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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX03014

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 21BX03014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel la préfète des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai à destination du Surinam et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002487 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, M. A..., représe

nté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 par lequel la préfète des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai à destination du Surinam et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2002487 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Landes de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de soixante-douze heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas su apprécier sa situation ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'erreur de droit au regard des articles L. 511-4, L. 521-1 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis l'âge de 3 ans ;

- la préfète a estimé à tort que son comportement constitue une menace à l'ordre public ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, la préfète de Landes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les observations de Me Chamberland-Poulin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant surinamien né en 1989, déclare être entré en France, dans le département de la Guyane, à l'âge de 3 ans. Il a présenté une demande de titre de séjour en 2008 et a obtenu une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale, pour la période du 31 décembre 2010 au 30 décembre 2011, renouvelée jusqu'au 30 décembre 2014. Il a ensuite obtenu de nouveaux titres de séjour du 11 avril 2016 au 11 juin 2018. Sa demande de renouvellement de titre de séjour présentée le 25 mai 2018 a été classée sans suite le 6 septembre 2019 en raison d'un dossier incomplet. Par un arrêté du 7 décembre 2020, la préfète des Landes a fait obligation à l'intéressé de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision. Sa demande a été rejetée par un jugement du 23 mars 2021 dont il relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, si M. A... soutient que le tribunal n'a pas su apprécier sa situation, cette argumentation est relative au bien-fondé du jugement et non pas à sa régularité.

3. En second lieu, Si M. A... fait valoir que le jugement attaqué évoque ses condamnations " sans pour autant y fonder un véritable argument motivé ", il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2020 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

5. M. A... soutient qu'il est entré en France à l'âge de 3 ans avec son frère qui l'a élevé et fait valoir qu'il a suivi toute sa scolarité en Guyane avant de venir travailler en métropole. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir avec certitude son entrée en France en 1992 et les certificats de scolarité établis en 2021, desquels il ressort que l'intéressé a été scolarisé en France à l'école primaire de 1996 à 2002, puis au collège de 2002 à 2006 et en BEP de 2006 à 2009, ne constituent pas, à eux seuls, une preuve suffisante permettant d'établir que M. A... réside en France de manière habituelle et continue depuis qu'il a l'âge de 13 ans. Ainsi, le moyen tiré de ce que sa situation relève des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il ne constitue pas une menace grave à l'ordre public au sens des dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que ces articles concernent les décisions d'expulsions et ne sont donc pas applicables à la décision en litige.

7. En troisième lieu, en l'absence de demande de titre de séjour présentée sur ce fondement, le moyen selon lequel la préfète aurait commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... se prévaut de sa résidence en France depuis 1992, de la présence de sa compagne avec qui il vit depuis 5 ans, de la naissance de leur enfant en 2018, de l'absence de contact avec ses parents restés au Suriname ainsi que de son activité professionnelle jusqu'en 2015. Toutefois, les pièces produites ne permettent pas d'établir sa résidence continue en France, à la fois durant son enfance et depuis qu'il est majeur, pour les périodes durant lesquelles il n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier que sa compagne, de nationalité surinamienne, a également fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et que la vie familiale pourra donc se poursuivre dans leur pays d'origine, où le requérant ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales puisqu'il a déclaré aux services de police le 17 août 2020 que ses parents y résident encore et qu'il y séjourne parfois en vacances. Enfin, M. A... a été condamné le 9 juillet 2015 à une peine de trois ans d'emprisonnement et à 4 000 euros d'amende pour des faits de " transport, détention, offre ou cession et acquisition, importation de stupéfiants ", et " détention, transport et importation de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiants), fait réputé d'importation en contrebande ". Il a par ailleurs été écroué le 25 mai 2019 pour des faits de " transport, importation et détention non autorisée de stupéfiants ", " importation en contrebande de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiants) ", " non justification de ressource ou de l'origine d'un bien par une personne en relation habituelle avec l'auteur des crimes ou délits de trafic ou usage de stupéfiants ". Au regard des faits qui ont justifié cette condamnation et de la situation de récidive, la préfète a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que M. A... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, compte tenu des conditions de séjour en France de M. A..., la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. La décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer M. A... de son fils, né en 2018 en France et de même nationalité que ses deux parents, ni de séparer celui-ci de sa mère dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, la compagne de M. A... fait l'objet d'un refus de séjour également assorti d'une mesure d'éloignement vers le Suriname. Elle n'a pas davantage pour objet de priver l'enfant de la possibilité d'entamer sa scolarité dans le pays d'origine. Par suite, la décision contestée ne peut être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En sixième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

13. Eu égard à ce qui a été dit au point 9 s'agissant de la durée de la présence de France de M. A..., de la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et de la menace à l'ordre public qu'il constitue, la préfète des Landes n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLa présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03014 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03014
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx03014 ?
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