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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX03341

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX03341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL A... Immobilier a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet de sa réclamation du 24 novembre 2016, d'autre part, la décision expresse de rejet de réclamation du 27 mars 2017 et d'ordonner le remboursement de la créance de report en arrière du déficit constaté au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1700208-1700423 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2019, la SARL A... Immobilier, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL A... Immobilier a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet de sa réclamation du 24 novembre 2016, d'autre part, la décision expresse de rejet de réclamation du 27 mars 2017 et d'ordonner le remboursement de la créance de report en arrière du déficit constaté au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1700208-1700423 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2019, la SARL A... Immobilier, représentée par Me Alquier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 9 mai 2019 ;

2°) d'ordonner le remboursement de la créance de report en arrière du déficit constaté au titre des années 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la sous-évaluation des prix de cession des biens immobiliers concernés n'est démontrée ni par la méthode par comparaison ni par la méthode par rentabilité mise en œuvre pour l'évaluation des immeubles donnés en location employées par l'administration ;

- elle oppose une prise de position formelle de l'administration tirée d'une absence de remise en cause par l'administration des valeurs des biens antérieurement à ce contrôle.

Par mémoire en défense enregistré le 18 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Ferrari,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL A... Immobilier, qui exerce une activité de promoteur immobilier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les créances issues du report en arrière des déficits constatés à la clôture des exercices 2008 et 2009, pour des montants respectifs de 8 310 euros et 130 095 euros. L'administration a remis en cause ces créances suite à la rectification des déficits des sociétés civiles de construction vente (SCCV) " Les Terrasses de Bergame " et " Les Frangipanes " intégrés dans les résultats 2009 et 2010 de la société A... Immobilier qui les détient à hauteur de 95 %, en estimant que ces déficits, qui se rattachaient à des ventes de quatre biens immobiliers consenties pour des prix minorés à M. B... A..., associé minoritaire des deux SCCV et gérant associé majoritaire de la SARL A... Immobilier, avaient les caractéristiques d'un acte anormal de gestion. Par réclamation du 24 novembre 2016, la SARL A... Immobilier a contesté les résultats de la vérification. En l'absence de réponse de l'administration, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de La Réunion par requête enregistrée le 14 mars 2017, sous le numéro 1700208. Puis, la réclamation du 24 novembre 2016 ayant été expressément rejetée le 27 mars 2017, la société a de nouveau saisi le tribunal administratif de La Réunion par requête enregistrée le 16 mai 2017, sous le numéro 1700423. La société A... Immobilier relève appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes de remboursement des créances issues du report en arrière des déficits constatés au titre des années 2008 et 2009.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient qu'une cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

3. Il résulte de l'instruction que la Sarl A... Immobilier et son associé majoritaire, M. B... A..., étaient associés, à hauteur respective de 95 % et de 5 %, dans les sociétés civiles de construction vente (SCCV) " Les Terrasses de Bergame " et " Les Frangipanes ". Par application des dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts, les déficits constatés par ces deux sociétés au titre des années 2008 et 2009 ont été intégrés dans les résultats de leur associée, la SARL A... Immobilier, laquelle a déclaré un déficit de 24 929 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et de 390 285 euros au titre de l'exercice clos en 2009. Puis, par application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts, la société A... Immobilier a opté pour le report en arrière de ces déficits sur son bénéfice de l'année 2007, induisant ainsi une créance de 8 310 euros au titre de l'année 2008 et de 130 095 euros au titre de l'année 2009. L'administration a remis en cause cette créance de report en arrière de déficits au motif que ces déficits ont été générés par des ventes consenties par les SCCV à des prix minorés à l'associé principal, M. B... A....

4. L'administration a en effet constaté que les prix de vente moyens des biens vendus à M. A... par la SCCV Les Frangipanes et par la SCCV Les Terrasses de Bergame en 2009 et 2010 s'élevaient respectivement à 1 307 euros par m² et à 1 538 euros par m², alors que, pour les tiers, les ventes avaient été réalisées, s'agissant de la SCCV Les Frangipanes à un prix moyen au m² de 4 765 euros en 2006 et de 2 113 euros en 2009, et s'agissant de la SCCV Les Terrasses de Bergame, à un prix moyen au m² de 3 860 euros en 2007 et de 2 209 euros en 2009. Estimant que la SARL A... Immobilier avait commis un acte anormal de gestion dans la cession d'appartements à des prix minorés à son associé principal, M. B... A..., sans contrepartie, l'administration a remis en cause les déficits et annulé ladite créance.

5. La société requérante conteste cette analyse en invoquant la régularité des prix de cessions pratiqués par les SCCV Les Terrasses de Bergames et Les Frangipanes. Elle estime que les termes de comparaison pris par l'administration ne sont pas adaptés tant au regard de la consistance des biens, des dates de cession, de l'état du marché en pleine crise immobilière, que de la spécificité intrinsèque à l'opération relative à des ventes immobilières de " fin de programme ". S'agissant de la consistance des biens pris pour la comparaison, la société requérante fait valoir que certains biens comprennent deux lots de parkings et/ou un jardin privatif, et qu'il n'est pas précisé l'étage où se situe le bien, son nombre de pièces et son orientation. Cependant, il résulte de l'instruction que pour fonder son évaluation selon la méthode par comparaison, l'administration a proposé des éléments de comparaison dans les mêmes programmes immobiliers. D'ailleurs, trois des biens sur les onze retenus pour comparaison sont sans jardin et ne disposent que d'un parking. Dès lors, la pertinence de ces comparaisons ne peut valablement être contestée puisqu'il s'agit de biens présentant le plus de similitudes avec ceux cédés à M. A.... Par ailleurs, s'agissant de la prise en compte de la baisse du marché de l'immobilier, il résulte précisément de la méthode employée que l'administration, en retenant diverses autres ventes réalisées par les mêmes SCCV au cours de la même période et dans les mêmes immeubles, a nécessairement pris en compte l'environnement économique affectant directement l'activité de la société requérante. De même, les difficultés alléguées de commercialisation de lots du fait de la dégradation du marché immobilier local à partir de 2008 et des spécificités de la commune de Saint-Louis ne sauraient expliquer l'écart des prix constatés entre les lots vendus à M. A... et ceux qui ont été cédés à des tiers dans le même immeuble. Enfin, il faut mentionner qu'afin de tenir compte de l'ensemble de ces éléments ainsi que du calendrier des ventes, l'administration a procédé à un abattement de 26 % par rapport à la moyenne des ventes pratiquées par la SCCV Les Terrasses de Bergame et à l'application d'un abattement de 35 % sur le prix moyen retenu pour les ventes pratiquées par la SCCV Les Frangipanes. Dans ces conditions, l'administration établit que les appartements de la SCCV Les Frangipanes et de la SCCV Les Terrasses de Bergame ont été cédés à un prix significativement inférieur à leur valeur vénale. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention des parties, qui est d'ailleurs présumée en cas, comme en l'espèce, d'intérêt entre les parties, d'octroyer et de recevoir une libéralité. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la minoration des prix de vente, qui a porté atteinte à l'intérêt social propre des SCCV et n'a bénéficié qu'à M. A... et à la SARL A... Immobilier, était constitutive d'un acte anormal de gestion et a pu, à bon droit, refuser de prendre en compte le montant de la minoration des ventes de biens immobiliers dans le calcul des créances fiscales de la SARL A... Immobilier nées du report en arrière du déficit.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. / (...)".

7. La SARL A... Immobilier soutient que l'administration a validé le principe et le montant de la créance de report en arrière de déficit, d'une part, en s'abstenant de rectifier la valeur des appartements lorsqu'ils ont été vendus par les SCCV et, d'autre part, à l'occasion d'une première demande de remboursement formulée en 2010, en rejetant cette dernière comme prématurée mais en s'abstenant de la critiquer au fond, de sorte qu'elle a ainsi validé le bien-fondé de la créance. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'elles ne peuvent être invoquées par les contribuables que lorsque l'imposition ou le rehaussement est fondé sur une interprétation d'un texte fiscal différente de celle que l'administration avait précédemment admise formellement ou fait connaitre par ses instructions ou circulaires publiées. En l'espèce, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir du courrier par lequel l'administration fiscale, en réponse à la demande, a admis dans son principe l'existence d'une créance de report en arrière des déficits, dès lors que la remise en cause de la créance découlant de cette option ne constituait pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, la circonstance que l'administration se soit abstenue de remettre en cause la valeur des biens lors de leur cession ne vaut pas prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement des dispositions précitées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que la société A... Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande en remboursement de créance. Par conséquent ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Sarl A... Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL A... Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

Dominique Ferrari

La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX03341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03341
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL ALQUIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx03341 ?
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