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17/12/2021 | FRANCE | N°21BX00242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21BX00242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020, par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002131 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 19 janvier 2021, Mme A... B..., représentée par Me Nessah, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2020, par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002131 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, Mme A... B..., représentée par Me Nessah, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 du préfet des Deux-Sèvres portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé, en violation des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que ses motifs sont succincts voire stéréotypés ;

- il est entaché d'un défaut d'examen circonstancié de sa situation, dès lors qu'aucune mention n'est faite de ses liens avec le fils de son mari ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 1er du règlement CE n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001, dès lors que ne peut lui être opposée l'absence de visa à son entrée en France puisqu'étant brésilienne, elle en était dispensée et n'avait qu'à produire un passeport en cours de validité ; elle est entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 2 juin 2015, comme en atteste le cachet d'entrée apposé sur son passeport ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie d'une entrée régulière sur le territoire et d'une communauté de vie en France avec son époux de plus de six mois ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-2 et L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle pouvait obtenir en France un visa de long séjour et qu'elle est mariée à un ressortissant français avec qui elle vit depuis 2016 ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs du refus en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle justifie résider en France depuis plus de cinq ans et vivre depuis plusieurs années avec son mari et le fils de ce dernier, avec qui elle a noué des liens intenses, ce dont il résulte qu'elle a désormais fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'il relève de l'intérêt supérieur de son beau-fils qu'elle reste à ses côtés, ayant un rôle important pour cet enfant qui a perdu sa mère biologique à l'âge de cinq ans et qui l'a rencontrée à l'âge de neuf ans.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2021, le préfet des Deux-Sèvres conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2020 et au rejet des conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir qu'il a remis le 9 novembre 2021, à Mme A... B... un titre de séjour en qualité de conjoint de français valable jusqu'au 19 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le règlement (UE) n° 509/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante brésilienne, déclare être entrée en France pour la dernière fois le 2 juin 2015. Elle s'est mariée le 22 décembre 2018 avec M. C..., de nationalité française, et a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de Français le 4 juillet 2019. Par un arrêté du 24 juillet 2020, le préfet des Deux Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... B... relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet :

Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet le recours formé à son encontre à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

Il ressort des pièces du dossier que, le 9 novembre 2021, le préfet des Deux-Sèvres a décidé d'admettre au séjour Mme A... B... en qualité de conjointe de français. Cette décision a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions en litige. Toutefois ces décisions n'ont pas été retirées et leur abrogation n'est pas devenu définitive. Dès lors les conclusions à fin d'annulation de Mme A... B... ont conservé leur objet et il y a lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " Aux termes de l'article L. 313-2 de ce même code, alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code précité, alors en vigueur : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

5. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que ce visa fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction. Dès lors qu'une demande de carte de séjour sur ce fondement vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code précité, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour sollicité en se fondant sur l'absence de visa de long séjour sans avoir au préalable examiné si le demandeur remplit les conditions fixées par cet article.

6. Enfin, aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001, dans sa version consolidée le 15 mai 2014, alors applicable : " (...) 2. Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe II sont exemptés de l'obligation prévue au paragraphe 1 pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours. (...) ". Le Brésil figure au nombre des pays dont les ressortissants sont exemptés de l'obligation de visa pour le franchissement des frontières extérieures des États membres de l'annexe II.

7. D'une part, il résulte des dispositions précitées que Mme A... B..., en tant que ressortissante brésilienne, bénéficiait de l'exemption de visa, dans les conditions fixées par les textes précités. En conséquence, le préfet des Deux-Sèvres, qui reconnaît par ailleurs l'existence d'une communauté de vie à partir du 4 juillet 2019, soit plus de six mois avant l'arrêté contesté, ne pouvait opposer à Mme A... B... la seule circonstance d'une absence de visa pour refuser de lui délivrer le visa de long séjour demandé dans le cadre de la procédure dérogatoire prévue à l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... et M. C... se sont mariés en France le 22 décembre 2018. Mme A... B... rapporte l'existence d'une vie commune en produisant différentes pièces au titre de l'année 2019, notamment l'avis d'impôt 2019 sur les revenus de 2018 établi à leurs deux noms, une déclaration sur l'honneur de communauté de vie datant du 4 juillet 2019 et l'ouverture d'un compte joint entre époux le 23 août 2019 régulièrement alimenté depuis. Si Mme A... B... n'apporte que peu de pièces établies à leurs deux noms concernant les premiers mois de l'année 2019, l'existence de la communauté de vie depuis le début du mariage est suffisamment établie par les divers autres documents produits, établis à son nom et comportant leur adresse commune dont les plus anciens remontent à l'année 2017. Cette communauté de vie est par ailleurs corroborée par les attestations de parents et amis du couple. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que Mme A... B... ne rapportait la preuve d'une communauté de vie que depuis le dépôt de sa demande de titre le 4 juillet 2019, le préfet a commis une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui les fonde.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le préfet des Deux-Sèvres a justifié avoir délivré un titre de séjour en qualité de conjoint de français à Mme F.... Le présent arrêt n'appelle donc aucune mesure d'exécution.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2002131 du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2020 et l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 24 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... B... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Mickael Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 17 décembre 2021.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne D... Le greffier,

Lionel Boullemant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00242
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;21bx00242 ?
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