Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BDA Formation a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 octobre 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de lui délivrer le récépissé prévu à l'article L. 731-3 du code de l'éducation pour l'établissement d'enseignement " Medical Sciences " à Bordeaux.
Par un jugement n° 1705212 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 octobre 2017 du recteur de l'académie de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2019, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la société BDA Formation.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il ne contient pas l'exposé des moyens et conclusions des parties et n'est pas signé ;
- l'établissement en cause ne pouvait être regardé comme un établissement d'enseignement supérieur au sens des articles L. 731-1 et suivants du code de l'éducation mais constitue une activité de soutien pédagogique complémentaire des cours en Paces.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2020, la société BDA Formation, représentée par Me Brenot et Me Billery avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par une ordonnance du 17 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juin 2021 à 12 heures.
Un mémoire présenté pour la société BDA Formation, représentée par Me Brenot et Me Billery, a été enregistré le 15 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., représentant la ministre chargée de l'enseignement supérieur, et de Me Weicheldinger, représentant la SARL BDA Formation.
Considérant ce qui suit :
1. La société BDA Formation, qui a pour objet social " l'enseignement supérieur ", exploite un établissement d'enseignement privé hors contrat sous l'enseigne Medical Sciences à Bordeaux. Cet établissement organise une année préparatoire aux concours de santé de l'université, composée de sept modules d'enseignement délivrés par des docteurs ès sciences en complément et soutien de la première année commune aux études de santé (PACES) de l'université. Par courriers des 23 décembre 2015 et 12 juin 2017, elle a adressé au recteur de l'académie de Bordeaux une déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé en application des articles L. 731-1 et suivants du code de l'éducation. Mais par une décision du 6 octobre 2017 le recteur a refusé de lui délivrer le récépissé de sa déclaration d'ouverture aux motifs que l'établissement Medical Sciences était un organisme de soutien universitaire qui ne propose pas de formations à plein temps diplômantes. Saisi par la société BDA, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision par un jugement du 17 octobre 2019. Le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Contrairement à ce que soutient le ministre appelant, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué mentionne dans ses visas tous les moyens soulevés par les demandeurs, ainsi que leurs conclusions et vise les textes dont elle a fait application.
4. Il résulte de ce qui précède, que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'éducation : " Le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels ". Selon l'article L. 123-3 de ce code : " Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont : / 1° La formation initiale et continue ; (...) / 3° L'orientation et l'insertion professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " L'enseignement supérieur est libre ". Et selon l'article L. 613-2 dudit code : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations (...) préparant à des examens ou des concours ". L'article L. 731-14 du code précise que : " Les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités. Les certificats d'études qu'on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat (...) ". Enfin l'article L. 731-5 du même code prévoit que : " (...) Les établissements d'enseignement supérieur privés doivent préciser sur leurs documents d'inscription les formations sanctionnées par un diplôme qui fait l'objet d'une reconnaissance par l'Etat ". Il résulte de ces dispositions que les établissements d'enseignement supérieur privés ne délivrent pas nécessairement de diplôme aux étudiants mais que si tel est le cas ils doivent informer les étudiants de la reconnaissance ou non de ce diplôme par l'Etat.
6. D'autre part, les articles L. 731-1 à L. 731-18 du code de l'éducation régissent les conditions d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé. Aux termes de l'article L. 731-1 de ce code : " Tout Français (...) ainsi que les associations formées légalement dans un dessein d'enseignement supérieur, peuvent ouvrir librement des cours et des établissements d'enseignement supérieur, aux seules conditions prescrites par le présent titre (...) ". L'article L. 732-2 du même code précise que : " Les associations formées pour créer et entretenir des cours ou établissements d'enseignement supérieur doivent établir une déclaration indiquant les noms, professions et domiciles des fondateurs et administrateurs desdites associations, le lieu de leurs réunions et les statuts qui doivent les régir. / Cette déclaration doit être faite : 1° Au recteur ; 2° Au représentant de l'Etat dans le département ; 3° Au procureur général de la cour du ressort ou au procureur de la République (...) ". Selon l'article L. 731-3 de ce code : " L'ouverture de chaque cours doit être précédée d'une déclaration signée par l'auteur de ce cours. / Cette déclaration indique les nom, qualité et domicile du déclarant, les locaux où seront faits les cours, et l'objet ou les divers objets de l'enseignement qui y sera donné. / Elle est remise au recteur dans les départements où est établi le chef-lieu de l'académie, et à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans les autres départements. Il en est donné immédiatement récépissé. / L'ouverture du cours ne peut avoir lieu que dix jours francs après la délivrance du récépissé (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans l'académie doit, sans délai, donner récépissé aux déclarations d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur, à condition que ces demandes entrent dans le champ d'application des articles
L. 731-1 à L. 731-4 du code de l'éducation.
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'établissement Medical Sciences délivre un enseignement réservé aux titulaires du baccalauréat et qui a pour objet de permettre à ces derniers de préparer des concours ou des examens " en suivant des modules d'enseignement en parallèle d'une inscription dans des filières de l'enseignement supérieur préparant notamment aux concours de santé ". Cet établissement doit donc être regardé comme dispensant une formation postsecondaire, préparant les étudiants à des examens ou des concours, sans délivrer de diplôme, conformément aux dispositions citées au point 5. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont décidé que le motif de refus opposé par le recteur à la demande de délivrance du récépissé par Medical Sciences, était erroné et l'ont censuré.
8. En deuxième lieu, si la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation fait valoir que l'établissement Médical Sciences ne relèverait pas de l'enseignement supérieur mais constituerait un établissement de soutien pédagogique complémentaire des cours en Paces, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée l'établissement accueillait soit des étudiants se préparant au concours d'entrée en Paces, soit des étudiants en première année de Paces souhaitant un accompagnement afin de passer en année supérieure. Dès lors, Medical Sciences qui doit être regardé comme préparant à des examens ou des concours postsecondaires au sens des dispositions citées au point 5, relevait bien de l'enseignement supérieur.
9. Enfin, il n'est pas contesté que Medical Sciences a déposé une déclaration dans les formes et selon les règles prévues par les articles L. 731-1 à L. 731-18 du code de l'éducation précitées pour ouvrir un établissement ayant la qualité d'établissement d'enseignement supérieur privé. Les motifs opposés par le recteur pour refuser de délivrer à cette société le récépissé de sa déclaration d'ouverture n'étant pas au nombre de ceux, limitativement énumérés par ces mêmes dispositions, qui peuvent être invoqués par l'autorité administrative, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 octobre 2017 du recteur de l'académie de Bordeaux.
10. Il résulte de toute ce qui précède, que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 octobre 2017 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a refusé de délivrer à la société BDA Formation pour son établissement Medical Sciences, le récépissé prévu par les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'éducation.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qu'il versera à la société BDA Formation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société BDA Formation la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à la société BDA Formation.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.
La rapporteure,
Fabienne Zuccarello La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 19BX04927