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23/12/2021 | FRANCE | N°21BX00524

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 23 décembre 2021, 21BX00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 9 juin 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°s 2002565 et 2002566 du 8 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure d

evant la cour administrative d'appel :

I. Par une requête, enregistrée le 10 février 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... et M. B... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 9 juin 2020 par lesquels la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°s 2002565 et 2002566 du 8 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

I. Par une requête, enregistrée le 10 février 2021 sous le n° 21BX00524, Mme D..., représentée par Me Le Guédard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 septembre 2020 en ce qui la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2020/017842 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 janvier 2021.

II. Par une requête, enregistrée le 10 février 2021 sous le n° 21BX00525, M. E..., représenté par Me Le Guédard, conclut, pour ce qui le concerne, aux mêmes fins que la requête n° 21BX00524 et reprend les mêmes moyens que Mme D....

Par un mémoire enregistré le 8 septembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2020/017838 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme D..., ressortissants kazakhs, déclarent être entrés en France en août et octobre 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 novembre 2017, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 25 septembre 2018. Leurs demandes de réexamen ont été déclarées irrecevables par des décisions de l'OFPRA du 29 novembre 2018, confirmées par la CNDA le 24 mai 2019. Le 14 novembre 2018, ils ont sollicité le bénéfice d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ainsi que leur admission exceptionnelle au séjour. Par des arrêtés du 9 juin 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... et Mme D... relèvent appel du jugement du 8 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 21BX00524 et n° 21BX00525 portent sur la situation d'un couple de ressortissants étrangers, sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions identiques. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus(...)". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Les intéressés reprennent en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et des stipulations précitées, au soutien duquel ils produisent une lettre du 30 novembre 2020 dans laquelle Mme D... rappelle les éléments dont le couple se prévaut pour justifier leur intégration en France, où ils résident depuis cinq ans, où leurs cinq enfants sont scolarisés et où ils participent bénévolement à de nombreuses activités. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de retenir que la préfète de la Gironde aurait porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

5. En deuxième lieu, les intéressés reprennent, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les autres moyens invoqués en première instance visés ci-dessus. Ils n'apportent aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ces moyens auxquels le premier juge a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ce dernier.

En ce qui concerne le pays de renvoi :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

7. Les intéressés font valoir dans la lettre du 30 novembre 2020 les risques encourus en cas de retour dans leur pays d'origine et produisent à ce titre un avis de recherche les concernant, émis le 13 février 2020 par la direction des affaires intérieures de la ville d'Almaty. Au regard du récit détaillé qu'ils ont produit concernant les sévices infligés à Mme D..., et des attestations de proches témoignant des recherches dont ils font l'objet, M. E... et Mme D... sont fondés à soutenir qu'ils encourent des risques sérieux de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kazakhstan. Par suite, le préfet ne pouvait désigner leur pays d'origine comme pays de renvoi sans méconnaître l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler les décisions fixant leur pays de renvoi. L'annulation de ces décisions implique seulement que le préfet réexamine leur situation.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions de la préfète de la Gironde fixant le Kazakhstan comme pays de renvoi de Mme D... et M. E... sont annulées. La préfète réexaminera leur situation dans un délai de trois mois.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 21BX00524 et n° 21BX00525 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Nicolas Normand, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 décembre 2021.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer

La présidente, rapporteure,

Catherine A...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 21BX00524, 21BX00525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00524
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : LE GUEDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-23;21bx00524 ?
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