Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon (SMPBA) a déféré au tribunal administratif de Bordeaux comme prévenus d'une contravention de grande voirie, réprimée par les articles L. 2122-1, L. 2132-2 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques, MM. Marc E..., James E..., Eric E..., Mme G... A... épouse E..., Mme C... A... F... veuve I... et M. J... I..., et a demandé, d'une part, d'ordonner aux contrevenants de libérer le domaine public maritime en retirant les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage présents et, d'autre part, de l'autoriser, passé le délai d'un mois, à démolir les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage se trouvant sur le domaine public maritime, aux frais et risques des propriétaires et, si nécessaire, avec le concours de la force publique.
Par un jugement n° 1905192 du 27 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 septembre 2020, 30 août 2021 et 18 octobre 2021, le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon, représenté par Me Bouquet-Elkaïm, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 juillet 2020 ;
2°) de condamner MM. E... et Mme A... épouse E..., propriétaires de la parcelle cadastrée section FH n° 99, et Mme A... F... et M. I..., propriétaires respectifs des parcelles cadastrées section FH n° 5 et n° 6, à une peine d'amende en application des articles L. 2122-1, L. 2132-2 et L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques ;
3°) de leur ordonner de libérer le domaine public maritime en retirant les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'autoriser le syndicat, passé le délai d'un mois, à démolir les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage se trouvant sur le domaine public maritime, aux frais et risques des propriétaires et, si nécessaire, avec le concours de la force publique ;
5°) de mettre à la charge solidaire des propriétaires la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal s'est limité à tort à prendre en compte la délimitation du domaine public maritime naturel intervenue par un arrêté du 14 juin 1859 alors que l'affectation du domaine public a évolué depuis cette date au droit des emprises concernées, lesquelles font partie du domaine public artificiel relevant du port de la Teste-de-Buch ;
- le tribunal, en outre, ne pouvait sans erreur se référer à la limite des plus hautes eaux, laquelle est totalement étrangère à la délimitation du domaine public artificiel dont les ports font partie ;
- l'analyse des premiers juges selon laquelle les dépendances litigieuses n'auraient plus été touchées par l'action des flots depuis 1926 et auraient dès lors perdu leur affectation domaniale pour basculer automatiquement dans le domaine privé est entachée d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, en contradiction avec les dispositions du 3° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques incluant notamment les lais et relais de mer dans le domaine public ;
- les conclusions du géomètre expert indiquent clairement que les clôtures de ces trois propriétés privées se trouvent sur le domaine public maritime portuaire et ces faits constituent incontestablement une occupation sans droit ni titre du domaine public maritime qu'il y a lieu de sanctionner et de réparer ;
- le Conseil Constitutionnel ayant estimé que la mise en œuvre des principes d'imprescriptibilité et d'inaliénabilité du domaine public tel qu'affirmés à l'article L. 3111-1 du code précité ne pouvait s'analyser comme emportant une atteinte au droit de propriété, les demandes indemnitaires des intimés en réparation d'une supposée expropriation de fait faisant peser sur eux une charge spéciale et exorbitante ne sont pas fondées.
Par des mémoires enregistrés le 23 novembre 2020 et le 27 octobre 2021, les consorts E..., Mme A... F... veuve I... et M. I..., représentés par Me Gaye, concluent :
1°) au rejet de la requête et des demandes du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon au titre des actions publique et domaniale ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon de rectifier, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le décret du 14 juin 1859 et les décisions subséquentes sur lesquelles il se fonde, notamment l'arrêté du 25 octobre 2012 et l'autorisation d'occupation temporaire du 2 mai 2012, en tant qu'elles incluent dans le domaine portuaire pour partie leur propriété, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à ce que soit ordonnée, si nécessaire, la mise en œuvre des opérations de délimitation du domaine public maritime aux droits des parcelles cadastrées section FH nos 5, 6 et 99 ;
4°) à la condamnation du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon, en réparation de la charge exorbitante et spéciale qu'ils ont subie, au paiement des sommes de 12 840 euros à Mme A... F..., de 28 018 euros à M. I..., et de 20 653 euros aux membres de l'indivision E... ;
5°) à la mise à la charge du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon, outre les entiers dépens de l'instance, de la somme de 3 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- les moyens invoqués par le syndicat mixte ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où la cour devrait réformer le jugement attaqué, il y a lieu de leur accorder une indemnisation au regard de la charge spéciale et exorbitante qu'ils subissent constituée de la perte de plus-value de leur propriété pour perte de superficie et du coût de reconstitution des clôtures et de déplacement de dispositifs d'assainissement et de recueil des eaux de pluie présents sur les parcelles en cause.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une lettre du 22 novembre 2021, les parties ont été informées que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur deux moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'incompétence du directeur du syndicat mixte pour engager les poursuites d'une contravention de grande voirie et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles des consorts E..., de Mme A... F... et de M. I... dans un litige relatif à la répression des contraventions de grande voirie.
Par un mémoire du 25 novembre 2021, en réponse au moyen d'ordre public, le SMPBA fait valoir que l'article R. 5337-1 du code des transports est illégal car contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités défini à l'article 34 de la constitution et aux articles L. 3221-3, L. 2122-19, L. 5211-2 et L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouquet-Elkaïm, représentant le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 octobre 2019, des procès-verbaux de contravention de grande voirie ont été dressés par un agent du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon à l'encontre de M. I..., de Mme A... F... veuve I... et de l'indivision E... pour avoir installé sans autorisation, sur le domaine public maritime du port de la Teste-de-Buch, leurs clôtures de fond de propriété ainsi que d'autres aménagements. Le directeur du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon a saisi le tribunal administratif de Bordeaux et a demandé la condamnation des contrevenants à libérer le domaine public maritime en retirant les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage et de l'autoriser, passé le délai d'un mois, à démolir les clôtures, l'abri de jardin et tout autre aménagement ou ouvrage se trouvant sur le domaine public maritime, aux frais et risques des propriétaires et, si nécessaire, avec le concours de la force publique. Par un jugement du 27 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande du syndicat mixte, lequel en relève appel et demande en outre à la cour de condamner les contrevenants à une amende. Les intimés concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident et dans l'hypothèse où les infractions seraient constituées, à la condamnation du syndicat mixte au versement d'une somme globale de 61 511 euros en raison de leurs préjudices.
Sur la régularité des poursuites, et sans qu'il besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal (...). Pour les contraventions de grande voirie mentionnées au chapitre VII du titre III du livre III de la cinquième partie dudit code, les autorités mentionnées aux articles L. 5337-3-1 et L. 5337-3-2 du même code sont compétentes concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département (...) ". Selon l'article L. 5337-3-1 du code des transports : " Dans les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au 3° de l'article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement saisit le tribunal administratif territorialement compétent, dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière. Il peut déléguer sa signature à un vice-président ".
3. A la suite de l'établissement des procès-verbaux de grande voirie du 3 octobre 2019, M. D... H..., directeur du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon, a notifié ces procès-verbaux aux contrevenants et a saisi le tribunal administratif de Bordeaux. Si le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon fait valoir que son président a accordé au directeur du syndicat mixte une délégation de signature à effet de signer " toutes correspondances, toutes pièces et actes, contrats et marchés concernant les affaires du Syndicat mixte ", les dispositions de l'article L. 5337-3-1 du code des transports citées ci-dessus prévoient seulement qu'en matière de contravention de grande voirie, le président d'un groupement peut déléguer sa signature à un vice-président. M. H... n'ayant pas cette qualité, il ne pouvait valablement déférer les contrevenants, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, au tribunal administratif de Bordeaux.
4. Le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon fait valoir, par la voie de l'exception, que les dispositions de l'article R. 5337-3-1 du code des transports seraient illégales car contraires au principe constitutionnel de libre administration des collectivités défini à l'article 34 de la constitution et aux articles L. 3221-3, L. 2122-19, L. 5211-2 et L. 5211-7 du code général des collectivités territoriales. Toutefois ces dispositions règlementaires n'existent pas. Si le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon a entendu viser l'article L. 5337-3-1 d'origine législative, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la conformité de dispositions législatives à la Constitution, ni davantage de connaitre de la validité de dispositions législatives.
5. Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens soulevés, le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions incidentes :
6. Les conclusions reconventionnelles ne sont pas recevables dans une instance ayant pour objet la répression d'une contravention de grande voirie. Par suite, les conclusions incidentes présentées par les consorts E..., Mme A... F... et M. I... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les intimés, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent au syndicat mixte des ports du Bassin d'Arcachon une somme sur ce fondement. En revanche il y a lieu de mettre à la charge du syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon le versement aux consorts E..., à Mme A... F... et M. I... la somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat mixte des ports du Bassin d'Arcachon est rejetée.
Article 2 : Le syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon versera la somme globale de 1 500 euros à MM. E... et I... et à Mmes E... et A... F..., au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts E..., de Mme A... F... et de M. I... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte des ports du bassin d'Arcachon, à MM. Marc E..., James E..., Eric E..., Mme G... A... épouse E..., Mme C... A... F... veuve I... et M. J... I....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
La rapporteure,
Fabienne ZuccarelloLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03007 2