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10/03/2022 | FRANCE | N°20BX00111

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 mars 2022, 20BX00111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions du 2 mai 2017 par lesquelles le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale à leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subi à la suite du décès de leur frère Kamel, ainsi que les décisions implicites de rejet de leur recours gracieux du 23 mai 2017.

Par un jugement n° 1701868, 1701869 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs dema

ndes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions du 2 mai 2017 par lesquelles le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale à leur demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils ont subi à la suite du décès de leur frère Kamel, ainsi que les décisions implicites de rejet de leur recours gracieux du 23 mai 2017.

Par un jugement n° 1701868, 1701869 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 janvier 2020, le 1er juillet 2021 et le 2 juillet 2021, MM. B..., représentés par Me Marcel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 7 novembre 2019 en tant qu'il rejette leurs demandes tendant à l'annulation des décisions refusant de leur accorder le relèvement de la prescription quadriennale ;

2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre de la défense a rejeté leurs demandes du 23 mai 2017 tendant à ce que la prescription quadriennale soit relevée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le décès de leur frère constitue en lui-même une circonstance particulière au sens de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 ;

- leur situation sociale constitue également une circonstance particulière, dès lors que l'un deux détient un contrat à durée indéterminée en tant que conducteur-receveur pour un salaire mensuel moyen de 1 579 euros, tandis que l'autre est sans emploi ;

- la ministre devait se placer à la date des décisions rejetant leurs demandes tendant à ce que la prescription quadriennale soit relevée pour apprécier leur situation, et non à la date du décès de leur frère.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de MM. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Marcel, représentant MM. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par deux courriers du 2 avril 2016, MM. B... ont demandé au ministre de la défense de les indemniser du préjudice moral qu'ils ont subi à la suite du décès, le 15 mai 2006, de leur frère Kamel B.... Par deux décisions du 2 mai 2017, le ministre de la défense leur a opposé la prescription quadriennale. Par deux courriers du 23 mai 2017, MM. B... ont formé des recours gracieux contre ces décisions, demandant notamment que la prescription quadriennale qui leur avait été opposée soit relevée. Des décisions implicites de rejet sont nées du silence gardé sur ces demandes. Ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 7 novembre 2019 en tant qu'il rejette leurs demandes tendant à l'annulation des décisions refusant de leur accorder le relèvement de la prescription quadriennale.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. (...) ".

3. Si la décision refusant un relèvement de la prescription quadriennale peut être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir, cette décision ne peut être annulée que si elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir.

4. Il ressort des pièces du dossier que Kamel B..., sapeur de 1ère classe du 17ème régiment du génie parachutiste de Montauban, est décédé le 15 mai 2006 en service en Afghanistan à la suite de l'explosion d'une mine anti-personnelle au cours d'une mission de dépollution dans la zone de responsabilité française au nord de Kaboul. Il est constant que, dès le 23 juin 2006, le directeur général du commissariat de région terre Sud-Ouest a informé les parents des requérants de la possibilité de demander une indemnisation du préjudice moral subi par les membres de la famille à raison de ce décès, et qu'il a demandé, par un courrier du 7 août 2006, de lui faire connaître les intentions des frères de la victime quant à l'indemnisation de leur préjudice moral. Si MM. B... font valoir que leur mère, affectée par le décès de son plus jeune fils, ne leur a pas fait connaître cette possibilité d'indemnisation, ils ne contestent pas qu'ils avaient connaissance de la qualité de militaire de leur frère Kamel et des circonstances de son décès, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils étaient âgés, en 2006, respectivement de 34 ans et de 29 ans. Le ministre de la défense n'a ainsi pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que le décès de leur frère Kamel ne pouvait constituer, par lui-même, une circonstance particulière au sens de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968, alors même qu'ils auraient été très proches et que la famille a été particulièrement affectée par ce décès.

5. Par ailleurs, si, comme le soutiennent les requérants, le ministre aurait dû se placer à la date de leur demande pour évaluer la situation financière de M. C... B..., il ressort du mémoire en défense de la ministre qu'ont également été pris en compte, pour estimer qu'aucune circonstance particulière ne justifiait que la prescription quadriennale soit relevée, les diligences accomplies par l'autorité militaire et le fait que MM. B... avaient eu connaissance des conditions du décès de leur frère dès 2006. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... dispose d'un contrat à durée indéterminée en tant que conducteur-receveur au sein de la société Idélis, pour un salaire mensuel moyen de 1 579 euros, tandis que M. C... B... fait valoir qu'il est actuellement sans emploi. Ces seuls éléments, sans précision particulière quant aux situations sociales respectives des intéressés, ne permettent pas de regarder celles-ci comme relevant d'une circonstance particulière au sens de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968. Par suite, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de relever la prescription quadriennale.

6. Il résulte de ce qui précède que MM. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de la défense a refusé de relever la prescription quadriennale à leur égard. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à M. C... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00111 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00111
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02-07 Comptabilité publique et budget. - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale. - Régime de la loi du 31 décembre 1968. - Relevé de forclusion.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;20bx00111 ?
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