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18/11/2021 | FRANCE | N°20BX03516

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 20BX03516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 1905229 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 octobre 2020 et le 16 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Genevay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jug

ement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 5 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 juin 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 1905229 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 octobre 2020 et le 16 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Genevay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 5 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui refusant une carte de résident a été prise par une autorité incompétente ;

- le préfet a commis une erreur de droit : il devait faire application de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui ne prévoit pas l'intégration comme condition pour l'obtention d'une carte de résident, laquelle est délivrée de plein droit aux parents d'enfants français subvenant à leurs besoins ; au demeurant, l'appréciation de la menace pour l'ordre public ne peut être différente pour ce qui concerne la carte de résident de ce qu'elle est pour la carte temporaire, que le préfet lui a délivrée ; il a purgé sa peine pour conduite en état d'ivresse et sans permis, et n'a plus été de nouveau poursuivi depuis deux ans ; le préfet ne peut se prévaloir de faits pour lesquels il n'a pas été condamné en Italie et doit bénéficier de la présomption d'innocence ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il est marié depuis plus d'un an avec une personne de nationalité française, le préfet ne conteste pas que la communauté de vie n'a pas cessé, et il est père d'un enfant français sur lequel il exerce l'autorité parentale et dont il s'occupe au quotidien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, déclare être entré en France en 2012. Il s'est marié avec une ressortissante française le 28 février 2017 et leur fils A... est né le 24 octobre 2017. Il a obtenu un titre de séjour le 2 mars 2018 et a sollicité à son expiration une carte de résident d'une durée de dix ans. Par une décision du 5 juin 2019, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer une carte de résident au motif qu'il représenterait une menace pour l'ordre public, tout en indiquant que sa demande de carte temporaire restait à l'instruction. M. B..., qui s'est vu délivrer un titre de séjour d'un an le 13 août 2019 valable depuis le 2 mars 2019, puis le 1er mars 2020, relève appel du jugement n° 1905229 du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 5 juin 2019.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ; (...) / c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) ". L'article 11 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ". Aux termes de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. ".

3. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la circonstance que l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne pose pas comme condition à la délivrance de plein droit de la carte de résident qu'il prévoit, l'absence de menace pour l'ordre public, ne fait pas obstacle à ce que, conformément à l'article 11 du même accord, le préfet fasse application de l'article L. 314-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser cette carte de résident au motif que la présence de l'étranger en France constituerait une menace pour l'ordre public.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une unique condamnation, pour conduite sans permis et en état d'ivresse, délits commis le 31 janvier 2017, à une amende de 400 euros, par une ordonnance pénale qui relève la " faible gravité de ces faits ". Dans ces conditions, et en l'absence de toute récidive, le préfet ne pouvait se fonder sur ces faits pour estimer que l'intéressé constituait, à la date de sa décision, une menace pour l'ordre public de nature à justifier le refus d'une carte de résident, alors qu'il n'allègue pas que le requérant ne remplirait pas les autres conditions pour bénéficier d'une carte de résident de plein droit. Si le préfet ajoute en défense qu'une ancienne mesure d'obligation de quitter le territoire français prise le 31 janvier 2017 avait mentionné que l'intéressé était " connu des services de police italienne pour des faits de vol aggravé, dommage corporel aggravé, ivresse et recel ", ces éléments anciens, qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation en Italie, n'ont pas été mentionnés par la décision attaquée, dont ils ne constituent pas le fondement. Par suite, le refus attaqué doit être annulé.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler la décision du 5 juin 2019. Il y a lieu de l'annuler et d'enjoindre au préfet de délivrer à M. B... une carte de résident dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de l'avocat de M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 et la décision du préfet de la Dordogne du 5 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer à M. B... une carte de résident dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Genevay une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au préfet de la Dordogne et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

La présidente-assesseure,

Anne Meyer La présidente, rapporteure,

Catherine Girault La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03516
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : GENEVAY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-18;20bx03516 ?
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