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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02021

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX02021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002453 du 5 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, Mme D... épouse C

..., représentée par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2002453 du tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 mai 2020 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002453 du 5 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2021, Mme D... épouse C..., représentée par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2002453 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de réexaminer son droit au séjour en France ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que:

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- cette arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée et n'a pas été prise à la suite d'un examen circonstancié de sa situation personnelle ;

- la préfète ne pouvait se fonder sur le seul constat qu'elle séjournait irrégulièrement en France pour rejeter la demande de regroupement familial ; sa présence en France ne plaçait pas la préfète en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ;

- la préfète a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français:

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... épouse C... est une ressortissante tunisienne née le 22 octobre 1995 qui est entrée sur le territoire français le 18 mars 2017 munie d'un visa de court séjour valable un mois. Le 6 mai 2019, elle a déposé en préfecture de la Vienne une demande de titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et, à titre subsidiaire, son admission au regroupement familial ainsi que son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 mai 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixé le pays de destination. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté du 7 mai 2020. Elle relève appel du jugement rendu le 5 février 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Il ressort des dispositions de l'arrêté préfectoral n° 2020-SG-DCPPAT-005 du 3 février 2020 que le secrétaire général de la préfecture de la Vienne s'est vu délivrer une délégation de signature à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des décisions et actes relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et par conséquent les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Cet arrêté a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs, lequel peut être consulté sur le site internet de la préfecture de la Vienne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ".

4. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, la préfète est en droit de rejeter celle-ci dans le cas où les membres de la famille à raison desquels la demande a été présentée résident, comme c'est le cas en l'espèce, sur le territoire français. La préfète dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenue de rejeter la demande, notamment dans le cas où ce refus porterait une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte des motifs de sa décision que la préfète, après avoir rappelé que Mme C... séjournait irrégulièrement en France, a relevé que le conjoint de cette dernière avait la possibilité, lors de leur mariage célébré en janvier 2017 en Tunisie, de mettre en œuvre la procédure de regroupement familial au bénéfice de son épouse. La préfète a indiqué qu'au lieu de cela, Mme C... est entrée en France en mars 2017 sous couvert d'un visa de court séjour puis qu'elle s'y est maintenue irrégulièrement pendant plus de deux ans. La préfète a ainsi estimé que Mme C... ne pouvait être régularisée sur place au titre du regroupement familial mais qu'elle conservait la possibilité de retourner dans son pays d'origine pour demander le titre de séjour adéquat. Ainsi, la préfète ne s'est pas crue en situation de compétence liée pour rejeter la demande de regroupement familial du seul fait que Mme C... séjournait irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. 1l ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Ainsi qu'il a été dit, Mme C... séjournait irrégulièrement sur le territoire français depuis plus de deux ans à la date de sa demande. Alors que Mme C... est hébergée à Poitiers par une tierce personne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle entretiendrait avec son époux, qui vit à Nice, une relation stable et régulière. A cet égard ses allégations selon lesquelles elle accomplirait ses obligations professionnelles à Nice et prendrait ses jours de repos à Poitiers ne sont pas établies au dossier. En tout état de cause, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer durablement les époux, en l'absence de toute circonstance laissant augurer une durée excessive de la procédure d'instruction en cas de présentation d'une demande de regroupement familial selon les formes légales. Par ailleurs, si Mme C... a donné naissance à Nice, le 18 décembre 2017, à un enfant issu de son union avec son époux, la décision en litige n'a pas pour objet ou pour effet de la séparer de son enfant ni d'ailleurs de son autre enfant né le 2 février 2021, soit postérieurement à la décision attaquée. Enfin, Mme C... est arrivée en France à l'âge de 21 ans et a ainsi passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle conserve de fortes attaches familiales dès lors que ses parents, son frère et sa sœur y demeurent. Dans les circonstances de l'espèce, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... à mener en France une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En troisième lieu, à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la requérante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents exposés au point du jugement attaqué.

Sur le pays de renvoi :

11. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 u code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève que Mme C... est une ressortissante de nationalité tunisienne faisant l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qui n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

12. En second lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 21BX02021 présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021

Le rapporteur,

Frédéric A...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02021
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02021 ?
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