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20/01/2022 | FRANCE | N°20BX00248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 20 janvier 2022, 20BX00248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 septembre 2017 par laquelle le maire du Pian-Médoc a rejeté sa demande de raccordement au réseau d'électricité, ainsi que la décision du 23 janvier 2018 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801105 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 janvier 2020, le 22 o

ctobre 2020 et le 11 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Novion, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 septembre 2017 par laquelle le maire du Pian-Médoc a rejeté sa demande de raccordement au réseau d'électricité, ainsi que la décision du 23 janvier 2018 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801105 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 janvier 2020, le 22 octobre 2020 et le 11 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Novion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du maire du Pian-Médoc du 26 septembre 2017 et du 23 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au maire du Pian-Médoc de procéder au raccordement définitif de son habitation au réseau d'électricité, ou, à défaut, d'autoriser sa construction en vertu de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et par conséquent son raccordement au réseau électrique ;

4°) de mettre à la charge de la commune du Pian-Médoc la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire du Pian-Médoc a commis une erreur de fait, dès lors que son habitation n'est pas nouvelle au sens du règlement du plan local d'urbanisme du Pian-Médoc ;

- l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ne permet pas au maire de s'opposer à un raccordement provisoire au réseau d'électricité, alors même que la construction serait illégale ;

- les décisions litigieuses portent atteinte au principe de dignité humaine, au droit au logement et au droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu'elle réside dans cette habitation avec son compagnon et ses trois enfants en bas âge, sans électricité et sans chauffage ;

- il est possible pour la commune de créer des secteurs de taille et de capacité d'accueil limité dans les zones naturelles, et d'autoriser un raccordement à l'électricité au sein de cette zone ; son terrain est enclavé dans une zone où existent déjà d'autres habitations.

Par des mémoires en défense enregistrés le 25 juillet 2020 et le 29 novembre 2020, la commune du Pian-Médoc, représentée par Me Borderie, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de Mme D... est irrecevable dès lors que la décision du 26 septembre 2017 confirme une décision négative ;

- les moyens de Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Ursulet, représentant Mme D..., et les observations de Me Janoueix représentant la commune du Pian-Médoc.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a demandé au maire du Pian-Médoc d'autoriser le raccordement au réseau d'électricité d'une maison d'habitation située sur la parcelle, dont elle est propriétaire, cadastrée section AT n° 28, située chemin Cazeau Biel et classée en zone naturelle du plan local d'urbanisme du Pian-Médoc. Elle relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2017 par laquelle le maire du Pian-Médoc a rejeté sa demande, ainsi que la décision du 23 janvier 2018 de rejet de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ".

3. Le maire du Pian-Médoc a refusé d'autoriser le raccordement au réseau d'électricité de la maison d'habitation située sur le terrain de Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme cité ci-dessus, au motif que la construction en cause était irrégulière.

4. En premier lieu, si Mme D... soutient que la maison d'habitation pour laquelle elle demande le raccordement au réseau d'électricité est ancienne, l'acte de vente du 16 décembre 2014 par lequel l'intéressée a acquis son terrain désigne le bien acquis comme une " parcelle en friche " et ne fait mention d'aucune construction, ni à la date de la vente, ni lors des acquisitions antérieures de ce terrain. Or, il est constant que le plan d'occupation des sols du Pian-Médoc, applicable de 1988 à 2011, puis le plan local d'urbanisme en vigueur depuis 2011, ont classé cette parcelle en zone naturelle, sur laquelle les constructions nouvelles n'étaient pas autorisées. A cet égard, la circonstance que Mme D... s'acquitte des taxes foncière et d'habitation pour cette maison d'habitation depuis 2018 est sans incidence sur la régularité de la construction en cause. Par suite, le maire du Pian-Médoc n'a pas commis d'erreur de fait en considérant que la construction érigée sur le terrain de Mme D... était irrégulière, et n'a pas commis d'erreur de droit en lui opposant l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, qui interdit le raccordement au réseau d'électricité pour les constructions qui n'ont pas été autorisées.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme D... du 18 septembre 2017 ne portait que sur le raccordement définitif au réseau d'électricité de sa maison d'habitation. La décision litigieuse a d'ailleurs pour seul objet de lui refuser un raccordement définitif. Par suite, l'intéressée ne peut utilement soutenir que le maire du Pian-Médoc ne pouvait pas refuser de lui accorder le raccordement provisoire à ce réseau.

6. En troisième lieu, si Mme D... se prévaut des dispositions de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme selon lesquelles le règlement d'un plan local d'urbanisme peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisées des constructions. Toutefois ces dispositions régissent l'affectation des sols lors de l'élaboration ou de la modification du règlement du plan local d'urbanisme, et ne peuvent être utilement invoquées à l'appui d'une demande de raccordement au réseau d'électricité.

7. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ". La décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, un raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée au réseau d'électricité a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de le privée et familiale garanti par les stipulations dudit article. Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

8. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les certificats de scolarité et les certificats médicaux des enfants de B... D... mentionnent une adresse à Macau, et non dans la commune du Pian-Médoc. L'attestation manuscrite de la belle-mère de la requérante, selon laquelle cette adresse à Macau a uniquement servi pour la scolarisation des enfants de B... D... dans cette commune ne suffit pas à établir que les filles A... la requérante résidaient effectivement au Pian-Médoc à la date de la décision litigieuse. Par ailleurs, les différents documents versés au dossier, faisant état d'une adresse chemin Cazeau Biel au Pian-Médoc sont tous datés de 2019, et sont ainsi postérieurs à la décision en litige, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été édictée. En outre, l'attestation d'assurance habitation versée au dossier mentionne la présence dans la maison d'un insert de cheminée, d'une cheminée à foyer ou d'un insert à bois. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, alors que Mme D... ne justifie pas qu'elle ne disposerait pas d'alternative pour se loger, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ignorait que sa maison n'était pas autorisée sur la parcelle en cause, la décision litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis de respect des règles d'urbanisme et de protection des espaces naturels de la commune. Pour les mêmes motifs, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la dignité humaine de la requérante ou à son droit au logement.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune en défense, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur l'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Pian-Médoc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'intéressée une somme 1 500 euros à verser à la commune du Pian-Médoc, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à la commune du Pian-Médoc une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à la commune du Pian-Médoc.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2022.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00248 4


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation des installations et travaux divers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BORDERIE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 20/01/2022
Date de l'import : 25/01/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20BX00248
Numéro NOR : CETATEXT000045062625 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-20;20bx00248 ?
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