La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°20BX03691

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 20BX03691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le maire de Trélissac a délivré à M. D... C... un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble d'habitation comprenant deux logements sur une parcelle cadastrée BE n° 337, située au 232 avenue Michel Grandou, et d'annuler la décision 30 septembre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1905874 du 15 septembre 2020, le président de

la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le maire de Trélissac a délivré à M. D... C... un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble d'habitation comprenant deux logements sur une parcelle cadastrée BE n° 337, située au 232 avenue Michel Grandou, et d'annuler la décision 30 septembre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 1905874 du 15 septembre 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Lemercier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 15 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Trélissac du 27 août 2019 et sa décision du 30 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trélissac la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- elle a introduit son recours dans les délais et elle justifie d'un intérêt pour agir ;

- son recours est recevable nonobstant l'absence de notification de son recours préalable au pétitionnaire du permis en ce qu'elle n'avait pas conscience d'effectuer un tel recours auprès du maire de Trélissac ; par ailleurs l'affichage du permis n'avait pas été effectué ; de plus, si un affichage a été pratiqué, il n'indiquait pas les conditions d'exercice d'un recours, le format de l'affichage n'est pas conforme et les mentions de l'affichage ne sont pas expressément et précisément décrites ;

- l'arrêté de permis de construire est illégal en ce que la compétence du signataire de l'arrêté n'est pas établie ;

- la demande de permis de construire ne comporte pas un plan de situation suffisant pour connaitre l'implantation exacte du terrain au sein de la commune, en méconnaissance de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme ;

- la notice du projet architectural ne précise pas les parties retenues pour assurer l'insertion du projet dans son environnement, en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- la voie de desserte envisagée par le pétitionnaire n'est pas conforme au plan local d'urbanisme et n'a pas été mentionnée dans la demande de permis de construire, en méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- le maire n'a pas vérifié que le pétitionnaire détenait tous les droits nécessaires au respect du permis de construire tenant à la présence d'une servitude de passage et que le titre de propriété ne prévoit pas la possibilité d'utiliser l'assiette de cette servitude pour y faire passer des canalisations ;

- le pétitionnaire est dans l'impossibilité de respecter les prescriptions imposées par l'administration notamment en ce qui concerne le raccordement des constructions projetées aux réseaux d'approvisionnement en eau, électricité et au réseau d'assainissement.

Par un mémoire en défense enregistré 30 avril 2021, M. C..., représenté par Me Bertrandon, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de Mme A... à lui verser une somme de 10 000 euros pour procédure abusive et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de première instance est irrecevable en raison de l'absence de notification du recours préalable au pétitionnaire du permis de construire ;

- le permis de construire était régulièrement affiché sur le terrain ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par deux mémoires enregistrés les 1er et 2 septembre 2021, la commune de Trélissac, représentée par Me Simon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable faute de notification du recours préalable au pétitionnaire du permis de construire et en raison de la tardiveté de son recours ;

- la requête d'appel est irrecevable en raison de l'absence de notification de cette dernière au pétitionnaire du permis de construire, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le recours était tardif ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. C... tendant à la condamnation de Mme A... à payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive dès lors que la faculté pour le juge, prévue à l'article R. 741-12 du code de justice administrative, d'infliger une amende à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive relève de son pouvoir propre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Hardy,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Gicquel, représentant la commune de Trélissac.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 15 septembre 2020 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le maire de Trélissac a délivré à M. C... un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble d'habitation comprenant deux logements, sur une parcelle cadastrée section BE n° 337 située au 232 avenue Michel Grandou, et à l'annulation de la décision 30 septembre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours (...) ". Aux termes de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition que l'affichage du permis de construire ait fait mention de cette obligation, conformément à l'article R. 424-15 du même code.

3. Pour rejeter comme manifestement irrecevable la demande de Mme A..., le premier juge, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que l'affichage du permis de construire effectué sur le terrain faisait mention de l'obligation de notification prévue par les dispositions de l'article R. 600-1, s'est fondé sur la circonstance qu'elle n'avait pas justifié avoir accompli les formalités de notification de son recours gracieux à M. C....

4. Toutefois, Mme A... fait valoir pour la première fois en appel que l'affichage effectué sur le terrain ne comportait pas la mention des conditions d'exercice d'un recours gracieux ou contentieux. Il ressort en effet des photographies produites par M. C... lui-même que l'affichage du permis de construire effectué sur le terrain ne comportait pas la mention de l'obligation, prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut pas être opposée en appel à Mme A... et c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur la circonstance qu'elle n'avait pas justifié avoir accompli les formalités de notification de son recours gracieux à M. C... pour rejeter comme irrecevable sa demande. Dès lors, son ordonnance doit être annulée.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme A....

Sur les conclusions de M. C... relatives à l'amende pour recours abusif :

6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. C... tendant à ce que Mme A... soit condamnée à payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. C... et par la commune de Trélissac. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et de la commune de Trélissac la somme de 800 euros, chacun, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme A....

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux du 15 septembre 2020 est annulée.

Article 2 : Mme A... est renvoyée devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : M. C... et la commune de Trélissac verseront, chacun, à Mme A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de M. C... sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Trélissac tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A..., à M. D... C... et à la commune de Trélissac.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La présidente-rapporteure,

Marianne HardyLa présidente-assesseure,

Fabienne Zuccarello

La greffière

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03691 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03691
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Introduction de l'instance. - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SEBAN NOUVELLE AQUITAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;20bx03691 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award