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15/12/2021 | FRANCE | N°19BX01678

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 décembre 2021, 19BX01678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ETPM a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner la communauté d'agglomération du Centre Littoral à lui verser la somme de 118 304,70 euros au titre de la compensation financière du déficit d'exploitation des lots n° 1 et 3 de la ligne de bus n° 6 Macouria-Cayenne de l'année 2014.

Par un jugement n° 1600807 du 7 février 2019, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, la communauté d

'agglomération du Centre Littoral, représentée par Me Lingibé, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ETPM a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner la communauté d'agglomération du Centre Littoral à lui verser la somme de 118 304,70 euros au titre de la compensation financière du déficit d'exploitation des lots n° 1 et 3 de la ligne de bus n° 6 Macouria-Cayenne de l'année 2014.

Par un jugement n° 1600807 du 7 février 2019, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, la communauté d'agglomération du Centre Littoral, représentée par Me Lingibé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1600807 du tribunal ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société ETPM la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte du fait qu'en matière de délégation de service public, les compensations financières sont illégales comme constitutives d'une aide publique ; ainsi, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, aurait encourus pour exécuter ces obligations en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations ; tel n'est pas le cas en l'espèce et la demande de compensation financière est injustifiée dans son principe ;

- le tribunal ne pouvait faire droit à la demande de compensation financière de la société ETPM dès lors que les conditions prévues au contrat pour permettre au délégataire de bénéficier de cette compensation n'étaient pas remplies ;

- ainsi, le contrat ne prévoit pas de compensation financière automatique en cas de déficit d'exploitation mais seulement dans l'hypothèse d'un échec des aménagements prévus au bénéfice du délégataire en cas de difficultés rencontrées dans l'exploitation conformément à l'article 6 de cette convention ; la société n'a présenté aucune des justifications prévues au contrat à l'appui de sa demande de versement de la compensation financière ;

- les sommes retenues par le tribunal pour calculer le montant de la compensation réclamée par la société sont erronées ; il n'a pas été tenu compte du fait que le montant des recettes retenues, pour le calcul de la compensation, incluait déjà les acomptes de compensation mensuels versés par le délégant ; compte tenu des montants déjà versés, le délégant ne devait plus aucune somme à son co-contractant ;

- d'autant que la société délégataire a surévalué le montant de ses charges afin d'obtenir le versement de la compensation ; cette surestimation artificielle a été mise en lumière par le rapport d'audit du cabinet Calia produit au dossier ;

- la société a produit pour des mêmes prestations plusieurs factures comportant des montants différents, ce qui montre le peu de rigueur avec lequel elle tient sa comptabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, la société ETPM, représentée par Me Bonfils, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération du centre littoral à lui payer la somme de 118 304,70 euros ;

3°) de constater que le jugement ayant fixé une astreinte de 500 euros par jour de retard dans les trois mois a été exécuté avec 73 jours de retard et de mettre en conséquence à la charge de l'appelante la somme de 36 500 euros au titre de la liquidation de cette astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'appelante la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonfils, représentant la société ETPM.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis 2009, la société ETPM exploite les lots n° 1 et 3 de la ligne de bus n° 6 " Macouria-Cayenne " dans le cadre de deux conventions de délégation de service public signées avec le conseil général de Cayenne auquel s'est substitué en 2012 la communauté d'agglomération du centre littoral Guyane (CACL). Alors que les délégations de service public arrivaient à échéance au 31 décembre 2013, la CACL a signé avec la société ETPM, le 18 décembre 2013, deux avenants prolongeant au 31 août 2014 la durée des conventions. Cette durée a de nouveau été prolongée jusqu'au 30 novembre 2014 par deux avenants signés le 19 août 2014, puis une dernière fois jusqu'au 31 décembre 2014 par délibération du conseil communautaire de la CACL du 13 novembre 2014. Par deux demandes du 16 juin et du 23 septembre 2015, la société ETPM a sollicité de la CACL le versement d'une somme de 118 304,70 euros représentant la compensation financière du déficit d'exploitation de l'année 2014 prévue aux contrats de délégation de service public. En l'absence de réponse favorable de la CACL, la société ETPM a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner cette dernière à lui verser la somme de 118 304,70 euros. Par un jugement rendu le 7 février 2019, dont la CACL relève appel, le tribunal a intégralement fait droit à la demande de la société.

Sur la validité de l'article 2 de la convention résultant de l'avenant signé le 18 décembre 2013 :

2. En application de la jurisprudence issue de l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes en date du 24 juillet 2003, Altmark Trans GmbH (C-280/00), une compensation destinée à la prestation de services d'intérêt économique général constitue une aide d'Etat, à moins qu'elle ne se limite strictement au montant nécessaire pour compenser les coûts d'un opérateur efficient liés à l'exécution d'obligations de service public, lesquelles peuvent être imposées lorsque les autorités publiques considèrent que le libre jeu du marché ne permet pas de garantir la prestation de tels services ou de les fournir à des conditions satisfaisantes. La légalité d'une telle compensation est soumise à la condition que l'entreprise bénéficiaire soit effectivement chargée de l'exécution d'obligations de service public clairement définies, que les paramètres sur la base desquels elle est calculée soient préalablement établis, de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes, et que la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable.

3. Aux termes de l'article 6 des deux conventions de délégation de service public signées en 2009: " Adaptation des services ". (...) Dans le cadre de l'exploitation de sa ligne, le délégataire est tenu d'informer le département, d'éventuelles difficultés matérielles ou financières, liées aux conditions initialement définies par le présent contrat et ses annexes {itinéraires, horaires...). L'exploitant proposera alors les aménagements qu'il jugera nécessaire à l'amélioration du service. Le département jugera de l'opportunité de ces aménagements et pourra procéder à toute étude, pour vérifier le bien-fondé des allégations du délégataire. ". Aux termes de l'article 10 de ces deux conventions : " Conditions financières. 10.1 Rémunération de l'exploitant : Le délégataire exploite le service à ses risques et périls (...) 10.2 Contribution financière exceptionnelle du département. Le délégataire gère le service à ses risques et périls. Il n'est donc pas prévu de contribution financière. Toutefois, il peut bénéficier des aménagements prévus à l'article 6 de la présente Par ailleurs, et uniquement si après ces aménagements, le rapport comptable annuel s'avère déficitaire en raison de la consistance du service (rotation, itinéraire, horaire, tarif, demande des usagers}, le délégataire pourra obtenir, après vérification du département (cf. art 3.3), l'attribution d'une contribution visant à compenser les charges spécifiques de service public. (...) Le montant de cette compensation financière est fixé pour l'année d'exploitation considérée (...) ".

4. Les deux avenants signés le 18 décembre 2013 comportent un article 2 ainsi rédigé : " Article 2 : Versement de la compensation - le présent article annule et remplace l'article 10 du contrat de délégation de service public. Le montant de la compensation pour déficit, justifié par la présentation de documents comptables certifiés quant à la nature du déficit présenté, sera calculé comme suit : Montant de la compensation = Coût d'exploitation dûment justifié - montant total des recettes perçues. Compte-tenu des résultats du contrat les années passées, il est prévu qu'un acompte mensuel sur cette compensation prévisible soit versé au terme de chaque mois (...) Le paiement de l'acompte mensuel par la CACL intervient, sur présentation par le Transporteur d'une facture remise en deux exemplaires accompagnée de la fiche de recette (...) Dans le cas où le déficit dument justifié par le Transporteur est supérieur aux acomptes mensuels déjà perçus par le Transporteur, la CACL verse, sur présentation par le Transporteur d'une demande par courrier LRAR, le solde de compensation calculé comme suit ; Montant de la compensation = {déficit dûment justifié et contrôlé) - (total des acomptes perçus). {ii) Dans le cas où le déficit dument justifié par le Transporteur est inférieur au total des acomptes mensuels déjà perçus, le Transporteur rembourse le trop-perçu sous 30 jours. (...) ". Ces stipulations permettent au délégataire de bénéficier, dans les conditions qu'elles prévoient, d'une compensation financière en cas de déficit d'exploitation.

5. Selon l'article 2 des conventions de délégation de service public, l'autorité délégante " définit la politique générale des transports, fixe précisément les itinéraires et les arrêts de ligne, fixe le niveau de service et les horaires des lignes en concertation avec l'exploitant, valide le type de matériel roulant nécessaire à l'exploitation du service..., contrôle par tous moyens le respect par l'exploitant des obligations du contrat et de la conformité des services effectués... ". Il résulte de ces stipulations et de celles de l'article 3 " Obligations de l'exploitant ", de l'article 11 " Politique tarifaire et tarifs ", de l'article 13 " Contrôle ", et de l'article 14 " Sanctions et Pénalités " de la convention que la société ETPM a été chargée de l'exécution d'obligations de service public clairement définies.

6. Il résulte des stipulations précitées de l'article 2 des avenants du 18 décembre 2013 que le montant de la compensation pour déficit sollicité par l'exploitant, qui doit être justifié par la présentation de documents comptables certifiés, résulte de la différence entre le coût d'exploitation justifié et le montant des recettes perçues. Si la CACL conteste le jugement du tribunal, elle ne fait état d'aucun élément permettant d'estimer que les paramètres ainsi définis pour le calcul de la compensation ne seraient pas objectifs et transparents et comporteraient en réalité, pour la société ETPM, un avantage économique par rapport à des entreprises concurrentes. De même, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par l'appelante, que la compensation prévue dépasserait ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public.

7. Il résulte de ce qui précède que la CACL n'est pas fondée à soutenir que la compensation financière prévue à l'article 2 des avenants du 18 décembre 2013 constituerait une aide publique faisant obstacle à la demande de la société ETPM.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention de délégation de service public signée en 2009 : " (...) 3.4. Compte rendu de gestion 3.4.1. Compte rendu annuel. L'exploitant doit tenir, pour les services de transport qui font l'objet du présent contrat, une comptabilité particulière retraçant l'ensemble des recettes et des charges résultant de l'exploitation du service. Il présente à l'Autorité Organisatrice au plus tard le 1er juin suivant chaque année d'exploitation, un compte rendu d'activité selon modèle fourni par l'administration. Dans le cadre de la vérification des comptes présentés, l'autorité organisatrice se réserve le droit de demander au délégataire tout justificatif qu'il jugera nécessaire. La non-fourniture des éléments réclamés dans les délais impartis entraînera la perte du droit à une éventuelle compensation financière d'équilibre telle que prévue à l'article 10 (...) ". L'article 4 de la convention a fixé à quatre ans à compter du 1er janvier 2010 la durée d'exécution du contrat qui prenait fin en conséquence au 31 décembre 2013. En vertu de ce contrat, la société ETPM était tenue de présenter les éléments justifiant sa demande de compensation financière au plus tard le 1er juin 2014 en ce qui concerne le service fourni en 2013.

9. Toutefois, le présent litige porte sur la compensation financière demandée par la société ETPM au titre de l'exercice 2014, compte tenu de la prolongation de la durée de la convention jusqu'au 31 août 2014 selon les avenants signés le 18 décembre 2013. A cet égard, l'article 2 de l'avenant stipule que " (...) Au terme de l'exercice (31 août 2014), le Transporteur présente avant le 30 septembre 2014 le déficit réel d'exploitation sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 août 2014, dûment justifié, le dossier sera examiné et le solde versé dans un délai de trois mois par la CACL, sous réserve de la fourniture de l'ensemble des éléments et explications demandées. ". La durée d'exécution des contrats a de nouveau été prolongée jusqu'au 30 novembre 2014 par deux avenants signés le 19 août 2014, puis encore jusqu'au 31 décembre 2014 par une délibération du conseil communautaire de la CACL adoptée le 13 décembre 2014.

10. S'il résulte de l'article 2 des avenants du 18 décembre 2013 que la société était tenue de présenter les documents justifiant de son déficit réel d'exploitation avant le 30 septembre 2014, soit au plus tard un mois avant la fin de la période d'exploitation alors prévue, en revanche ni les avenants du 19 août 2014 ni la délibération du 13 décembre 2014 qui ont prolongé, ainsi qu'il a été dit, en dernier lieu au 31 décembre 2014 la durée d'exécution du contrat, n'ont imposé au délégataire de respecter un délai de remise de son rapport d'exploitation. Dans le silence sur ce point du contrat modifié, la CACL n'est pas fondée à soutenir que la société ETPM a perdu son droit à bénéficier de la compensation financière prévue en raison de la tardiveté de ses demandes du 16 juin et du 23 septembre 2015.

11. En deuxième lieu, les avenants signés le 18 décembre 2013 rappellent, en préambule, que la " CACL entend procéder à l'ouverture de lignes nouvelles qui viendront impacter le schéma des lignes urbaines et périurbaines et ce à compter du 1er septembre 2014 " et que " la continuité du service de transport impose le maintien des lignes actuelles jusqu'à cette échéance. " L'article 2 des avenants stipule que : " (...) Le montant de la compensation pour déficit, justifié par la présentation de documents comptables certifiés quant à la nature du déficit présenté, sera calculé comme suit : Montant de la compensation = Coût d'exploitation dûment justifié - montant total des recettes perçues. Compte-tenu des résultats du contrat les années passées, il est prévu qu'un acompte mensuel sur cette compensation prévisible soit versé au terme de chaque mois (...) ".

12. La CACL fait valoir, en invoquant les stipulations précitées, que " aucune information en ce sens ou de cette nature n'a été transmise par la société ETPM pour l'année 2014 ". Toutefois, il résulte de l'instruction qu'avec sa demande de versement de la compensation financière, le délégataire a présenté un rapport d'exploitation accompagné de pièces comptables, et il n'est pas contesté que la CACL disposait ainsi d'éléments suffisants pour lui permettre d'instruire cette demande. Par ailleurs, la référence, dans les stipulations précitées, aux " résultats des années passées " ne concerne que la détermination du montant des acomptes mensuels et non celui de la compensation financière annuelle, objet du présent litige. Par suite, la CACL n'est pas fondée à soutenir que les stipulations précitées des avenants du 18 décembre 2013 font obstacle à la demande de la société ETPM.

13. En troisième lieu, le montant de la compensation que le tribunal a mis à la charge de la CACL représente le déficit d'exploitation subi par la société ETPM en 2014, lequel résulte de la différence entre le coût d'exploitation des lots n° 1 et 3 (soit 164 666,10 euros chacun) et le montant des recettes perçues par le délégataire (soit 33 170 euros et 27 577,55 euros) auxquelles les premiers juges ont ajouté les acomptes mensuels perçus par la société ETPM (soit 79 378 euros pour le lot n°1 et 70 901,95 euros). Ce mode de calcul, dans lequel les acomptes ont été comptabilisés en déduction du déficit spécifique d'exploitation, est conforme à l'article 2 précité des avenants du 18 décembre 2013, et l'appelante n'est ainsi pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur dans la détermination du montant de la compensation financière en litige.

14. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que la société ETPM a adressé à la CACL deux factures d'acompte datées du 31 août 2014 d'une valeur de 7 929 euros chacune relative à l'exécution des lots n° 1 et 3, puis deux autres factures datées du 30 septembre 2014, ayant le même objet, d'une valeur de 8 032,75 euros chacune. La CACL a manifesté son désaccord sur les montants réclamés au motif que l'exécution du lot n°3 de la délégation de service public avait cessé à la suite d'un accident de bus. Il résulte toutefois de l'instruction, et n'est pas contesté par la CACL, que la société ETPM a continué d'assurer l'exécution du lot n° 3 en louant un bus à cet effet et qu'à la suite d'une réunion du 14 octobre 2014, les parties ont trouvé un accord pour rectifier le montant figurant sur les factures litigieuses que la CACL a payées à l'exception néanmoins de celles se rapportant au lot n° 3. Dans ces circonstances, la CACL n'est pas fondée à soutenir que le délégataire aurait fait preuve d'un manque de rigueur dans l'émission de ses factures faisant obstacle à une instruction sérieuse de sa demande, alors surtout que la société ETPM fait valoir, sans être contestée, qu'elle n'a pas intégré les factures litigieuses dans sa demande de compensation.

15. En cinquième lieu, la CACL verse au dossier un rapport intitulé " contrôle de la demande de contribution financière des délégataires du réseau TIG pour l'exercice 2014 " qui conclut à l'existence d'un trop-perçu au bénéfice de la société ETPM devant conduire au rejet de la demande de compensation. Il résulte de l'instruction que ce rapport, dont chacune des pages porte le logo de la communauté d'agglomération, est un document interne à la CACL et ne constitue donc pas un audit réalisé par un cabinet indépendant comme l'allègue l'appelante qui n'a pas répondu à la demande de communication de ce rapport présentée par son co-contractant malgré une sommation interpellative du 1er décembre 2015. Dès lors que le document produit par l'appelante est fermement contesté par la société et que la cour ne trouve au dossier aucun autre élément permettant de confirmer la pertinence de ses conclusions, la CACL n'est pas fondée à soutenir que la somme réclamée par son co-contractant est injustifiée.

16. En dernier lieu, la circonstance que la société ETPM n'aurait pas respecté toutes ses obligations de service public selon les conclusions d'un rapport de contrôle péri-urbain effectué en 2014 par l'autorité délégante, si elle aurait été de nature à justifier l'application de pénalités à titre de sanction, est sans incidence sur la mise en œuvre de la compensation financière prévue au contrat.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la CACL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane l'a condamnée à verser à la société ETPM la somme de 118 307,70 euros.

Sur la liquidation de l'astreinte :

18. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement (...), la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel (...) ". Aux termes de l'article L. 911-5 du même code : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif (...) ". Aux termes de l'article L. 911-7 de ce code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". Aux termes de l'article L. 911-8 : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat ". Aux termes de l'article R. 921-2 du même code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel (...) ".

19. Au point 8 de son jugement, le tribunal a fixé une astreinte de 500 euros par jour de retard en vue de pourvoir à l'exécution de l'injonction qu'il a adressée à la CACL de payer à la société ETPM, dans un délai de trois mois à compter de sa décision, la somme en litige. Il résulte de l'instruction que la CACL a exécuté le jugement du tribunal avec un retard de 73 jours, ce qui conduit la société ETPM à demander à la cour de liquider l'astreinte à hauteur de 36 500 euros.

20. Dans les circonstances propres à l'espèce, il y a lieu de réduire à cent euros par jour de retard le montant de l'astreinte décidée par les premiers juges. A raison du retard de 73 jours avec lequel la CACL a exécuté le jugement du tribunal, l'astreinte doit être liquidée à la somme de 7 300 euros. Compte tenu enfin des circonstances du litige, il y a lieu de condamner la CACL à verser cette somme de 7 300 euros à la société ETPM.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la CACL la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société ETPM et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées par l'appelante sur ce même fondement doivent être rejetées dès lors qu'elle est la partie perdante à l'instance d'appel.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 19BX01678 de CACL Guyane est rejetée.

Article 2 : L'astreinte prononcée par le jugement n° 1600807 du 7 février 2019 et mise à la charge de la CACL Guyane est liquidée, sur la base d'un montant journalier de 100 euros, à 7 300 euros. Elle sera versée à la société ETPM.

Article 3 : La CACL versera à la société ETPM la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Centre Littoral Guyane et à la société ETPM.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01678 5


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : BONFILS JEAN-CHRISTOPHE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 15/12/2021
Date de l'import : 21/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01678
Numéro NOR : CETATEXT000044512784 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;19bx01678 ?
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