Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Vacquiers à lui verser une somme de 50 580, 39 euros en réparation du préjudice lié aux conditions d'exercice de son activité professionnelle, une somme de 40 000 euros au titre de la perte de chance et une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1803793 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Vacquiers à verser à Mme B... une somme de 28 448 euros à titre de réparation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 juillet 2019, 18 février et 29 mars 2021, la commune de Vacquiers, représentée par la SELARL d'avocats Noray-Espeig, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il la condamne à verser la somme de 28 448 euros à Mme B... à titre de réparation ;
2°) de rejeter l'appel incident de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre le remboursement des frais irrépétibles de première instance.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la demande de première instance de Mme B... le 10 août 2018 a été présentée postérieurement à l'expiration du délai de recours intervenu le 2 mars 2017 dès lors que le 28 juillet 2016 date de réception de la demande préalable indemnitaire par la commune le délai de recours de 2 mois n'était pas opposable et qu'une information sur les voies et délais de recours était dénuée de signification ; la réserve émise par le conseil d'Etat dans son avis du 30 janvier 2019 ne vaut que pour les demandes préalables indemnitaires formées entre le 2 novembre 2016 et le 1e janvier 2017 et en tout état de cause la demande préalable mentionnait l'éventualité d'une absence de réponse dans un délai de deux mois ; Mme B... disposait au plus d'un délai raisonnable d'un an pour introduire son recours dès lors qu'elle connaissait les conditions de naissance d'une décision implicite de rejet lors de sa demande préalable et a attendu deux ans avant de saisir le tribunal en 2018 ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal la règle du délai raisonnable est applicable quel que soit l'objet des décisions implicites de rejet y compris les décisions pécuniaires implicites ;
- le lien de causalité directe entre l'illégalité fautive de l'arrêté de refus de permis de construire la bergerie du 5 décembre 2014 et les préjudices liés au défaut d'alimentation des parcelles de Mme B... en eau et en électricité jusqu'au 29 avril 2015 date de délivrance dudit permis n'est pas établi dès lors qu'elle n'exerce plus aucune activité agricole sur les parcelles ; la seule période au cours de laquelle pourrait être mise en cause sa responsabilité n'est que de 7 mois, du 12 septembre 2014 au 29 avril 2015 et non de 8 ans comme l'a estimé le tribunal et le surcroit de dépenses matérielles lié aux différents raccordements durant 7 mois est donc très faible et n'a pu ruiner son projet de reconstruction de la bergerie ; on ne peut donc lui imputer la précarité financière de Mme B... seule à l'origine de l'échec de son projet ; son nouveau siège d'exploitation est viable alors que ce n'est pas le cas de celui situé à Vacquiers compte tenu de l'insuffisante superficie des parcelles ; son projet réel était de vendre des parcelles constructibles pour acheter une exploitation agricole ; le préjudice lié au règlement du bail à fermage, dont les factures n'ont pas été produites en première instance, et les préjudices liés aux autres conditions de l'exercice professionnel, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral ne peuvent donc lui être imputés ; s'agissant du préjudice moral, les causes du syndrome anxiodépressif ne sont pas mentionnées dans les attestations médicales produites ;
- les préjudices dont il est demandé réparation ne présentent pas de caractère certain en l'absence de construction de la bergerie dont le permis de construire a été délivré il y a 6 ans ; il n'est pas certain que Mme B... pourrait acquitter la participation pour raccordement au réseau d'eau potable au titre des équipements propres de 9 051,76 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a évalué le montant des préjudices de Mme B... à compter de 2007 s'agissant des conséquences du défaut de raccordement à l'eau potable, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral et à compter de 2012 pour le défaut de raccordement à l'électricité dès lors que sa faute se limite au seul refus de permis de construire pour la régularisation de la bergerie demandé le 12 septembre 2014 opposé le 5 décembre 2014 ; l'illégalité des refus de permis des 3 juillet 2007 et 4 avril 2008 n'est pas établie d'autant qu'ils n'ont pas été contestés ; le refus du 3 juillet 2007 est motivé par le caractère incomplet du dossier et celui du 4 avril 2008 résulte de l'absence de justification de la viabilité économique et de la pérennité de l'exploitation agricole alors d'ailleurs qu'elle n'a obtenu la qualité d'exploitante agricole que le 1e janvier 2014 ; l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme permettait au maire de s'opposer au branchements définitifs aux réseaux d'eau et d'électricité des constructions édifiées en violation des règles d'urbanisme et ses décisions n'ont pas été contestées par Mme B... ; Mme B... n'a pas fait de démarche en vue du raccordement au réseau d'eau potable après le 29 avril 2015 ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal elle n'a pas été contrainte de maintenir son activité agricole sur une autre propriété alors que M. A... a attesté que le contrat de fermage pourrait être résilié dès qu'elle pourrait réintégrer son exploitation agricole à Vacquiers avec la construction de son logement ce qui résulte des permis de construire la bergerie et l'habitation des 29 avril 2015 et 20 mai 2019 ;
- les préjudices invoqués liés au règlement du bail de 2015 à 2018 pour le contrat de fermage et de la perte de chance de mener à bien son projet pédagogique, résultent du comportement de l'intéressée qui n'a pas réalisé les travaux de régularisation de la bergerie autorisés le 29 avril 2015 et ceux de construction d'une habitation autorisés le 20 mai 2019 ; le refus opposé le 18 octobre 2017 à sa demande de permis de construire une habitation est postérieure à sa demande indemnitaire ; c'est à bon droit que le tribunal a écarté le préjudice résultant de la perte de chance de mener à bien son projet de ferme pédagogique compte tenu de son caractère éventuel ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a considéré que les préjudices qu'il a retenus étaient établis au regard des justificatifs produits par Mme B... qui sont invérifiables s'agissant du temps passé ou de la pénibilité du travail consacré à l'alimentation en eau potable et électricité de son exploitation ; elle n'établit pas que les frais engagés pour l'achat d'une remorque et d'une cuve, les travaux de forage, l'usage d'un compteur chantier seraient supérieurs aux dépenses qu'elle aurait dû exposer pour procéder au raccordement aux réseaux ; la seule attestation de M. A... s'agissant du règlement des fermages ne constitue pas une preuve dudit règlement ;
- à titre infiniment subsidiaire à supposer les préjudices établis, le tribunal a commis une erreur sur la période d'indemnisation qui n'est que de 7 mois et non de 8 ans.
Par mémoires en défense enregistrés les 12 juin 2020, 15 et 30 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Terrasse, demande à la Cour :
- de rejeter la requête de la commune ;
- par la voie de l'appel incident, de condamner la commune de Vacquiers à lui verser la somme de 51 560, 39 euros en réparation du préjudice lié aux conditions d'exercice de son activité professionnelle, la somme de 50 000 euros en réparation de la perte de chance de concrétiser son projet de ferme pédagogique à compter de 2015, la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- et à ce que soit mise à la charge de la commune de Vacquiers la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal n'était pas tardive ;
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas pris en compte les dépenses d'acquisition d'une remorque et d'une cuve pour 979 euros nécessaires à l'approvisionnement en eau de son cheptel ; c'est à tort que le tribunal n'a pas évalué le préjudice résultant de la pénibilité au travail à la somme de 25 080 euros correspondant à 10 euros par jour à compter de 2007 ; la somme de 9 051,76 euros n'aurait pas dû être déduite du coût du raccordement au réseau d'eau potable dès lors que la commune n'a jamais avancé cette somme ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de la perte de chance de mener à bien le projet de ferme pédagogique à compter de 2015 compte tenu de la démonstration de la viabilité économique de son projet ayant obtenu un avis favorable de la chambre d'agriculture en octobre 2014 et des refus successifs de permis de construire une habitation et de raccordement au réseau d'eau potable opposés par la commune ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal le coût du travail estimé est clairement identifié dans le prévisionnel développé par CRE France et correspond aux seules charges sociales liées aux revenus professionnels retirés de son activité ; au regard du prévisionnel économique réalisé par le cabinet comptable, notamment le compte de résultat prévisionnel qui prend en compte l'ensemble des charges de l'exploitation et produit une estimation suffisamment précise du chiffre d'affaires et du résultat qui aurait pu être tiré de cette activité, ce préjudice doit être évalué à 10 000 euros par an ;
- au regard du trouble dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis, le tribunal aurait dû lui accorder une indemnité de 50 000 euros.
Par ordonnance du 31 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lafforgue, représentant la commune de Vacquiers, et de Me Terrasse, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est propriétaire d'un terrain d'une surface de 5 072 mètres carrés, cadastré section AE n° 170 et 173, situé chemin des Sudres à Vacquiers. Elle possède depuis 2004 des ovins, des caprins et des équidés et était initialement installée sur le territoire de la commune de le Born. Fin 2006, elle a décidé de s'installer à Vacquiers sur les terrains lui appartenant où elle a stationné une caravane pour se loger et construit un abri en bois à usage de bergerie pour ses animaux, en poursuivant l'objectif de créer une exploitation agricole comprenant une ferme pédagogique. Sa propriété a été classée en zone agricole du PLU communal en juin 2007. Elle a alors entrepris de régulariser la construction agricole réalisée en sollicitant un permis de construire qui lui a été refusé par arrêtés des 3 juillet 2007, 4 avril 2008 et 5 décembre 2014 du maire de Vacquiers ; elle s'est également vu refuser successivement le raccordement au réseau d'eau potable et au réseau d'électricité de son terrain en 2010, 2011, 2014 et 2015. A la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 15 avril 2015, intervenue sur requête de Mme B... dirigée contre le dernier refus de permis de construire opposé, le maire de Vacquiers lui a délivré un permis de construire une bergerie le 29 avril 2015 et elle a finalement obtenu le raccordement en électricité de son terrain le 28 novembre 2015. Dans l'intervalle, Mme B... avait déplacé le siège de son exploitation agricole et son élevage dans des bâtiments desservis par les réseaux d'eau et d'électricité qu'elle a loués dans la commune voisine. Par courrier du 25 juillet 2016, Mme B... a saisi la commune de Vacquiers d'une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait des refus successivement opposés par cette collectivité à ces différentes demandes. Cette demande a été implicitement rejetée par la commune de Vacquiers. Le 6 mars 2017, Mme B... a déposé une demande de permis de construire une habitation individuelle sur son terrain afin de lui permettre d'être présente en permanence à proximité du bâtiment d'élevage existant destiné à abriter les ovins, caprins et équidés de son exploitation agricole. Par arrêté du 18 octobre 2017, le maire de Vacquiers a refusé ce permis de construire. Par jugement du 13 mai 2019, dont la commune a relevé appel, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté de refus de permis de construire. Sur injonction du même tribunal, le maire a délivré le permis de construire par arrêté du 20 mai 2019. Mme B... a également saisi le tribunal administratif d'une demande de condamnation de la commune de Vacquiers à l'indemniser des différents préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des refus opposés à ses demandes d'autorisations. La commune de Vacquiers relève appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à Mme B... une indemnité totale de 28 448 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande à la cour de porter le montant de cette indemnité à la somme totale de 151 560,39 euros en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur la recevabilité de la demande de Mme B... devant le tribunal :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". S'agissant du délai de recours contre les décisions implicites, l'article R. 421-2 du même code dispose, dans sa rédaction issue du décret de modification du code de justice administrative du 15 septembre 2015 : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ". Ce même décret du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse " en matière de plein contentieux ", comme le fait valoir la commune de Vacquiers. Les dispositions du II de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, qui prévoient l'application de l'article 10 de ce décret à " toute requête enregistrée à compter " du 1er janvier 2017 ", ont entendu permettre la suppression immédiate, pour toutes les situations qui n'étaient pas constituées à cette date, de l'exception à la règle de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dont bénéficiaient les matières de plein contentieux. Or la réglementation applicable jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016, ne créait pas de droit acquis à ce que tout refus tacite antérieur reste, en matière de plein contentieux, indéfiniment susceptible d'être contesté. Elle conférait seulement aux intéressés le droit à ce que le délai de recours contre un tel refus ne courre qu'à compter du moment où, ainsi qu'il a été dit, ce refus était explicitement et régulièrement porté à leur connaissance. Un délai de recours de deux mois court, par suite, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette date. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours. Il est constant que la commune de Vacquiers ne justifie pas avoir respecté les formalités prévues par les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la nouvelle règle de computation des délais applicables depuis le 1er janvier 2017 en ce qui concerne la décision implicite de rejet qu'elle a opposée à la demande préalable indemnitaire dont l'a saisie Mme B... le 25 juillet 2016. Par ailleurs, elle ne peut utilement invoquer les termes de la demande préalable formée par le conseil de Mme B... qui, en tout état de cause, ne manifestent pas une connaissance des délais de recours.
3. D'autre part, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Vacquiers, tirée de ce que la requête indemnitaire de Mme B... n'avait pas été présentée dans un délai raisonnable doit être écartée.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le tribunal administratif a admis la recevabilité de la demande de Mme B....
Sur la responsabilité :
5. Il résulte de l'instruction ainsi qu'il a été rappelé au point 1, qu'à la suite de son installation fin 2006 sur les parcelles situées chemin des Sudres à Vacquiers, Mme B... a, sans autorisation, construit un bâtiment destiné à abriter ses animaux, et a implanté un mobil-home et une caravane. Suite au classement de ses parcelles en zone agricole en juin 2007, elle a entrepris de régulariser la construction réalisée en sollicitant un permis de construire qui lui a été refusé successivement par décisions des 3 juillet 2007, 4 avril 2008 et 5 décembre 2014 du maire de Vacquiers ; elle s'est également vu refuser successivement le raccordement au réseau d'eau potable et au réseau d'électricité de son terrain en 2010, 2011, 2014 et 2015. A la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 15 avril 2015, intervenue sur requête de Mme B... dirigée contre le dernier refus de permis de construire opposé, le maire de Vacquiers lui a délivré un permis de construire une bergerie le 29 avril 2015 et elle a finalement obtenu le raccordement en électricité de son terrain le 28 novembre 2015.
6. La commune de Vacquiers reconnait qu'elle a commis une faute en refusant de délivrer illégalement une autorisation de construire une bergerie à Mme B... mais soutient que cette faute n'est susceptible d'engager sa responsabilité que pour la période courant du 5 décembre 2014, date du refus d'autorisation annulé par le tribunal administratif au 29 avril 2015, date de délivrance de ce permis de construire, et non à compter de 2007 comme l'a estimé le tribunal.
7. D'une part, il résulte effectivement de l'instruction que comme le soutient la commune, la décision du 3 juillet 2007 classant sans suite la demande de permis de construire de régularisation est motivée par l'incomplétude du dossier de demande déposé par Mme B..., ce qui n'est pas contesté par cette dernière qui ne démontre pas l'illégalité de cette décision. L'arrêté du 4 avril 2008 refusant le permis de construire un bâtiment de 86,35 m2 " destiné à abriter des animaux de ferme (cheptel de type familial, hors élevage)" en zone agricole, précise que ce projet ne présente pas de justifications au regard de l'activité agricole et ne peut donc être autorisé dans le secteur ; à cet égard, Mme B... ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle avait dès 2008 la qualité d'exploitante agricole alors qu'elle a déclaré dans la fiche de renseignements relative au projet de construction de bâtiments agricoles qu'elle détenait cette qualité depuis le 1er janvier 2014 seulement, qu'elle a d'ailleurs produit l'étude prévisionnelle économique de son projet où elle a déclaré être agricultrice depuis janvier 2014 et qu'elle a déclaré avoir la superficie minimale pour une telle exploitation agricole à compter de cette date seulement. L'illégalité du refus de permis de construire opposé le 4 avril 2008, qui n'a d'ailleurs pas été contesté, n'est donc pas établie ainsi que le soutient la commune de Vacquiers. Enfin, Mme B... n'est pas recevable à se prévaloir pour la première fois en appel de l'illégalité fautive entachant le refus de permis de construire une habitation qui lui a été opposé en 2017. D'autre part, le maire ayant illégalement refusé de délivrer le 5 décembre 2014, le permis de construire sollicité, n'était pas fondé à s'opposer à compter de cette date au raccordement de la construction au réseau d'électricité, ce qu'il a pourtant fait ainsi qu'il ressort d'un courrier émanant de la commune en date du 3 juin 2015 alors qu'il avait délivré un permis de construire le 29 avril 2015. Il ne résulte en revanche pas de l'instruction, que les refus de raccordement aux réseaux auraient été irrégulièrement opposés, avant cette date, par le maire, sur le fondement de l'article L 111-6 du code de l'urbanisme devenu l'article L 111-12, compte tenu de l'édification sans autorisation de la construction ni qu'il se serait opposé au raccordement au réseau d'eau après la délivrance du permis de construire le 29 avril 2015, Mme B... qui se borne à produire sa demande de raccordement au syndicat compétent en matière de distribution d'eau, ne démontrant pas une intervention de la commune en ce sens. Mme B... est donc seulement fondée à invoquer l'illégalité fautive du refus opposé à son raccordement au réseau électrique le 3 juin 2015.
Sur les préjudices :
S'agissant du préjudice lié aux conditions de l'exercice professionnel :
8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du refus de permis de construire la bergerie illégalement opposé par le maire de Vacquiers le 5 décembre 2014, Mme B... qui ne disposait pas de raccordement au réseau d'eau a acquis une remorque et une cuve lui permettant de s'approvisionner en eau auprès d'une exploitation située dans la commune voisine de Villematier à 7,5 km et d'abreuver ses animaux. Elle justifie à ce titre, par la production des factures correspondantes, avoir dépensé la somme de 979 euros le 3 mars 2015 et est donc fondée à demander réparation à ce titre. Mme B... soutient également avoir exposé des frais correspondant aux déplacements et au temps passé pour pouvoir approvisionner ses animaux en eau potable depuis 2007 et évalue ce préjudice à une somme totale de 8 676 euros. Toutefois, il résulte des propres déclarations de Mme B... que jusqu'en octobre 2014, elle disposait sur une parcelle voisine qu'elle louait, d'un puits et d'un compteur électrique et que ce n'est qu'ensuite qu'elle a entrepris des trajets pour approvisionner son troupeau en eau potable. En outre, la petite bergerie ayant été édifiée sans autorisation de construire, elle ne peut invoquer l'illégalité du refus de raccordement aux réseaux qui lui a alors été opposé en ce qui concerne la période antérieure au 4 décembre 2014, date du refus illégal de permis de construire. Elle est en revanche fondée à demander l'indemnisation des frais qu'elle a été contrainte d'exposer à ce titre en raison de l'illégalité du refus de permis de construire en date du 4 décembre 2014 jusqu'à la conclusion le 26 mars 2015 d'un contrat de fermage lui permettant de transférer son cheptel dans des bâtiments agricoles desservis par les réseaux, situés dans la commune voisine de Villematier. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par la requérante en raison des trajets rendus nécessaires pendant quatre mois, en l'évaluant à la somme de 981 euros.
9. Il résulte également de l'instruction qu'à la suite du refus illégal du maire de Vacquiers de lui délivrer le permis de construire le bâtiment agricole le 5 décembre 2014, Mme B... a conclu avec M. A..., propriétaire de parcelles situées sur la commune voisine de Villematier, un contrat de fermage de 9 ans, le 26 mars 2015, pour un montant annuel de 2 138 euros, portant sur une habitation, des biens d'exploitation et des terres agricoles où elle a transféré son cheptel provisoirement afin de pouvoir poursuivre son exploitation. Mme B... justifie, par la production de factures et une attestation de règlement émanant du propriétaire, avoir payé les loyers correspondants. Contrairement à ce que soutient la commune, aucun élément ne permet d'attester que Mme B... aurait renoncé à son projet d'exploitation agricole sur les parcelles lui appartenant à Vacquiers alors que celle-ci a contesté le refus de permis de construire qui lui a été opposé en décembre 2014 et a sollicité le raccordement de ses parcelles aux réseaux publics. Toutefois, dès lors que la commune a finalement délivré le permis de construire le 29 avril 2015 et que le raccordement des parcelles au réseau électrique a été réalisé le 28 novembre 2015, Mme B..., qui ne démontre pas, par les pièces produites, que la commune se serait opposée au raccordement au réseau d'eau, n'établit pas qu'elle n'aurait pu procéder à l'édification de sa bergerie à compter de cette date. Par suite, au regard de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 1 452 euros.
10. Si Mme B... soutient également qu'elle a été contrainte de dépenser la somme de 3 394,74 euros au titre de frais de forage d'un puits en mai 2015, il résulte de l'instruction qu'à cette date, elle avait conclu un contrat de fermage lui permettant d'installer ses animaux dans un endroit pourvu d'alimentation en eau. Par suite, elle n'est pas fondée à demander le remboursement des frais ainsi exposés. Il en va de même du préjudice invoqué en raison de l'installation d'un compteur électrique de chantier de 2012 au 29 novembre 2015, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la construction de la bergerie ayant été réalisée en 2007 sans autorisation, le maire pouvait légalement, au regard des dispositions de l'article L. 111-6 devenu L. 111-12, du code de l'urbanisme, s'opposer à son raccordement jusqu'au 5 décembre 2014, date à laquelle il aurait dû délivrer un permis de construire. En outre, et alors au demeurant que Mme B... ne démontre pas le coût supplémentaire résultant de l'installation d'un tel compteur et qu'elle aurait dû nécessairement exposer des frais de raccordement au réseau, elle a disposé dès mars 2015 de bâtiments d'exploitation desservis en électricité à la suite du bail conclu avec M. A....
11. Enfin, Mme B... soutient qu'elle a subi un préjudice, qu'elle évalue à 25 080 euros, résultant des conditions de travail pénibles qui lui ont été imposées du fait du comportement de la commune à son égard depuis 2007, en raison de l'absence de raccordement et de régularisation de la bergerie. S'il résulte de l'instruction que Mme B... a édifié sans autorisation la bergerie en 2007, que celle-ci n'a été régularisée qu'à compter de décembre 2014, et qu'elle a disposé jusqu'en octobre 2014 d'un approvisionnement en eau et en électricité sur une parcelle voisine qu'elle louait, toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, la requérante a été contrainte du fait des illégalités fautives commises par la commune, d'effectuer quotidiennement des allers-retours jusqu'à Villematier pour aller chercher 700 litres d'eau afin d'abreuver ses animaux, du 5 décembre 2014 au 26 mars 2015 date de la conclusion du contrat de fermage. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la somme mise à la charge de la commune de Vacquiers au titre de ce chef de préjudice doit être ramenée à la somme de 4 912 euros.
S'agissant du préjudice résultant de la perte de chance de concrétiser son projet de ferme pédagogique à compter de 2015 :
13. Mme B... soutient que les refus d'autorisation de construire illégalement opposés par la commune en 2014 et en 2017 ont entrainé une perte de chance de réaliser le projet de ferme pédagogique qu'elle souhaite réaliser depuis l'origine, et évalue le préjudice ainsi subi à une somme de 50 000 euros correspondant à la perte d'un revenu annuel de 10 000 euros qui correspond à l'estimation économique issue de l'étude réalisée par le " conseil expertise comptable pour les créateurs d'entreprises " (CER France). Toutefois, ainsi que le fait valoir la commune, l'ouverture d'un droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués. Or, le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel. En l'espèce, Mme B... n'établit pas le caractère réel et certain du préjudice ainsi invoqué en l'absence de circonstances particulières permettant de considérer comme assurées la réalisation d'un tel projet et la perception du revenu annuel escompté d'une telle activité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté l'indemnisation demandée à ce titre.
S'agissant du préjudice moral :
14. Il résulte de l'instruction que le maire de Vacquiers a opposé illégalement le 5 décembre 2014, un refus de permis de construire de régularisation de la bergerie construite par Mme B... sur ses parcelles et qu'il s'est opposé irrégulièrement à compter de cette date au raccordement au réseau d'électricité ; il n'a délivré une autorisation de construire à Mme B... que le 25 avril 2015 et le raccordement au réseau électrique n'a été effectif qu'en novembre 2015. Par son comportement, la commune de Vacquiers a contraint Mme B... à entamer de nombreuses démarches contentieuses et administratives à compter de 2015 et à exploiter son élevage dans des conditions difficiles, génératrices de dépenses supplémentaires et de fatigue physique et morale, l'intéressée justifiant d'ailleurs des troubles dépressifs dont elle souffre. Toutefois si les difficultés ainsi rencontrées par Mme B... sont avérées, elles n'ont perduré que durant une période courant du 5 décembre 2014 au 18 décembre 2015 date du jugement du tribunal administratif annulant le refus d'autorisation de construire illégale et non depuis 2007 comme il est soutenu. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi en ramenant la somme que le tribunal a mise à la charge de la commune à ce titre, à la somme de 5 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vacquiers est seulement fondée à demander que l'indemnité totale qu'elle a été condamnée à verser à Mme B... par le tribunal administratif de Toulouse soit ramenée à la somme de 9 912 euros. Les conclusions d'appel incident de Mme B... doivent, en revanche, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La somme que la commune de Vacquiers a été condamnée à verser à Mme B... est ramenée à 9 912 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 mai 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Vacquiers.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
Le président-assesseur,
Dominique FerrariLa présidente-rapporteure,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02913