La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2021 | FRANCE | N°19BX01658

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 décembre 2021, 19BX01658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement refusé de prendre en compte ses 83 jours de compte épargne-temps pour le calcul de sa retraite additionnelle de la fonction publique et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices que la décision de refus en litige lui a causés.

Par une ordonnance n° 1900837 du 22 mars

2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a implicitement refusé de prendre en compte ses 83 jours de compte épargne-temps pour le calcul de sa retraite additionnelle de la fonction publique et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices que la décision de refus en litige lui a causés.

Par une ordonnance n° 1900837 du 22 mars 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 avril 2019 et le 11 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Laplagne, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1900837 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

3°) d'enjoindre au ministre de réintégrer dans le compte récapitulatif de sa retraite additionnelle de la fonction publique ses 83 jours de compte épargne-temps, non transférés au titre des années 2009, 2010 et 2013 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu de statuer sur sa demande qui conserve un objet dès lors que l'administration n'a toujours pas régularisé sa situation ainsi que l'attestent ses derniers bulletins de pension de l'année 2021 ;

- son administration a omis de transformer ses jours de compte épargne-temps en cotisations pour la retraite additionnelle de la fonction publique en dépit de ses demandes répétées ;

- sa demande est fondée sur l'application des dispositions du décret n° 2009-1065 du 28 août 2009 et de ses décrets modificatifs qui disposent que les jours épargnés excédant un seuil fixé par arrêté ministériel ouvrant droit à option sont, à défaut d'option, pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique ; les jours épargnés excédant le seuil règlementaire sont au nombre de 83 pour ce qui le concerne ;

- en rejetant sa demande, le ministre a méconnu les dispositions règlementaires applicables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au non-lieu à statuer sur la requête de M. A....

Il soutient que la demande de M. A... a été satisfaite en juillet 2020 et qu'ainsi la demande de ce dernier est privée d'objet.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 ;

- le décret n° 2009-1065 du 28 août 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brouillou-Laporte, représentant M A....

Considérant ce qui suit :

1. Ancien fonctionnaire de l'Etat, M. B... A... a exercé ses fonctions à la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) Nouvelle-Aquitaine comme ingénieur de l'agriculture et de l'environnement jusqu'au 1er août 2017, date à laquelle il a été admis à la retraite. Par un courriel du 24 novembre 2017, il a informé l'administration que, contrairement à sa demande, il n'avait pas été procédé au versement au régime additionnel de la fonction publique (RAFP) de ses jours de compte épargne-temps (CET) au titre des années 2009, 2010, 2013, 2016 et 2017. En début d'année 2018, l'administration a versé sur le compte RAFP de M. A... 42 jours de son CET correspondant à la période durant laquelle ce dernier était agent de catégorie A. Constatant que l'administration n'avait pas procédé au versement au RAFP de 83 jours de son CET relatifs à la période pendant laquelle il était agent de catégorie B, M. A... a adressé une demande en ce sens le 1er juillet 2018, puis un recours hiérarchique auprès du ministre de l'agriculture le 12 octobre 2018. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande. Il relève appel de l'ordonnance rendue le 22 mars 2019 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens (...) qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

3. Dans ses écritures de première instance, M. A... a précisé que sa demande tendait à obtenir que les 83 jours qu'il avait accumulés sur son CET soient versés au RAFP pour être transformés en cotisations. Il a produit, à cette fin, les différents courriels et courriers qu'il avait adressés à l'administration faisant apparaître 57 jours de CET demandés au titre de l'année 2008, 6 jours de CET demandés pour 2009 et 20 jours pour 2012, soit un total de 83 jours. Ces éléments étaient suffisamment précis pour permettre au tribunal de se prononcer sur les mérites de la demande de M. A.... Par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête de M. A... au motif qu'elle n'était manifestement pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, cette ordonnance doit être annulée.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande de M. A....

Sur le non-lieu à statuer :

5. Pour soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande du requérant, le ministre produit un tableau intitulé " jours régularisés - agent catégorie B - 83 jours " daté du 8 juillet 2020 qui constitue un simple décompte du nombre de jours de CET dont M. A... a demandé le versement au RAFP. Toutefois, cette pièce ne permet pas d'estimer qu'il a été procédé à la régularisation de la situation de M. A... dont les bulletins de pension de l'année 2021 ne font apparaitre aucun rappel de cotisations RAFP. Par suite, il y a lieu de statuer sur la demande de M. A....

Sur le fond du litige :

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 29 avril 2002 portant création du compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat : " Il est institué dans la fonction publique de l'Etat un compte épargne-temps (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le compte épargne-temps est alimenté par le report de jours de réduction du temps de travail et par le report de congés annuels, tels que prévus par le décret du 26 octobre 1984 susvisé, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à 20 (...) ". Selon le II de l'article 6 de ce décret, dans sa version issue du décret du 28 août 2009 modifiant certaines dispositions relatives au compte épargne-temps dans la fonction publique de l'Etat, les jours épargnés excédant un seuil fixé par arrêté ministériel " donnent lieu à une option exercée au plus tard le 31 janvier de l'année suivante : 1° L'agent titulaire (...) opte dans les proportions qu'il souhaite : a) Pour une prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique (...) b) Pour une indemnisation (...) c) Pour un maintien sur le compte épargne-temps (...). Les jours mentionnés au a et au b sont retranchés du compte épargne-temps à la date d'exercice d'une option. En l'absence d'exercice d'une option par l'agent titulaire (...), les jours excédant ce seuil sont pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique. ".

7. En application de ces dispositions, l'administration était tenue de faire droit à la demande de M. A... tendant au versement au régime RAFP des 83 jours que ce dernier avait accumulés sur son CET en tant qu'agent de catégorie B. Par suite, en ne satisfaisant pas à la demande de M. A..., l'administration a méconnu les dispositions précitées. Dès lors, la décision implicite de rejet en litige doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, s'il n'y a pas été procédé à la date du présent arrêt, qu'il soit prescrit au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de verser à M. A... le rappel de cotisations RAFP correspondant aux 83 jours de son CET pour lesquels le versement à ce régime a été sollicité.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1900837 du 22 mars 2019 du président de la première chambre du tribunal administratif de Bordeaux et la décision implicite de rejet opposée à la demande de M. A... du 12 octobre 2018 sont annulées.

Article 2 : Il est prescrit au ministre d l'agriculture et de l'alimentation, s'il n'y a pas été procédé à la date du présent arrêt, de verser à M. A... le rappel de cotisations RAFP correspondant aux 83 jours de CET pour lesquels le versement à ce régime a été sollicité.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021 laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01658 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01658
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LAPLAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;19bx01658 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award