Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2005246 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, M. B..., représenté par Me Haas demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 5 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ; l'administration préfectorale ne l'a pas invité à fournir les pièces manquantes indispensables à l'instruction de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfète avait d'ailleurs injonction de réexaminer sa situation sur ce fondement en vertu d'un jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux et ne l'a même pas convoqué pour le réexamen de sa demande ; le traitement de son dossier n'a donc pas fait l'objet d'un examen réel ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la circulaire du 28 novembre 2012 recommande d'ailleurs aux préfets de délivrer une carte de séjour temporaire lorsque le jeune majeur n'a plus aucun lien privé et familial avec son pays d'origine ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relativement à la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale " et d'une carte de séjour " salarié " ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un refus de séjour illégal ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 mai 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Nicolas Normand, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de nationalité pakistanaise né en 2000, déclare être entré en France le 23 juillet 2017. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 8 août 2017 et a bénéficié par la suite d'un contrat " jeune majeur " régulièrement renouvelé. Le 14 mars 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité de peintre. Par un arrêté du 19 novembre 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. A la suite de l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Bordeaux le 24 juin 2020, la préfète de la Gironde a procédé au réexamen de sa demande à l'issue duquel, par un arrêté du 5 octobre 2020, elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 17 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ".
3. Par un jugement du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 19 novembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination au motif que la préfète n'avait pas procédé à un examen de son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a enjoint à la préfète de réexaminer la demande de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. En exécution de ce jugement, la préfète de la Gironde, qui n'était pas tenue de convoquer l'intéressé pour un entretien, a procédé au réexamen de sa demande et rejeté celle-ci, sur le fondement notamment de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que, si lors de sa demande de titre de séjour, Monsieur B... A... a précisé disposer d'une promesse d'embauche pour un poste à temps partiel pour un emploi en qualité de " peintre ", cette circonstance n'est pas constitutive d'un motif exceptionnel et ne relève pas davantage de considérations humanitaires au sens de ce même article et qu'en tout état de cause, il ne justifie pas d'une ancienneté de travail, ne justifie d'aucune activité professionnelle depuis son arrivée en France, ne justifie ni des diplômes ni de l'expérience nécessaire pour exercer l'activité précitée, il n'est présent en France que depuis juillet 2017 et le salaire proposé par l'employeur est inférieur à la rémunération mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 du code du travail. Ce faisant, l'autorité préfectorale qui a procédé à un examen approfondi de la situation du requérant n'a pas estimé que sa demande était incomplète. Elle n'avait donc pas à l'inviter à fournir des pièces à l'appui de l'instruction de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision attaquée ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". En application de ces stipulations et de ces dispositions, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
6. D'une part, à la date de l'arrêté attaqué, M. B..., célibataire et sans charge de famille, ne résidait sur le territoire français que depuis trois ans et n'était pas dépourvu de liens personnels anciens et stables dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Il s'en suit que contrairement à ce que soutient le requérant, la circulaire du 28 novembre 2012 qui recommande aux préfets de délivrer une carte de séjour temporaire lorsque le jeune majeur n'a plus aucun lien privé et familial avec son pays d'origine n'est pas méconnue, alors d'ailleurs que cette circulaire ne comporte que des orientations. Et par suite, alors même qu'il a été pris en charge depuis son arrivée en France par l'aide sociale à l'enfance, puis par un foyer d'accueil, et qu'il a réalisé plusieurs stages en entreprises, de courte durée, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Cette décision n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, elle ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. D'autre part, en présence d'une demande de régularisation, par le travail, présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, s'il existe des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour. En l'occurrence, si M. B... a réalisé plusieurs stages de 15 jours à un mois auprès de deux entreprises de peinture, bénéficie d'une promesse d'embauche datée du 18 février 2019 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre de la part d'une société qui souligne ses qualités humaines et professionnelles et qu'une autre société de peinture a rempli à son bénéfice un formulaire de demande d'autorisation de travail le 17 juillet 2020, il ne justifie toutefois pas d'une formation en qualité de peintre et la rémunération qui lui est proposée est systématiquement inférieure au montant requis par les dispositions du code du travail. En outre, il n'est pas établi que ces employeurs aient transmis leur demande d'autorisation de travail aux services de la DIRECCTE et il n'est pas davantage établi que ces employeurs aient déposé une offre d'emploi équivalente auprès de pôle emploi et qu'aucun candidat ne se serait proposé. Ainsi, et bien que M. B... témoigne d'une volonté d'intégration professionnelle, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de ce que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle du requérant ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fondent.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Fabrice Phalippon La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02414