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13/12/2021 | FRANCE | N°21BX00183

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 13 décembre 2021, 21BX00183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résidence " longue durée-UE ".

Par un jugement n° 1901223 du 17 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2021, M. C... A..., représenté par Me Noupoyo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901223 du t

ribunal administratif ;

2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résidence " longue durée-UE ".

Par un jugement n° 1901223 du 17 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2021, M. C... A..., représenté par Me Noupoyo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901223 du tribunal administratif ;

2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité portant la mention " La France a accordé la protection internationale le 28 février 2007 " en application de l'article R. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal et le préfet ont commis une erreur de droit dans l'appréciation de la condition tenant à la résidence régulière ininterrompue de cinq ans en France ; en application de l'article L. 314-8-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cette condition s'apprécie en tenant compte du temps passé en France par l'étranger entre le dépôt de sa demande d'asile et la date à laquelle la carte de résident lui a été délivrée en application de l'article L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce délai vient s'ajouter au délai passé en France par M. A... en décembre 2016, date de sa demande de titre ; à la date de la décision attaquée, il justifiait de onze années de présence en France ;

- le préfet et le tribunal ne pouvaient donc rejeter sa demande au motif qu'entre le dépôt de sa demande d'asile et la délivrance de la carte prévue à l'article L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le délai de cinq ans n'était pas atteint.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2021, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... est un ressortissant guinéen né le 20 février 1965 qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié le 28 février 2007, ce qui lui a permis d'obtenir le 18 février 2008 une carte de résident en qualité de réfugié sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la période du 28 février 2007 au 28 février 2017. Le 26 décembre 2016, M. A... a sollicité la délivrance d'une carte de résident " longue durée-UE " sur le fondement de l'article L. 314-8-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet intervenue le 26 avril 2017 que le tribunal administratif de Bordeaux a annulée pour vice de forme par un jugement du 20 septembre 2018 qui a aussi enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. A.... Par une décision du 24 octobre 2018, le préfet de la Gironde a refusé de délivrer la carte de résident " longue durée-UE " sollicitée par M. A.... Ce dernier a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2018. Il relève appel du jugement rendu le 17 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision du 24 octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement (...) du 8° de l'article L. 314-11. (...) ". Aux termes de l'article L. 314-8-2 du même code : " L'étranger titulaire de la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11, du fait de la reconnaissance de la qualité de réfugié (...) peut se voir délivrer une carte de résident portant la mention : " résident de longue durée-UE ", dans les conditions prévues à l'article L. 314-8. ".

3. En application de ces dispositions, M. A..., qui a obtenu une carte de résident en qualité de réfugié sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11, peut se voir délivrer la carte résident " longue durée UE " sous réserve qu'il justifie d'une présence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France.

4. A cet égard, le second alinéa de l'article L. 314-8-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Par dérogation au 1° de l'article L. 314-8, est prise en compte, dans le calcul des cinq années de résidence régulière ininterrompue, la période comprise entre la date de dépôt de la demande d'asile, sur la base de laquelle a été reconnue la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire, et la date de délivrance de la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 (...) ". De même, aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions (...) en présentant (...) les pièces suivantes : 1° La justification qu'il réside légalement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq ans, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 314-8 et L. 314-8-2 (...) S'agissant d'un étranger qui s'est vu reconnaître par la France la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, la période entre la date de dépôt de la demande d'asile et celle de la délivrance de l'une des cartes de séjour mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8-2 est également prise en compte. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de M. A..., le préfet s'est fondé, dans la décision en litige du 24 octobre 2018, sur la circonstance qu'entre mai 2005, date à laquelle l'intéressé a déposé sa demande d'asile et février 2008, date de reconnaissance de la qualité de réfugié, le délai de cinq ans de résidence ininterrompue en France prévu par les dispositions précitées n'a pas été atteint.

6. Ce faisant, le préfet s'est borné à relever que le délai légal de cinq ans n'avait pas été atteint à l'issue de la période expirant en février 2008 alors qu'il lui appartenait, en application des dispositions du second alinéa précité de l'article L. 314-8-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'ajouter cette période à celle que M. A... a ultérieurement passée sur le territoire français. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision en litige du 24 octobre 2018 est entachée d'erreur de droit et qu'ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Dès lors, ce jugement doit être annulé de même que la décision préfectorale en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

8. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. A... justifiait en décembre 2016, date de sa demande, d'une résidence régulière ininterrompue supérieure à cinq ans. M. A... satisfait ainsi à cette condition de délai et il y a lieu, au regard des éléments de l'instruction, de prescrire au préfet de lui délivrer une carte de résident portant la mention " longue durée UE ". Il sera procédé à cette délivrance dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, l'astreinte demandée n'apparait pas nécessaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Noupoyo, avocat de M. A..., d'une somme de 1 200 euros, ce versement entrainant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1901223 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 juin 2020 et la décision du préfet de la Gironde du 24 octobre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de résident portant la mention résident " longue durée UE " dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Noupoyo la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Noupoyo et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2021.

Le rapporteur,

Frédéric B...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00183 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00183
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SELAS SED LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-13;21bx00183 ?
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