Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'annuler le titre exécutoire émis le 21 décembre 2016 par la même autorité pour le recouvrement de la somme
de 3 419,54 euros.
Par un jugement n° 1700362 du 20 juin 2019, le tribunal a annulé la décision
du 12 décembre 2016 et le titre exécutoire du 21 décembre 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2019 et un mémoire enregistré
le 18 octobre 2021, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal ;
2°) de mettre à la charge de M. G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est sur la seule affirmation de M. G... quant à l'absence d'antécédent allergique que le docteur E... a conclu que la maladie du 19 février 2011 ne pouvait qu'être en rapport avec les conditions de travail ; cette conclusion est contredite par le certificat du 10 mars 2011 du docteur H... mentionnant l'existence d'antécédents pulmonaires ; le rapport du docteur A... B... du 20 décembre 2011 fait état d'antécédents asthmatiques qu'il n'impute pas aux conditions de travail, et attribue le malaise survenu sur le lieu de travail à un épuisement professionnel ; le docteur E... n'explique pas en quoi l'asthme dû à une allergie aux acariens, ou son aggravation, serait en lien avec l'exercice des fonctions et la manipulation de produits d'entretien, alors que cette pathologie a été mentionnée pour la première fois dans la déclaration d'accident du travail du 24 mai 2012 ; la gêne respiratoire mentionnée par le certificat du médecin traitant du 19 février 2011 n'est pas imputée à une crise d'asthme et peut s'expliquer par la crise d'hypertension artérielle ; il ressort du certificat du docteur D... du 27 mai 2011 que l'asthme a perduré alors que l'agent était en arrêt de travail ; ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. G... n'apporte pas la preuve d'un lien de causalité direct entre l'asthme et son activité professionnelle ;
- aucun des éléments produits en première instance ne démontre que l'asthme de
M. G... pourrait résulter d'une allergie aux produits d'entretien qu'il a utilisés, alors que l'agent ne s'est jamais plaint d'une quelconque allergie et que les tests n'ont révélé qu'une allergie aux acariens ;
- les antécédents pulmonaires et la crise d'hypertension artérielle du 19 février 2011 peuvent expliquer à eux seuls l'apparition de l'asthme, sans que les produits d'entretien aient pu jouer un rôle dans l'apparition de cette maladie.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2020, M. G..., représenté par la SCP Drouineau, Bacle, Le Lain, Barroux, Verger, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de son affection, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de cet établissement le versement au profit de son conseil d'une somme
de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que :
- il utilisait dans le cadre de son travail des produits de nettoyage, composés notamment d'ammonium quaternaire et de chlorure de benzalkonium, dont la littérature médicale établit sans ambiguïté le lien avec des affections respiratoires de type asthme ; c'est à compter de sa mutation en 2011 qu'il a présenté des symptômes asthmatiques et une grande souffrance au travail, et son médecin traitant a noté une allergie importante aux produits d'entretien ; s'il souffrait initialement d'une allergie aux acariens, l'asthme s'est déclenché, et à tout le moins son état de santé s'est aggravé, du fait de son exposition aux produits d'entretien ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a annulé la décision du 12 décembre 2016 ;
- le CHU n'ayant pris aucune décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, il est recevable à présenter pour la première fois en appel des conclusions à fin d'injonction.
M. G... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pielberg, représentant le centre hospitalier universitaire de Poitiers et de Me Perotin représentant M. G... .
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un congé de longue maladie du 10 avril 2009 au 12 septembre 2010, M. G..., aide-soignant titulaire en fonctions au CHU de Poitiers depuis 1983, a été affecté à compter du 13 septembre 2010 à l'entretien des locaux du pavillon Beauchant de cet établissement. Le 19 février 2011, il a présenté un malaise avec hypertension artérielle sur son lieu de travail et a été placé en congé de maladie ordinaire, puis en congé de longue durée.
Le 24 mai 2012, il a déclaré un accident du travail en indiquant que le malaise avec hypertension
du 19 février 2011 avait été accompagné d'une crise d'asthme. Sa demande de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle, présentée par lettre du 19 février 2014, a été rejetée par une décision du 1er août 2014. Par une ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. G..., a suspendu l'exécution de cette décision, en retenant une situation d'urgence du fait de l'aggravation de la situation financière de l'intéressé dans un contexte de surendettement, aux motifs que les moyens tirés de l'absence de convocation régulière devant la commission de réforme et de l'erreur de fait étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision, et a enjoint au CHU de rétablir le plein traitement de son agent. Après une nouvelle saisine de la commission de réforme, le directeur général du CHU de Poitiers a retiré sa décision du 1er août 2014 et confirmé son refus de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle par une deuxième décision
du 9 novembre 2015, puis a émis le 18 novembre 2015 un titre de recettes d'un montant
de 3 419,54 euros pour le recouvrement des rappels de rémunération versés en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif que la seule circonstance que la première constatation médicale de l'affection était intervenue plus de sept jours après l'exposition de l'intéressé au risque professionnel ne suffisait pas à fonder légalement le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie. Le directeur général du CHU a pris une troisième décision de rejet le 12 décembre 2016 au motif de l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la maladie et le service, et a émis
le 21 décembre 2016 un nouveau titre de recettes de 3 419,54 euros. Le CHU de Poitiers relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, saisi
par M. G..., a annulé cette décision et ce titre de recettes.
Sur l'appel du CHU de Poitiers :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...). "
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Si le " malaise " avec hypertension artérielle survenu en service le 19 février 2011 n'a pas été décrit par l'arrêt de travail du 20 février 2011 comme s'étant accompagné d'une crise d'asthme, il ressort des pièces du dossier que M. G... a consulté dès le 23 février 2011
un pneumologue qui lui a prescrit une spécialité utilisée dans le traitement de l'asthme et a établi le 26 mai 2011 un certificat médical attestant qu'il était porteur d'une maladie asthmatique.
Le 30 juin 2011, un allergologue a certifié que M. G... présentait un asthme allergique avec forte sensibilisation aux acariens, difficilement compatible avec les activités d'entretien l'exposant notamment à " l'empoussiérage ". Il ressort d'un certificat du médecin traitant qui suit l'intéressé depuis 2006 que l'allergie modérée aux acariens ne nécessitait pas de traitement avant le malaise survenu le 19 février 2011. La circonstance que le médecin de l'unité de consultation de pathologies professionnelles et environnementales qui a examiné M. G...
le 20 décembre 2011 a conclu que ce malaise pourrait traduire " un épuisement professionnel associé à une plainte somatique, traduisant ainsi une reddition émotionnelle avec effondrement des défenses psychiques " ne met pas en cause le lien entre le travail et l'aggravation de l'allergie aux acariens dès lors que cet effondrement, dont le médecin a constaté qu'il avait pour origine l'affectation à une activité de nettoyage d'un agent se revendiquant aide-soignant par vocation, s'est accompagné de l'apparition d'un asthme médicalement constatée. La circonstance qu'en mai 2011, l'intéressé était toujours traité pour son asthme alors qu'il était en congé de longue durée depuis mars ne saurait remettre en cause l'imputabilité de son état de santé au service. Le lien direct entre les fonctions de nettoyage auxquelles M. G... était affecté depuis six mois et un asthme allergique sensibilisé aux acariens retenu à bon droit par le tribunal étant ainsi établi, le CHU de Poitiers ne peut utilement se prévaloir du fait qu'une allergie aux produits d'entretien utilisés dans le cadre du service n'a pas été caractérisée.
5. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Poitiers n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 12 décembre 2016, et par voie de conséquence le titre de recettes du 21 décembre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par
M. G... :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et
L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le CHU de Poitiers est tenu de faire droit à la demande de M. G.... Par suite il y a lieu de lui enjoindre de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique dans un délai de deux mois à compter
de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Le CHU de Poitiers, qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
9. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce,
de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 1 500 euros à verser à Me Drouineau.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du CHU de Poitiers est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique de M. G... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le CHU de Poitiers versera à Me Drouineau une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers
et à M. C... G....
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022.
La rapporteure,
Anne F...
La présidente,
Catherine GiraultLe greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03404