Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 17 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2002451 du 30 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 8 juin 2021, M. A..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 17 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure, en ce que la préfète n'a pas saisi à nouveau l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), alors que cet avis datait d'un an et demi auparavant ; le tribunal a à tort considéré qu'il n'apportait pas la preuve d'éléments nouveaux justifiant de saisir à nouveau le collège de médecins de l'Ofii, alors qu'il justifie, par un certificat médical du 18 février 2020, d'une évolution de son état de santé depuis le 11 avril 2019, impliquant une modification de sa prise en charge médico-chirurgicale, et produit des attestations établissant l'impossibilité d'obtenir une transplantation rénale d'un donneur cadavérique en Algérie et l'absence de disponibilité des traitements dont il a besoin dans ce pays ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation, dès lors que la préfète indique sans aucune précision, et à tort, qu'il ne produit aucun élément nouveau ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen actualisé de sa situation, la préfète se basant sur l'avis rendu par le collège de médecins de l'Ofii un an et demi avant ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation médicale au regard des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, dès lors que son état de santé s'est dégradé depuis l'avis du collège de médecins de l'Ofii et qu'il justifie qu'il ne pourra pas bénéficier des soins dont il a besoin en Algérie ;
- la préfète a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation au regard des pièces du dossier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle s'en remet à son mémoire de première instance.
Par ordonnance du 14 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2021 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/005817 du 8 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Evelyne Balzamo, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France le 10 mars 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de trente jours. Le 4 mai 2017, il a déposé une demande d'asile, définitivement rejetée par une décision du 22 février 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 6 novembre 2017, il a sollicité un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 3 avril 2019, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 17 octobre 2019, il a de nouveau demandé la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, demande à laquelle la préfète de la Gironde n'a pas fait droit, par une décision du 17 janvier 2020. M. A... relève appel du jugement du 30 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour procéder au réexamen de la situation de M. A... au regard d'un éventuel droit au séjour en qualité d'étranger malade, la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Ofii concernant l'état de santé de M. A..., rendu le 5 septembre 2018, soit plus de seize mois avant la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a réalisé un bilan médical au CHU de Bordeaux le 26 mars 2019, en vue de son inscription sur la liste d'attente nationale de greffe rénale, dont il ne ressort pas de changement de son état de santé. M. A... produit également, un certificat médical du 18 février 2020 d'un médecin de l'association Médecins du monde, indiquant que son état de santé s'est modifié le 11 avril 2019, que cette aggravation a fait poser à cette date l'indication d'une modification de sa prise en charge médico-chirurgicale, ce qui aurait été confirmé le 8 octobre 2019. Toutefois, M. A... ne produit qu'un certificat médical du 11 avril 2019 d'un médecin néphrologue du CHU de Bordeaux, indiquant uniquement qu'il a entrepris des démarches en vue d'une inscription sur la liste d'attente de transplantation rénale, et aucune pièce datant du 8 octobre 2019 qui n'établit pas l'existence d'une aggravation de son état de santé. Au surplus, cette pièce est postérieure à la décision contestée. Dès lors, M. A... n'établit pas que son état de santé se serait sensiblement modifié pendant les seize mois séparant l'avis du collège de médecins de l'Ofii de la décision de la préfète de la Gironde, ni qu'il aurait porté à la connaissance de la préfète des éléments nouveaux de nature à justifier une évolution de son état de santé. Par suite, la préfète n'était pas tenue de solliciter un nouvel avis du collège de médecins de l'Ofii. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
4. La réponse de la préfète de la Gironde du 17 janvier 2020 fait, d'une part, référence à l'arrêté du 3 avril 2019, qui mentionnait de manière suffisamment détaillée les éléments de droit et de fait qui l'avaient conduite à considérer qu'il ne remplissait pas les conditions d'obtention d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et d'autre part, constate que la nouvelle demande de titre de séjour de M. A... fondée sur les mêmes stipulations, n'est pas accompagnée d'éléments de nature à modifier son appréciation. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
5. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, dès lors qu'il ressort des termes mêmes de sa réponse, que la préfète de la Gironde a pris en compte les nouvelles pièces produites à l'appui de la demande de révision de M. A....
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de l'Ofii venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et, en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. Dans son avis du 5 septembre 2018, le collège de médecins de l'Ofii a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'au regard de l'offre de soin et des caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
9. Il ressort des pièces du dossier, que M. A... est atteint d'une maladie rénale chronique, pour laquelle il a débuté une hémodialyse à l'âge de 12 ans en Algérie, et qu'il est entré en France en 2017, à l'âge de 38 ans, dans le but de se faire soigner. Si M. A... produit un document daté du mois d'avril 2019 selon lequel il a entrepris des démarches médicales pour une inscription sur la liste d'attente nationale de greffe rénale, il ne démontre pas l'évolution défavorable de son état de santé. Concernant ensuite la disponibilité de ses traitements en Algérie, M. A... ne produit que des pièces dont la valeur probante est insuffisante, de sorte qu'elles ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Ofii. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a commis une erreur d'appréciation de sa situation médicale au regard des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
10. En cinquième et dernier lieu, si le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire de régularisation, il n'est pas tenu d'en user. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la préfète de la Gironde n'a nullement commis d'erreur de droit quant à l'étendue de sa compétence.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition le 16 février 2022.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
André Gauchon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02415