Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet de la Réunion lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a interdit son retour pour une durée de deux ans.
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Par un jugement n° 2001088 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de la Réunion a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021, le préfet de la Réunion demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 29 décembre 2020.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du code de justice administrative relatif au caractère contradictoire de la procédure ;
- la décision de la cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. B... A... a été lue en audience publique le 9 octobre 2020, de sorte qu'en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressé ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire national à compter de cette date ;
- les autres moyens invoqués par M. B... A... à l'encontre de l'arrêté annulé ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2021, M. B... A... représenté par Me Djafour sollicite l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête du préfet de la Réunion, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de la Réunion et, à défaut, sollicite l'annulation des décisions portant retrait d'attestation de demande d'asile, d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour pour une durée de deux ans et de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de Me Djafour la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés et entend reprendre l'ensemble des moyens développés en première instance
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... né le 19 juillet 1991, de nationalité sri-lankaise, est entré sur le territoire national le 14 décembre 2018. La reconnaissance du statut de réfugié lui a été refusée par une décision de l'OFPRA du 5 mars 2019, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 9 octobre 2020. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet de la Réunion a fait obligation à M. B... A... de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de revenir en France pour une durée de deux ans. Le préfet de la Réunion relève appel du jugement du 29 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Réunion a annulé cet arrêté.
Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. B... A..., de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". L'article R. 733-31 du même code dispose que : " Les décisions de la cour sont lues en audience publique. Leur sens est affiché dans les locaux de la cour le jour de leur lecture. "
4. Le préfet de la réunion a produit, pour la première fois en appel, un document établi par la CNDA et dont il ressort que le sens de la décision par laquelle cette cour a rejeté la demande d'asile de M. B... A... a été non seulement affichée mais également lue dans les locaux de la cour le 9 octobre 2020 conformément aux dispositions de l'article R. 733-31 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a considéré qu'il n'était pas établi qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 743-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de l'arrêté annulé du 15 octobre 2020.
4. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M B... A... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... A... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...). En outre, et ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. Par ailleurs, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'OFPRA et la CNDA aient statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
7. En l'occurrence, il ne ressort pas des pièces du dossier que M B... A... ait sollicité, sans obtenir de réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que ne soit prise la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. En outre, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que celui-ci aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir, susceptibles de conduire le préfet à prendre une décision différente. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre la mesure d'éloignement, sans le mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement, ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, si M. B... A... soutient qu'il réside habituellement en France depuis deux ans, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de considérer que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
10. M. B... A... soutient qu'en vertu de la loi srilankaise, les personnes qui ont illégalement quitté le pays encourt une peine de prison d'une durée maximale de cinq années en cas de retour au Sri Lanka, que le rapport annuel Freedom in the world 2019 indiquerait que l'armée soutient activement un parti d'opposition et qu'un rapport annuel du Département d'État américain publié le 20 avril 2018 soulignerait " l'utilisation disproportionnée de la torture à l'encontre des membres de la communauté tamoule ". Toutefois, il ne produit aucune pièce à l'appui de ces allégations et n'établit ni même ne soutient qu'il serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine alors, au demeurant, que tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté ses demandes d'asile.
En ce qui concerne la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.".
12. La décision attaquée comporte les considérations de droit qui en constitue le fondement et précise les motifs de fait qui justifient la durée de l'interdiction prononcée. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de la réunion est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le premier juge a annulé l'arrêté du 15 octobre 2020. Par suite, les demandes présentées devant le tribunal administratif par M. B... A..., ainsi, en tout état de cause, que celles tendant, devant la cour, à l'annulation du retrait de l'attestation de demandeur d'asile, doivent être rejetées, y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. B... A... est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 29 décembre 2020 est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par M. B... A... devant le Tribunal administratif de la Réunion sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Réunion.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2021.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Didier Artus
Le greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX00321