Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2021 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100319 du 21 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2021, sous le n° 21BX03341, M A..., représenté par Me Rabearison demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2021 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 15 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu aux moyens opérants tirés de ce qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le traitement médical qu'il poursuit est inaccessible dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit tenant à la méconnaissance par le préfet de son pouvoir d'appréciation ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à ses 18 ans alors qu'il est arrivé à Mayotte à 8 ans ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... né en 2002, de nationalité comorienne, est entré à La Réunion en décembre 2019 dans le cadre d'une évacuation sanitaire organisée à Mayotte. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 15 janvier 2021 le préfet de La Réunion a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de La Réunion a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en précisant notamment que " M. A... B... n'apporte aucun élément probant de nature à justifier que son traitement et ces médicaments seraient indisponibles ou inaccessibles aux Comores, la production d'articles de presse sur la situation du système de santé aux Comores, n'étant pas des éléments suffisamment probants pour attester d'un défaut de prise en charge dans son pays d'origine de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées. ". Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour avoir omis de répondre à la branche de son moyen tirée de ce que le traitement médical qu'il poursuit est inaccessible dans son pays d'origine.
3. En second lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de La Réunion a écarté au point 7 du jugement attaqué le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dirigé contre la décision de refus de séjour et la mesure d'éloignement en indiquant que M. A... " n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les décisions contestées l'exposeraient, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements inhumains et dégradants dès lors qu'il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII qu'un traitement adapté est disponible dans son pays d'origine. ". Ce faisant, et dès lors que ce moyen n'était opérant que contre la décision fixant le pays de destination, le jugement qui a répondu superfétatoirement à ce moyen sur le terrain du refus de séjour n'est pas irrégulier alors même qu'il n'a pas répondu à la branche du moyen tirée de ce que le traitement médical poursuivi est inaccessible dans le pays d'origine.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
4. A l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé, souffre d'un défaut examen particulier de sa situation et est entaché d'une erreur de droit tenant à la méconnaissance par le préfet de son pouvoir d'appréciation, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
5. En premier lieu, pour soutenir que cette décision est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à ses 18 ans alors qu'il serait en réalité arrivé à Mayotte à l'âge de 8 ans, le requérant produit une copie de son carnet de santé délivré à Mayotte le 6 février 2019 ainsi que le compte rendu de son passage aux urgences du CHU de Saint-Denis de la Réunion en date du 18 janvier 2021. Si ces éléments sont de nature à démontrer qu'il ne vivait plus aux Comores à l'âge de 17 ans, toutefois, le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur de fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
7 S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
8. Dans son avis du 22 décembre 2020, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de La Réunion s'est notamment fondé sur l'avis précité. Le requérant qui lève le secret médical fait valoir qu'il souffre de céphalalgie paroxystique chronique liée à un traumatisme crânien. Il produit un certificat médical en date du 3 mars 2021, postérieur à l'arrêté attaqué, selon lequel il souffre effectivement de cette pathologie, physiquement et psychologiquement handicapantes, et qui précise que sa situation " nécessite un suivi spécialisé régulier avec examens complémentaires poussés (IRM crânio encéphalique, électroneuromyopgraphie, bilan biologique) afin de pouvoir déboucher éventuellement, sur une solution thérapeutique adéquate ". Ni ce certificat médical, ni le compte rendu de son passage aux urgences en date du 18 janvier 2021 ne sont de nature à démontrer qu'un défaut de soins peut entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans charge de famille, est entré très récemment sur l'Ile de La Réunion et que celui-ci n'établit pas l'ancienneté de son séjour à Mayotte depuis 2008. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toutes attaches aux Comores. Par suite, alors même que son père est décédé et qu'il n'aurait pas de contact avec sa mère, qui se trouverait selon ses dires à Madagascar, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de séjour.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde.
14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2022.
Le rapporteur,
Nicolas Normand La présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
André Gauchon La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 21BX03341