La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°19BX03582

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 19BX03582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Gironde a déféré devant le tribunal administratif de Bordeaux la délibération du 22 mai 2018 du conseil de la communauté d'agglomération du Libournais approuvant la modification n° 4 du plan local d'urbanisme de la commune de Coutras. Par ailleurs, un collectif de dix habitants de la commune de Coutras et de communes limitrophes,

dont Mme B... E..., ont demandé au tribunal d'annuler cette délibération, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par Mme

E... contre cette même délibération et la décision implicite du préfet rejetant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Gironde a déféré devant le tribunal administratif de Bordeaux la délibération du 22 mai 2018 du conseil de la communauté d'agglomération du Libournais approuvant la modification n° 4 du plan local d'urbanisme de la commune de Coutras. Par ailleurs, un collectif de dix habitants de la commune de Coutras et de communes limitrophes,

dont Mme B... E..., ont demandé au tribunal d'annuler cette délibération, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par Mme E... contre cette même délibération et la décision implicite du préfet rejetant la demande de mise en œuvre du déféré préfectoral présentée par les autres habitants.

Par un jugement n° 1802450, 1803350 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 22 mai 2018 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par Mme E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 septembre 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 2 avril 2021, la commune de Coutras, représentée par Me Le Fouler, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juillet 2019 ;

2°) de rejeter les demandes dirigées contre la délibération du 22 mai 2018 de la communauté d'agglomération du Libournais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge des autres demandeurs de première instance la somme de

8 000 euros (800 euros chacun) sur ce même fondement.

La commune soutient que :

- elle a qualité pour faire appel dès lors qu'elle a été appelée dans la cause par le tribunal administratif ce qui lui confère la qualité de partie, d'autant que ce jugement préjudicie à ses droits et qu'elle pourrait de ce fait former tierce-opposition ;

- l'intervention volontaire de l'association Les Vitrines Libournaises est irrecevable ;

- le jugement est irrégulier pour défaut de respect du contradictoire ;

- les recours de Mme E... et des autres demandeurs devant le tribunal étaient irrecevables ;

- du fait de la faible ampleur des modifications par rapport au document d'urbanisme dans sa rédaction précédente une nouvelle étude d'impact n'était pas nécessaire ; le tribunal s'est prononcé à tort au vu du projet de village des marques et non de la seule modification du plan local d'urbanisme ;

- les modifications approuvées par la délibération en litige sont compatibles avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Libournais, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges qui se sont prononcés à tort au regard du projet de centre commercial village des marques alors que cette appréciation relève des commissions d'aménagement commercial ;

- les autres moyens invoqués par les requérants, tirés de l'insuffisance de motivation du rapport de présentation de la délibération en litige, de l'absence de levée des réserves de l'avis du commissaire-enquêteur, et de l'illégalité de l'article 13-2 nouveau du plan local d'urbanisme, que le tribunal a implicitement écartés, ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 19 décembre 2019, 14 août 2020 et 23 avril 2021, M. et Mme G... et B... E..., d'une part, et MM. David Batista, Ludovic Lafargue et Lionel D..., d'autre part, tous représentés par Me Doueb, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de la commune de Coutras la somme de 3 000 euros à verser à chacun d'entre eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que la commune avait seulement la qualité d'observateur en première instance et que le jugement ne préjudicie pas à ses droits ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

L'association Les Vitrines Libournaises, représentée par Me Doueb, a présenté un mémoire en intervention volontaire enregistré le 19 décembre 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête dans toutes ses conclusions.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Fouler, représentant la commune de Coutras, et de Me Doueb, représentant Mme E... et autres ainsi que l'association Les Vitrines Libournaises.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 mai 2018, transmise au sous-préfet de Libourne le

6 juin 2018, le conseil de la communauté d'agglomération du Libournais a approuvé la modification n° 4 du plan local d'urbanisme de la commune de Coutras. La préfète de la Gironde a déféré cette délibération le 14 juin 2018 devant le tribunal administratif de Bordeaux. Dans le cadre d'une seconde requête, Mme E..., habitante de la commune de Coutras qui avait présenté un recours gracieux contre cette délibération, ainsi que M. D... et huit autres requérants, qui avaient saisi le préfet d'une demande de mise en œuvre d'un déféré préfectoral, ont saisi le tribunal d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération et des décisions de rejet de leurs recours gracieux. La commune de Coutras relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 22 mai 2018 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme E....

Sur la recevabilité de la requête de la commune :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ".

3. Doit être regardée comme une partie à l'instance la personne qui a été invitée par la juridiction à présenter des observations et qui, si elle ne l'avait pas été, aurait eu qualité pour former tierce opposition contre la décision juridictionnelle. En l'espèce, la commune de Coutras a été invitée par le tribunal à présenter ses observations. Par ailleurs, la commune aurait été recevable à former tierce opposition contre le jugement attaqué si elle n'avait pas été mise en la cause dès lors qu'elle bénéficie de la modification du plan local d'urbanisme qui a été approuvée à sa demande et qu'elle ne dispose pas de la possibilité de modifier elle-même son document d'urbanisme, cette compétence relevant de la communauté d'agglomération du Libournais en application de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la commune de Coutras avait la qualité de partie dans l'instance ayant donné lieu au jugement attaqué. Dès lors, elle est recevable à interjeter appel contre ce jugement, quand bien même elle n'est pas l'auteur de la délibération attaquée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme E... et autres, tirée de ce que la commune n'aurait pas qualité pour faire appel, doit être écartée.

Sur l'intervention de l'association Les Vitrines Libournaises :

4. Une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions du requérant, soit à celles du défendeur. L'intervention de l'association Les Vitrines Libournaises tend au rejet de la requête de la commune de Coutras dirigée contre l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial. Cette intervention qui ne tend pas aux mêmes fins que les conclusions présentées par les parties, n'est, par suite, pas recevable.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

6. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en réplique présenté par M. D... et autres, enregistré le 7 juin 2019 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, qui contenait des moyens nouveaux tendant à l'irrecevabilité des écritures de la commune de Coutras, ne lui a pas été communiqué. Toutefois, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont examiné les nouveaux moyens contenus dans ce mémoire et les ont écartés. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le défaut de communication du mémoire en réplique de M. D... et autres n'a pas préjudicié aux droits de la commune de Coutras. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité, pour ce motif, du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la recevabilité des demandes présentées par Mme E... et M. D... et autres devant le tribunal :

En ce qui concerne la tardiveté :

7. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 153-20 du code de l'urbanisme : " Font l'objet des mesures de publicité et d'information prévue à l'article R. 153-21 : / (...) 2° La délibération qui approuve, révise, modifie ou abroge un plan local d'urbanisme " et aux termes de l'article R. 153-21 : " Tout acte mentionné à l'article R. 153-20 est affiché pendant un mois au siège de l'établissement public de coopération intercommunal compétent et dans les mairies des communes membres concernées, ou en mairie. Mention de cet affichage est insérée en caractère apparents dans un journal diffusé dans le département. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai de recours contentieux à l'encontre d'une délibération approuvant la modification d'un plan local d'urbanisme court à compter de la plus tardive des deux dates correspondant, l'une au premier jour d'une période d'affichage en mairie d'une durée d'un mois, l'autre à la mention de cet affichage dans un journal diffusé dans le département, sans qu'importe la date à laquelle la délibération devient exécutoire en application du dernier alinéa de l'article R. 153-21 du code de l'urbanisme.

8. D'autre part, dès lors que ce recours a été présenté dans le délai de recours contentieux, la circonstance qu'une requête dirigée contre la décision implicite de rejet soit introduite de façon prématurée, avant que l'autorité administrative n'ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si, à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la commune de Coutras ne justifie ni de la date d'affichage de la délibération, ni de son insertion dans un journal local seule à même de faire courir le délai de recours. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que les recours formés par Mme E... et M. D... et autres devant le tribunal administratif auraient été tardifs doit être écartée. Par ailleurs, le recours gracieux formé par Mme E... ayant été introduit dans le délai de recours contentieux, ses conclusions dirigées contre la décision implicite rejetant ce recours gracieux, bien que prématurées, étaient recevables dès lors que celle-ci était intervenue à la date du jugement.

En ce qui concerne l'intérêt à agir :

10. M. et Mme E... justifient, en leur qualité d'habitants de la commune de Coutras, laquelle n'est pas contestée, d'un intérêt leur donnant qualité à contester la délibération approuvant la modification du plan local d'urbanisme de Coutras, sans que puisse être valablement opposée la circonstance qu'ils n'auraient pas agi pour leur compte personnel mais pour celui de l'association des commerçants de la commune de Libourne. Par suite, le recours qu'ils ont présenté devant le tribunal avec MM. D..., Bernier, Pichardie, Vandewalde, Lafargue, Batista, Le-Normand et Mme A... était recevable alors même que ces derniers ne justifieraient pas d'une qualité leur donnant intérêt pour agir contre la délibération en litige. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.

Sur les motifs retenus par le tribunal administratif :

11. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un plan local d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.

12. Pour annuler la délibération du 22 mai 2018 en litige, le tribunal a retenu deux motifs tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article R. 104-8 du code de l'urbanisme en l'absence de saisine de l'autorité environnementale préalablement à la modification du document d'urbanisme communal envisagée et, d'autre part, de ce que cette modification n'est pas compatible avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale du Grand Libournais.

13. En premier lieu, il résulte de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme que les plans locaux d'urbanisme qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés, doivent faire l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 du même code. L'annexe II à la directive du 27 juin 2001 prévoit que, au nombre des critères permettant de déterminer l'ampleur probable des incidences environnementales d'un plan, figurent notamment " la mesure dans laquelle le plan ou programme concerné définit un cadre pour d'autres projets ou activités, en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement (...) " et " l'adéquation entre le plan ou le programme et l'intégration des considérations environnementales, en vue, notamment de promouvoir un développement durable ". Enfin, en vertu des dispositions de l'article R. 104-8 du code de l'urbanisme, tel qu'il doit être interprété au regard de la décision du Conseil d'Etat du 19 juillet 2017 n° 400420, la réalisation d'une évaluation environnementale est obligatoire dans tous les cas où les évolutions apportées au plan local d'urbanisme par la procédure de la modification est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement au sens de l'annexe II de la directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001.

14. Il ressort des pièces du dossier que la modification n° 4 du plan local d'urbanisme de la commune de Coutras vise à créer un secteur 1AUxyv au sein du secteur 1AUxy existant, situé dans la zone d'activité économique d'Eygreteau, afin de permettre la construction d'un ensemble commercial de près de 20 000 mètres carrés de type village des marques. Elle comporte la description, dans le document d'orientation, d'aménagement et de programmation, du secteur nouvellement créé et la modification de l'orientation sur le secteur d'Eygreteau relative à l'occupation des sols pour y ajouter la vocation " activités commerciales ", l'ajout, dans la rubrique " caractère de la zone " du règlement du plan local d'urbanisme, du secteur 1AUxyv qui comporte, en plus des activités artisanales, commerciales, de bureaux, d'hébergements hôteliers et d'activités industrielles qui figuraient déjà dans le secteur 1AUxy, l'activité de restauration, ainsi que la modification des plans de zonage. Elle apporte également des modifications au règlement de la zone 1AU en prévoyant pour ce nouveau secteur l'autorisation des constructions à usage d'entrepôts et de restauration, la mise en place de solutions compensatoires pour les eaux de pluie, l'ajout d'une obligation de marge de recul de dix mètres par rapport à l'axe des voies et emprises publiques hors agglomération et sur les routes communales et voies autres que les routes départementales, l'introduction de la possibilité d'implantation sur au moins une des limites séparatives, l'assouplissement de la règle de distance entre les constructions sur une même propriété, l'autorisation d'une hauteur supérieure à la hauteur absolue maximale de douze mètres pour des émergences architecturales de type signal architectural ou totem, l'assouplissement des règles de volumétrie pour les signaux architecturaux, l'autorisation des maçonneries de pierre naturelle et du ton pierre en façade ainsi que des toitures à plusieurs pentes et l'introduction de règles concernant le dimensionnement des aires de stationnement pour les commerces soumis à autorisation commerciale ainsi que d'une obligation de maintien de 15 % de la superficie du terrain en pleine terre, en prévoyant que les parkings et voiries réalisés en dalles végétalisées seront dans ce cadre assimilés à des espaces de pleine terre.

15. Compte tenu de leur ampleur et de leur objet, ces modifications, qui n'ont pas pour effet d'autoriser une urbanisation plus importante de parcelles déjà classées en zone urbaine et appartenant à une zone déjà partiellement construite, ne sont pas de nature à avoir des effets notables supplémentaires sur l'environnement, alors même qu'elles rendent possible la création d'un centre commercial d'une surface importante. Au demeurant, il ressort également des pièces du dossier que la création de la zone d'activité économique du secteur d'Eygreteau, qui correspond à la zone 1AUxy créée en 2013, a fait l'objet d'une étude d'impact en novembre 2009 qui ne relevait pas d'enjeux particulier en terme de milieux naturels sur la partie sud de la zone, l'impact sur le milieu étant même jugé positif en raison des mesures compensatoires prévues. En outre, cette étude prenait en compte la présence de zones Natura 2000 à proximité, laquelle impliquait uniquement de garantir une dépollution des eaux pluviales en provenance de la future ZAE, et le rapport de présentation a examiné la modification au regard la présence de ces zones pour conclure à l'absence d'impact.

16. Dans ces conditions, les critères posés par l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme pour qu'une évaluation environnementale soit requise n'étaient pas remplis. La commune de Coutras est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la modification en litige avait été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière en l'absence d'une telle évaluation.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; / e) Les besoins en matière de mobilité ; / 2° La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ; (...) / 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) ". Aux termes de l'article L. 141-1 du même code : " Le schéma de cohérence territoriale respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 141-5 de ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs détermine : / 1° Les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers ; / 2° Les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques ; / 3° Les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers. / Il assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines ". Enfin, aux termes de l'article L. 142-1 dudit code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / 1° Les plans locaux d'urbanisme prévus au titre V du présent livre. (...) ".

18. Il résulte de ces dispositions que les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec les orientations et objectifs définis dans le document annexé au schéma de cohérence territoriale. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan local d'urbanisme ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma de cohérence territoriale, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

19. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Grand Libournais, qui a vocation à promouvoir une organisation rationnelle et équilibrée du territoire, fixe comme principe d'organisation du Grand Libournais " l'affirmation de Libourne comme sa centralité principale, devant être, à ce titre, le lieu privilégié de fonctions urbaines étendues et d'intérêt supérieur pour, notamment, l'implantation des grands équipements collectifs à fort rayonnement (...), le développement d'activités tertiaires supérieures, technologiques et de recherche, et le renforcement d'une offre d'équipements commerciaux élargie ". D'autre part, ce document, dans sa partie relative à " l'armature économique ", prévoit, dans le cadre de l'attribution des enveloppes foncières à vocation économique, une zone d'activités dite " d'intérêt SCoT " d'une surface de près de 35 hectares sur le territoire de la commune de Coutras, au lieu-dit Eygreteau, qui est destinée à accueillir prioritairement les PME-PMI industrielles et artisanales de production ou de services connexes. Ce document précise également que ces zones d'activité " d'intérêt SCoT " représentent les principaux sites d'accueil, notamment des filières locales d'excellence, avérées ou potentielles et doivent proposer une offre foncière diversifiée adaptée à l'ensemble des besoins économiques dont ceux des activités tertiaires. Par ailleurs, s'agissant de l'offre commerciale ce schéma retient l'objectif de conforter le tissu des commerces déjà présents avant de chercher à poursuivre son développement et, après avoir constaté la démultiplication des magasins de grande distribution et l'affaiblissement des centres villes et bourgs, précise que les projets commerciaux devront se développer en cohérence avec l'armature territoriale du Grand Libournais, les futures implantations commerciales devant être corrélées au développement urbain et économique projeté par les territoires et que les projets devront veiller à adapter les créations de surfaces commerciales à la croissance démographique de la population et prendre en compte l'offre commerciale existante à toutes les échelles territoriales pertinentes. Ce schéma énonce également que le développement commercial devra être localisé prioritairement au sein des centralités et de leurs centres villes/bourgs, s'inscrire dans une démarche globale de dynamisation de ces centres et être précédé d'une analyse préalable des capacités résiduelles, au sein de la centralité concernée par le projet, des autres zones commerciales.

20. Or il ressort également des pièces du dossier, et il n'est pas contesté que, ainsi qu'il est précisé dans le document de présentation du projet de modification du plan local d'urbanisme, " Le projet de modification n° 4 a pour objet de permettre la réalisation d'un projet économique (Village des Marques) sur la zone d'activité économique d'Eygreteau " et que la commune souhaite " créer un nouveau secteur 1AUxyv au règlement graphique correspondant à l'emprise du projet du Village des Marques ". Ainsi, alors même que la légalité de la modification du plan local d'urbanisme en litige doit être examinée indépendamment des caractéristiques particulières du projet envisagé de village des marques, la possibilité ouverte par la modification en litige d'autoriser, sur une surface de plus de 14 hectares, des projets à destination quasi exclusivement commerciale n'est pas compatible avec les objectifs et prescriptions du schéma de cohérence territorial du Grand Libournais précédemment rappelés, s'agissant particulièrement du respect des équilibres au sein du territoire et entre les centralités au regard du positionnement de Libourne, des objectifs de priorisation des centres-villes dans le développement de l'offre commerciale et de corrélation entre les équipements projetés et le nombre d'habitants actuel et futur de la commune. De plus, en instaurant la possibilité de développer sur ce nouveau secteur de plus de 14 hectares des équipements à vocation exclusivement commerciale, la délibération attaquée n'est pas cohérente avec la superficie maximale affectée au développement de nouvelles implantations commerciales sur l'ensemble du bassin de proximité auquel appartient la commune de Coutras, limité à une superficie de 9 hectares pour l'ensemble des communes de la zone. Dans ces conditions, malgré les créations d'emplois induits par le projet et le fait qu'il contribuerait à l'objectif de " promouvoir un développement diversifié et se positionner économiquement vis-à-vis de la métropole bordelaise ", c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la modification en litige n'était pas compatible avec les objectifs imposés par le schéma de cohérence territorial du Grand Libournais.

21. Il résulte de tout ce qui précède, dès lors que ce motif était de nature à justifier, à lui seul, l'annulation de la délibération du 22 mai 2018 portant modification n° 4 du plan local d'urbanisme de la commune, que la commune de Coutras n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette délibération.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les intimés, lesquels ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent les sommes réclamées par la commune de Coutras en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme globale de 1 500 euros à verser aux intimés au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Les vitrines Libournaises n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune de Coutras est rejetée.

Article 3 : La commune de Coutras versera la somme globale de 1 500 euros à Mme B... E... et MM. G... E..., David Batista, Ludovic Lafargue et Lionel D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Coutras, à M. G... E..., à Mme B... E..., à MM. David Batista, Ludovic Lafargue et Lionel D..., à l'association Les Vitrines Libournaises, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la communauté d'agglomération du Libournais, à MM. Richard Bernier, Arnaud Pichardie, Pierre Vandewalde et Mmes C... A... et F...

Le-Normand.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

Christelle H...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX03582


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award