maximale " E " (excellent) lui a été attribuée. Lors des deux années considérées, l'évaluateur a estimé que M. A... " de par sa vision du travail et le dynamisme démontré " possédait les compétences requises pour accéder au grade de conducteur de travaux. Dans ces circonstances, La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est par une appréciation erronée des faits de l'espèce que le tribunal a jugé que l'absence d'organisation de voie de promotion interne dans le grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement, au titre des années 2011 et 2012, a fait perdre à M. A... une chance sérieuse d'être promu au grade supérieur. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a condamné La Poste à indemniser M. A... au titre de son préjudice de carrière.

10. Eu égard à la faute commise et à ses incidences, La Poste n'est pas non plus fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à M. A... une indemnité en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que La Poste n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur l'appel incident et l'appel provoqué de M. A... dirigé contre La Poste et contre l'Etat :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposé à l'appel incident :

12. En premier lieu, l'appel incident de M. A... tendant à ce que les dommages et intérêts qu'il a obtenus en première instance soient réévalués ne soulève pas un litige différent de celui qui fait l'objet de l'appel principal par lequel il est demandé à la cour de juger que La Poste n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par La Poste, tirée de ce que l'appel incident soulève un litige distinct, doit être écartée.

13. En second lieu, l'appel incident de M. A... est fondé, comme l'était sa demande de première instance ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, sur la faute commise par La Poste en s'abstenant d'organiser la promotion des agents au grade de conducteur de travaux pour les années en litige. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande de M. A... serait irrecevable dès lors qu'elle repose sur un nouveau fondement juridique doit être écartée.

En ce qui concerne le fond :

14. En premier lieu, si M. A... fait valoir que son préjudice de carrière doit être évalué à 60 000 euros, il ne produit pas d'élément permettant d'estimer qu'il devrait en être ainsi et qu'en fixant à 7 000 euros le montant de la réparation octroyée à ce titre, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de son préjudice.

15. M. A... a subi, à raison de la faute réitérée de La Poste, un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence dont il est fondé à soutenir que leur évaluation à 1 000 euros faite par le tribunal est insuffisante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 4 000 euros le montant de la réparation à laquelle a droit M. A... au titre de ces préjudices. Le jugement attaqué sera réformé dans cette mesure.

16. En second lieu, les premiers juges ont estimé que l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors que les décrets statutaires des corps de " reclassement " de La Poste étaient illégaux faute d'avoir prévu des voies de promotion interne pour les agents concernés, et que le Premier ministre ne pouvait, sans illégalité, refuser de modifier ces dispositions statutaires en vue d'ouvrir ces voies de promotion. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009, relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de l'Etat, prévoyant la mise en œuvre de dispositifs de promotions internes pour les agents appartenant aux corps de " reclassement ", aucune faute ne peut plus être reprochée à l'Etat.

17. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à la somme de 1 000 euros, qu'il a mise à la charge de l'Etat, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis par M. A..., le tribunal aurait fait une insuffisante évaluation du dommage réparable. Par suite, les conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de La Poste, partie perdante à l'instance d'appel, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par La Poste sur ce même fondement doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 19BX03374 présentée par La Poste est rejetée.

Article 2 : La somme que la Poste a été condamnée en première instance à verser à M. A... au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence est portée à 4 000 euros et le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes et l'appel provoqué présentés par M. A... sont rejetés.

Article 4 : La Poste versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste, à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2022.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX03374 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03374
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-04;19bx03374 ?
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