Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée J.A.F Martins a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'avis des sommes à payer émis à son encontre par le département de la Haute-Garonne le 25 juillet 2014 au titre du solde d'un marché relatif à l'extension et la restructuration du collège Stella Blandy à Montesquieu-Volvestre et de fixer le solde de ce marché à la somme de 182 135 euros au débit du maître de l'ouvrage.
Par un jugement n° 1404668-1501580 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce titre exécutoire et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2019 et un mémoire enregistré le 14 avril 2020, la société J.A.F Martins, représentée par Me Bruyère, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 décembre 2018 en tant qu'il n'a pas condamné le département de la Haute-Garonne à lui verser la somme 182 135 euros assortie des intérêts moratoires au titre du règlement du lot n° 1-1 du marché relatif à l'extension et la restructuration du collège Stella Blandy à Montesquieu-Volvestre ;
2°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Sa requête est recevable ;
- Les retenues pratiquées par le maître de l'ouvrage ne sont pas justifiées compte tenu de l'état d'achèvement des travaux ;
- Elle a droit au paiement des factures correspondant à ses prestations ;
- Elle n'est pas seule responsable du retard pris dans l'exécution des travaux, lequel doit être ramené à une durée de 42 jours dont il convient de déduire les congés d'été ;
- Il y a lieu de modérer le montant de ces pénalités ;
- Les sommes mises à son débit au titre du marché de substitution ne sont pas justifiées et elle n'a pas été mise en mesure de suivre la réalisation de ce marché.
Par un mémoire enregistré le 30 mars 2020, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me Lafay, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société JAF Martins au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucun moyen dirigé contre le jugement attaqué ; qu'en outre les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bruyère, représentant la société J.A.F Martins.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de l'opération d'extension et de restructuration du collège Stella Blandy à Montesquieu-Volvestre, le département de la Haute-Garonne a confié, par acte d'engagement du 19 mai 2010, le lot n° 1-1 " gros œuvre, clos et couvert " à l'entreprise J.A.F Martins. Le 27 octobre 2010, le maître d'ouvrage a décidé l'arrêt immédiat des travaux confiés à cette société puis a résilié le marché aux frais et risques de l'entreprise le 1er décembre 2010. Le 25 juillet 2014, le département a émis un avis des sommes à payer à l'encontre de la société J.A.F Martins au titre du solde du marché initial, y compris un montant de 260 336,98 euros correspondant à l'excédent de dépenses résultant de la passation d'un marché de substitution. Par un premier jugement du 28 octobre 2014 confirmé en appel par un arrêt n°14BX03576 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société J.A.F Martins tendant à la condamnation du département de la Haute-Garonne à lui verser une indemnité en réparation du préjudice que lui aurait causé la résiliation abusive du marché et la décision d'ajournement des travaux qui l'a précédée. Par un second jugement du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre exécutoire susmentionné du 25 juillet 2014 et a rejeté les demandes de la société J.A.F Martins tendant à ce que le solde du marché dont elle était titulaire soit fixé à la somme de 182 135 euros au débit du département de la Haute-Garonne et à ce que le département soit condamné à lui verser cette somme. La société J.A.F Martins relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En vertu des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable à l'instance d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
3. Il ressort des pièces du dossier que la société J.A.F Martins a présenté, dans le délai d'appel, une requête qui ne constitue pas la seule reproduction intégrale et exclusive de son mémoire de première instance et comporte des critiques du jugement attaqué. Une telle motivation répond aux exigences posées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait entachée d'un défaut de motivation doit être écartée.
Sur le bien-fondé de la requête :
4. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce qu'elle a droit au paiement de plusieurs factures pour un montant total de 20 113 euros, dont elle ne précise au demeurant ni la nature ni à quel titre les travaux correspondants auraient été exécutés, et de ce que le département ne justifie pas de la retenue pratiquée sur les frais de démolition, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en cause (CCAG) ; " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité journalière de 1/3000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est à dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13 (...). ".
6. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment des comptes rendus de chantiers n°2, 11 et 21 mais également des lettres échangées entre la société appelante et le maître d'œuvre ainsi que des constats successifs d'avancement des travaux, que la société avait cumulé un retard de quatre semaines par rapport au planning d'exécution dès le 3 août 2010 puis de deux mois le 30 septembre 2010, après déduction des congés d'été accordés, sans que la société puisse utilement soutenir que ce retard était rattrapable compte tenu, en particulier, de ses incidences sur l'avancement de l'ensemble des travaux ni de ce que son propre planning prévisionnel prévoyait un retard de 12 jours dans le démarrage des travaux. Toutefois, il résulte également de ces pièces que le démarrage, le 9 août 2010, avec 7 jours de retard des travaux de fondation du seul bâtiment " technologie " puis leur éventuelle interruption doivent être imputés à l'entreprise en charge des déplacements de réseaux. En outre, le département de la Haute-Garonne ne produit aucun élément justifiant l'imputation à la société J.A.F Martins d'un retard cumulé de 68 jours à la date de l'ajournement des travaux le 27 octobre 2010 alors qu'il ressort au contraire du compte rendu de la réunion de chantier n°21 du 26 octobre 2010 que ce retard n'était alors que de 6 semaines. Par suite, il y a lieu de ramener à 5 semaines, soit 35 jours, le nombre de jours de retard devant être imputé à la société J.A.F Martins après déduction des jours de retard qui ne lui sont pas imputables.
7. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article 20 du CCAG que les pénalités doivent être calculées par rapport au montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée tel qu'il résulte de l'acte d'engagement. En l'occurrence, l'acte d'engagement indique uniquement un prix de " base + option " fixé à 1 089 485 euros HT sans que soient renseignés les prix correspondants aux différentes tranches de ces travaux. Dans ces conditions, le montant de la pénalité journalière contractuellement applicable, correspondant au 1/3000 du montant du prix du marché, doit être fixé à la somme de 363,16 euros. Par suite, eu égard aux jours de retards susmentionnés, le montant total des pénalités mis à son débit doit être ramené de 24 694,88 euros à 12 710,65 euros.
8. Enfin, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le montant de ces pénalités serait manifestement excessif dès lors qu'il ne représente que 1,1 % du montant du prix de base du marché correspondant. Par suite, ses conclusions tendant à la modération de la somme mise à sa charge au titre de ces pénalités doivent être rejetées.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 11.22 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en litige (CCAG) : " Dans le cas d'application d'un prix forfaitaire, le prix est dû dès lors que l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou l'ensemble de prestations auquel il se rapporte a été exécuté ; les différences éventuellement constatées, pour chaque nature d'ouvrage, ou chaque élément d'ouvrage entre les quantités réellement exécutées et les quantités indiquées dans la décomposition de ce prix établie conformément au 32 de l'article 10, même si celle-ci a valeur contractuelle, ne peuvent conduire à une modification dudit prix : il en est de même pour les erreurs que pourrait comporter cette décomposition. ".
10. D'une part, il résulte de l'instruction que la société appelante a réalisé l'intégralité des fondations profondes par implantation de pieux et que cette réalisation ne comporte aucune malfaçon ni méconnaissance des dispositions contractuelles ou des règles de l'art ainsi que le reconnaît, au demeurant, le département dans ses écritures. En outre, si le diamètre de ces pieux est inférieur à celui prévu dans la décomposition des prix, il ressort des dispositions précitées de l'article 11.22 du CCAG que la différence de quantité qui en découle ne peut conduire à une modification du prix de la prestation correspondante. Par suite, la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le maître d'ouvrage avait pu, à bon droit, pratiquer à ce titre une retenue correspondant à la différence entre les quantités prévues et les quantités utilisées pour une somme de 24 782,98 euros TTC s'agissant du bâtiment " technologie " et de 40 223,49 euros TTC s'agissant du bâtiment " demi-pension ".
11. D'autre part, les dispositions précitées de l'article 11.22 du CCAG ne font en revanche pas obstacle à ce que soit pratiquée une réfaction sur le prix du marché lorsqu'une partie de l'ouvrage n'est pas achevée ou a été exécutée en méconnaissance des règles de l'art ou des stipulations contractuelles. En l'occurrence, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de constat contradictoire d'avancement des travaux établi le 20 décembre 2010, valant réception sous réserve de ces travaux, que l'ensemble des longrines et des têtes de pieux du bâtiment " technologie " doit être démoli compte tenu des malfaçons les affectant et que restaient à réaliser 80 % des têtes de pieux et 100 % des longrines BA et préfabriquées du bâtiment " demi-pension ". Dans ces conditions, la société J.A.F Martins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le département a procédé aux retenues correspondantes.
12. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 49 du CCAG : " 49.4 (...) En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. Ce marché est conclu après appel d'offres avec publicité préalable ; toutefois, pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, il peut être passé un marché négocié. Par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. / 49.5. L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'œuvre et de ses représentants. / Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques. / 49.6. Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont à la charge de l'entrepreneur. Ils sont prélevés sur les sommes qui peuvent lui être dues ou, à défaut, sur ses sûretés éventuelles, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance. / Dans le cas d'une diminution des dépenses, l'entrepreneur ne peut en bénéficier même partiellement (...) ". Il résulte de ces dispositions que le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l'exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par le maître d'ouvrage en raison de l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur étant à sa charge.
13. D'une part et contrairement à ce que soutient la société appelante, le décompte général établi par le maître de l'ouvrage, arrêté à la somme de 98 223,67 euros au débit de la société, a été calculé en prenant en compte la somme de 260 336,98 euros, déduite du solde du marché au titre des excédents de dépenses générés par le marché de substitution en application des dispositions précitées de l'article 49 du CCAG.
14. D'autre part si, par lettre du 30 juin 2011, le département de la Haute-Garonne a informé la société J.A.F Martins que le marché de substitution du lot 1.1 " clos et couvert " avait été attribué à la société MAS pour un montant de 1 370 000 euros HT et l'a autorisée à en suivre l'exécution, il résulte de l'instruction et n'est, au demeurant, pas contesté que ce marché de substitution n'a en revanche pas été notifié à la société appelante avant le commencement des travaux. Ainsi, celle-ci n'a pas été mise à même de suivre l'exécution du marché de substitution conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le maître d'ouvrage n'avait commis aucune faute faisant obstacle à ce que les surcoûts qu'il a supportés en raison de l'achèvement des travaux par un nouvel entrepreneur soient mis à son débit au sein du décompte général du marché initial pour un montant de 260.336,98 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le solde du marché en cause doit être fixé à la somme de 239 830,68 euros au débit du département de la Haute-Garonne. Par suite, la société JAF Martins est fondée à demander que ce département soit condamné à lui verser la somme sollicitée de 182 135 euros en règlement de ce marché et à ce que cette somme soit assortie des intérêts moratoires à compter du 24 septembre 2014, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif de Toulouse.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société J.A.F Martins la somme que demande le département de la Haute-Garonne au titre des frais exposés pour l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette société.
DÉCIDE :
Article 1er : Le département de la Haute-Garonne est condamné à verser à la société J.A.F Martins la somme de 182 135 euros au titre du règlement du lot n°1-1 du marché relatif à l'extension et la restructuration du collège Stella Blandy à Montesquieu-Volvestre. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires à compte du 24 septembre 2014.
Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse du 19 décembre 2018 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le département de la Haute-Garonne versera à la société J.A.F Martins la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département de la Haute-Garonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société J.A.F Martins et au département de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.
Le rapporteur,
Manuel A...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX00542 2