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10/12/2021 | FRANCE | N°19BX03164

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2021, 19BX03164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 mai 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a retiré son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1702736 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, Mme C... représentée par Me Baysset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem

ent du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 17 mai 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 mai 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a retiré son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1702736 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, Mme C... représentée par Me Baysset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 17 mai 2017 du président du conseil départemental de la Haute-Garonne retirant son agrément d'assistante maternelle ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'existence d'un lien entre les faits allégués, la nécessité d'un retrait de l'agrément et la réalité des faits reprochés ;

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré du non-respect des droits de la défense ;

- cette décision est insuffisamment motivée en fait et en droit ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des droits de la défense ;

- elle est fondée sur des faits matériellement inexacts et dont le caractère fautif n'est pas établi ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation sur l'existence d'une atteinte aux intérêts des enfants et disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2019, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... était titulaire d'un agrément d'assistante maternelle délivré par le département de la Haute-Garonne depuis le 4 juillet 2001 pour deux enfants à temps complet et un enfant à temps non complet. Elle a obtenu le renouvellement de cet agrément le 19 mai 2016, puis son extension à trois enfants à temps complet le 17 octobre 2016. Dans le cadre de l'examen de sa demande de dépassement de capacité d'accueil temporaire pour un quatrième enfant, elle a fait l'objet le 16 janvier 2017 d'une visite à son domicile des services de la protection maternelle et infantile à l'issue de laquelle un rapport a été établi faisant état de dysfonctionnements et préconisant le retrait de l'agrément. Par une décision du 17 mai 2017, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne lui a retiré son agrément. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Toulouse a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision attaquée avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de respect des droits de la défense. Dès lors, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres irrégularités invoquées par la requérante, ce jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. / Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs (...), en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. (...) ". Selon l'article L. 421-6 de ce code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-23 de ce même code : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, (...) il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) L'intéressé peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. (...) ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, que M. B... chef du service " assistants maternels et familiaux - agrément " à la direction enfance et famille du département de la Haute-Garonne a reçu, par arrêté du président du conseil départemental de la Haute-Garonne du 2 avril 2015, régulièrement publié, délégation afin de signer tout document entrant dans ses attributions et compétences de chef de service. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision attaquée, mentionne qu'elle intervient dans le cadre de la procédure prévue à l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles, et qu'elle est motivée par le fait que Mme C... ne remplit plus les conditions exigées par l'article L. 421-3 de ce code pour détenir un agrément dès lors que ses pratiques ne sont pas en adéquation avec les attentes de la profession, que son logement ne présente pas les conditions d'hygiène, d'épanouissement et de sécurité requises pour l'accueil de jeunes enfants puis liste précisément les manquements qui ont conduit à cette analyse. Ainsi, quand bien même cette décision ne précise pas la date à laquelle ces manquements ont été constatés, elle comporte les éléments de droit et de fait qui la fondent permettant ainsi à Mme C... A... la contester utilement. Par suite, elle est suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été informée par un courrier du 23 février 2017 du rejet de sa demande de dépassement de capacité et des éléments motivant l'engagement d'une procédure d'examen d'un retrait d'agrément. A la suite de ce courrier, elle a demandé le 1er mars 2017 la communication de son dossier qui lui a été adressé le 21 mars suivant. Par courrier du 25 avril 2017, elle a été informée de ce que sa situation serait examinée lors de la séance de la commission consultative paritaire départementale des assistants familiaux et maternels du 15 mai 2017. Ce courrier lui rappelait les griefs justifiant cette saisine, la possibilité de présenter ses observations et de se faire assister et lui rappelait qu'elle pouvait consulter son dossier. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... et son conseil ont été entendus par cette commission. Par suite, alors qu'aucune disposition ne prévoit que les arguments présentés en défense devraient être repris dans la décision de retrait d'agrément, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnu.

8. En quatrième lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil chez l'assistant maternel garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant maternel si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, A... la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est exposé à de tels comportements ou risque de l'être.

9. Le référentiel fixant les critères de l'agrément des assistants maternels figurant à l'annexe 4-8 au code de l'action sociale et des familles, comporte dans la section 1 relative aux capacités et compétence, notamment la capacité à appliquer les règles relatives à la sécurité de l'enfant accueilli, particulièrement les règles de couchage permettant la prévention de la mort subite du nourrisson, les règles relatives à l'hygiène, notamment alimentaire, les capacités et les qualités personnelles pour accueillir de jeunes enfants dans des conditions propres à assurer leur développement physique et intellectuel ainsi que les aptitudes éducatives. La section relative aux conditions matérielles d'accueil et de sécurité mentionne notamment la conformité du lieu d'accueil aux règles d'hygiène et de confort élémentaires, et précise qu'en termes de sécurité, une vigilance particulière doit être apportée à la capacité à prévenir les accidents domestiques et les risques manifestes pour la sécurité de l'enfant, au couchage de l'enfant dans un lit adapté à son âge, à la protection effective des espaces d'accueil et des installations dont l'accès serait dangereux pour l'enfant, notamment les escaliers, les fenêtres, les balcons.

10. D'une part, Mme C... ne conteste pas les constats faits par les puéricultrices lors de la visite du 16 janvier 2017 s'agissant de l'absence de respect des recommandations pour la prévention de la mort inexpliquée du nourrisson, des conditions d'hygiène insuffisantes, du non-respect de la chaîne du froid, du non-respect des règles de sécurité pour l'installation des enfants sur les chaises hautes, de la présence de produits d'entretien, d'hygiène cosmétique et de médicaments à portée des enfants ainsi que d'une tondeuse entreposée derrière la baie vitrée non sécurisée, mais se borne à critiquer leur qualification en tant que manquements ou à réfuter leur caractère de dangerosité. Si elle fait valoir s'agissant des règles de couchage que les enfants avaient tous plus de deux ans et ne relevaient plus du risque de mort inexpliquée du nourrisson, elle a reconnu que l'un deux dormait avec un oreiller depuis qu'elle avait débuté son accueil à l'âge de 5 mois, alors que, contrairement à ce qu'elle soutient l'autorisation des parents n'est pas de nature à dégager sa responsabilité à cet égard. Les manquements relevés concernant les conditions de change des enfants constituent une méconnaissance des règles d'hygiène de base figurant dans le référentiel cité au point 9 ainsi que dans la grille d'agrément établie par le département de la Haute-Garonne. Il en est de même du non-respect de la chaîne du froid et des règles de sécurité quand bien même Mme C... aurait remédié à ces manquements postérieurement à la visite de contrôle. Ainsi, alors que les témoignages des parents des enfants accueillis favorables à Mme C... ne permettent pas de remettre en cause les constats réalisés par les agents habilités du département, la réalité de ces faits est suffisamment établie ainsi que leur caractère de manquement au regard des critères fixées pour l'agrément des assistantes maternelles.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des courriers valant avertissement adressés à l'intéressée lors des renouvellements de son agrément le 30 juin 2011 et le 19 mai 2016 ainsi que des visites d'agrément réalisées lors de l'actualisation de son agrément à la suite de son déménagement le 28 mars 2015 et le 22 avril 2016, que Mme C... présentait des lacunes quant au respect des règles d'hygiène et de sécurité, s'agissant notamment des conditions de change des enfants et A... la nécessité de sécuriser l'accès aux produits et équipements dangereux, ainsi que quant au respect de la chaîne du froid. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, ces manquements avaient fait l'objet de remarques et de rappels à plusieurs reprises antérieurement à la décision en litige. Ces différents documents permettent également de constater la difficulté de l'intéressée à entendre ces critiques et à adapter son comportement professionnel. Alors que la requérante exerçait cette profession depuis plus de 15 ans, et eu égard aux risques que les carences constatées faisaient courir aux enfants, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a pu estimer sans commettre d'erreur d'appréciation que les conditions d'accueil au domicile de l'intéressée ne garantissaient plus la sécurité et la santé des enfants accueillis, et lui retirer pour ce motif l'agrément qu'elle détenait, sans qu'y fasse obstacle l'absence de décision de suspension.

12. En cinquième lieu, s'il ressort des pièces du dossier et notamment de la grille de renouvellement d'agrément établie le 22 avril 2016 que les connaissances de Mme C... sur les besoins des enfants étaient lacunaires et que sa capacité de communication et de dialogue devait être améliorée, la visite d'extension de l'agrément du 10 octobre 2016 relève cependant qu'elle a progressé dans ces domaines. En outre, les constats ponctuels réalisés lors d'une seule visite s'agissant de ses relations avec les enfants et des activités proposées ne sont pas de nature à permettre d'établir que les conditions d'accueil ne permettaient pas d'assurer l'épanouissement des enfants accueillis, alors en outre que la requérante se prévaut de plusieurs témoignages de parents satisfaits. Par suite, ce motif ne pouvait justifier le retrait de l'agrément détenu par Mme C.... Toutefois, il résulte de l'instruction que le président du conseil départemental aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les motifs exposés aux points 10 et 11 tirés des manquements aux règles d'hygiène et de sécurité, qui justifiaient à eux seuls le retrait de l'agrément.

13. Enfin, Mme C... ne peut utilement soutenir que le retrait d'agrément, qui ne constitue pas une sanction, présenterait un caractère disproportionné.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Haute-Garonne qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Haute-Garonne.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera une somme de 1 500 euros au département de la Haute-Garonne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLa présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03164 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03164
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02 Aide sociale. - Différentes formes d'aide sociale. - Aide sociale à l'enfance.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP MARGUERIT - BAYSSET - RUFFIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-10;19bx03164 ?
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