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20/01/2022 | FRANCE | N°21BX03740

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 janvier 2022, 21BX03740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103584, 2103586 du 19 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 20 mai 2021 en tant seulement qu'ils fixaient le pays de destination et a enjoin

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103584, 2103586 du 19 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 20 mai 2021 en tant seulement qu'ils fixaient le pays de destination et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation des époux B... dans un délai de 2 mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21BX03740, le 17 septembre 2021 et 2 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 19 août 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. et Mme B....

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour s'être fondé sur la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 mars 2021 qui ne lui a pas été communiquée ;

- la Cour nationale du droit d'asile a débouté les époux B... de leur demande d'asile et ils n'apportent aucun élément nouveau.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Tercero concluent au rejet de la requête, à ce que la mesure d'éloignement soit annulée, à ce que le préfet délivre aux époux B... une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 21BX03741 le 17 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 19 août 2021.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Tercero concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident dirigées contre le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français, qui relèvent d'un litige distinct du litige relatif à la décision fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Tercero ont répondu au moyen relevé d'office.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions des 28 octobre 2021 et 18 novembre 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Fabienne Zuccarello, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... et M. A... B..., ressortissants sri-lankais nés respectivement le 27 avril 1986 et le 18 janvier 1978, sont entrés en France le 19 février 2019 et ont sollicité l'asile le 3 mai 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes par décisions du 28 septembre 2020, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 24 mars 2021. Par arrêtés du 20 mai 2021, le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés. M. et Mme M. B... ont saisi le tribunal administratif de Toulouse de demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par un jugement du 19 août 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 20 mai 2021 en tant seulement qu'ils fixaient le pays de destination et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation des époux B... dans un délai de deux mois. Par la requête enregistrée sous le n° 21BX03740, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 19 août 2021. Par la requête enregistrée sous le n° 21BX03741, le préfet demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement. Ces requêtes concernant un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 21BX03740 :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions présentées par M. et Mme B... :

2. Les décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi étant distinctes, les conclusions les concernant relèvent de litiges distincts et ne sont dès lors recevables devant la cour qu'à la condition d'avoir été enregistrées dans le délai d'appel ayant couru contre le jugement. Il en va toutefois autrement de conclusions incidentes tendant à l'annulation des décisions prises sur le fondement ou en exécution de la décision faisant l'objet de l'appel principal et présentant un lien suffisant avec celle-ci. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 19 août 2021, prononçant l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, et rejetant la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, a été notifié aux requérants, le 26 août 2021. Le courrier de notification précisait que cette notification faisait courir le délai d'appel qui est d'un mois. Les demandes d'aide juridictionnelle présentées par M. et Mme B... le 6 octobre 2021, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel, n'ont pas pu avoir pour effet d'interrompre le cours du délai. Dans ces conditions, les conclusions de M. et Mme B... présentées dans le litige introduit par le préfet de la Haute-Garonne contre le jugement du 19 août 2021 qui annule la décision fixant le pays de renvoi, soulèvent un litige distinct de celui relatif à l'obligation de quitter le territoire français et doivent donc être regardées comme présentées à titre principal en appel. Il suit de là que ces conclusions sont tardives et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

3. Pour annuler la décision fixant le pays de destination des époux B..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'il existait de sérieuses raisons de craindre qu'en cas de retour au Sri Lanka, M. et Mme B... soient exposés au risque d'être soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que les déclarations de M. B... concernant sa participation aux activités du mouvement indépendantiste Tamoul, le LTTE, ne sont pas circonstanciées, sont peu précises et sont incohérentes ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision du 24 mai 2021. Si la magistrate désignée par la présidente du tribunal a retenu que les déclarations de M. B... recoupaient celles ayant permis à son frère d'obtenir la qualité de réfugié en 2013, aucun élément du dossier ne permet d'attester que M. B... serait personnellement menacé du fait de ses propres activités ou de celles de son frère. En outre, si M. et Mme B... soutiennent avoir participé à des évènements en soutien au mouvement LTTE entre 2006 et 2008 et en 2012 ces faits sont anciens et ne permettent pas de tenir pour établit l'actualité des risques qu'ils encourraient en cas de retour au Sri Lanka. Enfin, s'agissant des faits plus récents invoqués par les requérants, aucun élément du dossier ne permet de les reconnaitre pour établis.

5. Il résulte de ce qui précède, que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions fixant le pays de renvoi de M. et Mme B... au motif que ces décisions seraient contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Dans ces conditions, en l'absence d'autres moyens soulevés par M. et Mme B..., dirigés contre les décisions fixant leur pays de renvoi, et qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel tant en première instance qu'en appel, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, il résulte de tout ce qui précède que le jugement du 19 août 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

7. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 19 août 2021, les conclusions de la requête n° 21BX03741 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

Sur les autres conclusions :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions afin de sursis à exécution de la requête n° 21BX03741 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Le jugement n° 2103584, 2103586 du 19 août 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Les demandes de première instance et les conclusions d'appel présentées par M. et Mme B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.

La présidente-rapporteure,

Fabienne Zuccarello

L'assesseure la plus ancienne,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX03740, 21BX03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03740
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-20;21bx03740 ?
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