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10/12/2021 | FRANCE | N°21BX03299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2021, 21BX03299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1901430 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 11 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2021, le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem

ent du tribunal administratif de la Guyane du 11 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1901430 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 11 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2021, le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 11 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....

Il soutient que :

- il pouvait refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour dès lors qu'elle a présenté un acte de naissance falsifié ;

- l'auteur de l'arrêté litigieux était compétent ;

- il n'a pas commis d'erreur de droit ;

- l'arrêté litigieux ne méconnaît pas le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que Mme B... ne démontre pas que son ex-compagnon exerce un droit de visite sur leur enfant ;

- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Pepin demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Guyane ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- le signataire de l'arrêté litigieux ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- le préfet a commis une erreur de droit en rejetant sa demande de titre en raison d'une fraude, alors qu'elle n'avait pas connaissance de la falsification de son acte de naissance ; il n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande de titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est la mère d'un enfant français, qui vit à son domicile, et dont le père participe à l'entretien et à l'éducation ; elle réside en outre avec sa sœur, qui est titulaire d'une carte de résident, et deux de ses frères ont la nationalité française, tandis qu'un autre frère dispose d'un titre de séjour pluriannuel.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 7 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante haïtienne née le 6 mai 1986, entrée sur le territoire français au cours de l'année 2016 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 11 juillet 2019, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé. Le préfet de la Guyane relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 11 juillet 2019, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B..., et a mis à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Le rapport de la cellule des fraudes de la direction départementale de la police aux frontières de la Guyane du 18 mars 2019 versé au dossier conclut que l'acte de naissance D... d'Haïti du 29 janvier 2018 présenté par Mme B... à l'appui de sa demande de titre de séjour est falsifié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est également titulaire d'un passeport haïtien délivré le 13 avril 2016, et valable pour une durée de cinq ans. Le préfet de la Guyane ne remet pas en cause la validité de ce document d'identité, sur la base duquel il a délivré un récépissé de demande de titre de séjour à l'intéressée, et qui a été établi antérieurement à l'acte de naissance dont la validité est contestée par le préfet. Ainsi, Mme B... doit être regardée comme présentant des documents justifiant de son état civil et de sa nationalité à l'appui de sa demande de titre de séjour, ainsi que l'exige l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".

6. Mme B... est la mère d'un enfant né le 20 octobre 2017 à Cayenne, reconnu par un ressortissant français. Il n'est pas contesté que Mme B... a la charge de cet enfant de nationalité française. En outre, il ressort des pièces du dossier que le père de l'enfant verse régulièrement à la requérante des sommes de 50 euros depuis le mois de février 2018, les mandats de ces transferts d'argent ayant pour objet " Pension alimentaire ", à l'attention de leur fils. A... certains des documents versés au dossier à ce titre sont illisibles, un nombre suffisant d'entre eux fait apparaître des mentions permettant d'attester de la réalité et de la régularité de ces versements, contrairement à ce que soutient le préfet. Le père de l'enfant de Mme B... atteste par ailleurs exercer sur lui un droit de visite le week-end. Dans ces conditions, il doit être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant au sens du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Par suite c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Guyane a commis une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 11 juillet 2019, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et mis à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur l'injonction :

9. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de la Guadeloupe a enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions du préfet de la Guyane tendant à l'annulation de ce jugement du 15 juillet 2021, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de Mme B... présentées à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à Me Pepin d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guyane est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Pepin une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Juliette Pepin.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03299 4


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 10/12/2021
Date de l'import : 21/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21BX03299
Numéro NOR : CETATEXT000044471047 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-10;21bx03299 ?
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