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18/11/2021 | FRANCE | N°19BX04629

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 18 novembre 2021, 19BX04629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité d'un montant total

de 2 326 015,82 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ainsi qu'une rente annuelle indexée de 61 800 euros, payable par trimestre à compter du 1er janvier 2019, au titre de l'assistance d'une tierce personne, en répara

tion des préjudices qu'elle attribue à l'embolisation d'un anévrisme réalisée le 22 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité d'un montant total

de 2 326 015,82 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ainsi qu'une rente annuelle indexée de 61 800 euros, payable par trimestre à compter du 1er janvier 2019, au titre de l'assistance d'une tierce personne, en réparation des préjudices qu'elle attribue à l'embolisation d'un anévrisme réalisée le 22 juin 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers.

Par un jugement n° 1702447 du 15 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019 et des mémoires enregistrés

le 23 avril 2020 et le 1er juin 2021, Mme B... assistée de Mme C... sa curatrice, représentées par la SCP Denizeau, Gaborit, Takhedmit, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant total

de 3 318 268,29 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable

et de leur capitalisation, ainsi qu'une rente annuelle indexée de 61 800 euros, payable par trimestre à compter du 1er janvier 2021, au titre de l'assistance d'une tierce personne ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM les dépens ainsi qu'une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le droit à indemnisation :

- en l'absence de faute technique lors de l'intervention du 22 juin 2011, elle a été victime d'un accident médical comme l'a retenu l'expert missionné par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) ;

- l'argumentation de l'ONIAM selon laquelle le dommage ne serait pas imputable à un acte de soins mais à un échec thérapeutique a été écartée à bon droit par les premiers juges ;

- le déficit fonctionnel permanent de 80 % dont elle est atteinte est sans commune mesure avec son état de santé initial qui était stabilisé, et l'expert a précisé que sans intervention, le taux de récidive hémorragique était de 2 % et que ce type d'incident n'était pas prévisible ; ce n'est que dans l'hypothèse où le risque hémorragique de 2 % se réalise que le risque de décès est de 20 à 30 %, de sorte qu'elle était exposée à un risque de décès de 0,006 % seulement (30 % de 2 %) ; c'est en se fondant sur une lecture erronée du rapport d'expertise que le tribunal a jugé qu'elle était exposée à des conséquences allant jusqu'au décès en l'absence d'intervention ;

- en admettant même qu'elle ait été exposée à un risque d'hémorragie du fait de l'évolution de sa pathologie, la survenue prématurée de troubles identiques à ceux auxquels elle était exposée à long terme en l'absence d'intervention doit être regardée comme une conséquence anormale de l'intervention ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'anormalité du préjudice doit être appréciée en tenant compte de l'état de santé initial avant l'intervention ; en l'espèce, dès lors que l'expert a constaté l'absence de vulnérabilité dans ses antécédents médicaux ou chirurgicaux, que les suites de l'embolisation de 2009 avaient été simples et qu'il n'y avait pas d'argument en faveur de saignements récents lors de la repousse de l'anévrisme en 2011, le risque hémorragique n'était pas prévisible et les conséquences de l'intervention du 22 juin 2011 doivent être regardées comme anormales ;

- l'expert a fait état d'un risque très faible représentant 3 à 4 % de 10 % des risques encourus pour une embolisation, soit 0,003 % ; si la cour estimait que le risque était de 3 à 4 %, une telle probabilité reste très faible et justifie l'engagement de la solidarité nationale ; en outre, il y a lieu de distinguer, au sein des risques hémorragiques estimés à 3 à 4 % par l'expert, les seuls risques d'hémorragie susceptibles d'entraîner une paraplégie complète des membres supérieurs et une parésie des membres inférieurs, qui sont nécessairement plus faibles ;

- en se fondant sur la particularité de sa pathologie pour estimer qu'elle était particulièrement exposée au risque hémorragique, le tribunal s'est mépris sur l'interprétation de l'expertise, qui avait tenu compte des anévrismes complexes et évolutifs tels que celui qu'elle présentait pour évaluer le risque à 3 à 4 % de 10 % ;

- le jugement est entaché de contradiction en tant qu'il indique qu'elle était particulièrement exposée au risque hémorragique tout en précisant qu'elle avait bien récupéré de précédentes embolisations, n'avait plus présenté de saignements et n'avait pas d'autres antécédents susceptibles d'avoir une influence sur le dommage ;

En ce qui concerne les préjudices :

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total du 22 juin 2011 au

9 juillet 2014 doit être fixée à 33 420 euros sur la base de 30 euros par jour ;

- elle sollicite les sommes de 40 000 euros au titre des souffrances endurées de 5 sur 7, de 5 000 euros au titre du déficit esthétique temporaire, de 466 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 80 % à l'âge de 28 ans, de 5 000 euros au titre du déficit esthétique permanent, de 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément, de 50 000 euros au titre du préjudice sexuel et de 60 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- elle a droit au remboursement de 487,70 euros de frais divers en lien avec l'expertise médicale ;

- l'aide d'une tierce personne durant 6 heures par jour du 22 juin 2011 au 9 juillet 2014 doit être fixée à 161 795,96 euros sur la base de 25 euros par heure après déduction de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

- elle a exposé 575,91 euros de matériel lié au handicap au titre de la période antérieure à la consolidation ;

- ses pertes de gains professionnels s'élèvent à 18 548,47 euros du 22 juin 2011

au 9 juillet 2014 après déduction des indemnités journalières versées par la MSA ;

- elle sollicite la somme de 355 200 euros au titre de l'aide d'une tierce personne

du 9 juillet 2014 au 31 décembre 2020 sur la base de 6 heures par jour à 25 euros par heure et de 412 jours par an, et pour l'avenir une rente indexée de 61 800 euros par an, payable par trimestre, dont il conviendra de déduire la PCH ;

- les frais futurs capitalisés de matériel liés au handicap s'élèvent au total

à 451 676,77 euros, soit 1 287,85 euros pour le " ace stopper ", 318 118,26 euros pour le fauteuil roulant à renouveler tous les 3 ans, 46 386,69 euros pour le lit adapté à renouveler tous les 5 ans, 47 650,34 euros pour le lève-personne à renouveler tous les 5 ans, 18 878,16 euros pour la chaise de douche à renouveler tous les 5 ans et 19 355,47 euros pour l'appareil de verticalisation à renouveler tous les 5 ans ;

- elle sollicite 687 644,31 euros pour l'achat et le renouvellement tous les 5 ans d'un véhicule adapté en qualité de conductrice, ou à titre subsidiaire 397 184,48 euros en qualité de passagère ;

- elle a fait réaliser un aménagement provisoire de son logement pour un coût

de 267,56 euros et sollicite 218 393,56 euros pour l'adaptation de son logement définitif ;

- ses pertes de gains professionnels s'élèvent à 52 026 euros pour la période

du 9 juillet 2014 au 31 décembre 2017, et à 316 941,13 euros pour l'avenir après déduction de la pension d'invalidité.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2020, l'ONIAM, représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés conclut au rejet de la requête et demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a retenu que le dommage ne résulte pas d'un échec thérapeutique.

Il fait valoir que :

- dès lors que l'expert a relevé que la pose d'un " stent flow " a été réalisée dans de bonnes conditions sans qu'on puisse constater aucune fuite hémorragique pendant la procédure, la survenue du saignement massif en post-opératoire n'est pas une complication du geste d'embolisation, mais caractérise un échec de l'intervention qui n'a pas permis d'éradiquer le risque hémorragique préexistant ; c'est ainsi à tort que les premiers juges ont écarté la qualification d'échec thérapeutique ;

- à titre subsidiaire, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les conséquences dommageables de l'embolisation ne pouvaient être regardées comme anormales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gaborit, représentant Mme B... et Mme C..., et de Me Lamballais représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alors âgée de 22 ans, a consulté début septembre 2008 au CHU de Poitiers pour deux épisodes de céphalées et de cervicalgies avec un flou visuel. Les examens réalisés ont mis en évidence une hémorragie méningée au stade I de Fischer en lien avec un anévrisme de grande taille implanté sur l'intégralité de l'artère communicante antérieure, lequel a été traité par l'implantation de 11 " coils " par voie endovasculaire le 11 septembre 2008. Le contrôle réalisé trois mois après l'intervention ayant montré une " repousse " très importante de l'anévrisme, une deuxième embolisation par 6 " coils " supplémentaires a été réalisée avec succès le 3 février 2009. Une nouvelle " repousse " a cependant été constatée sur une IRM

du 18 janvier 2011. Le neurologue du CHU de Poitiers a envisagé de la traiter par " coils " en y adjoignant un " stent ", mais y a renoncé compte tenu des caractéristiques de l'anévrisme, son positionnement sur l'intégralité de l'artère communicante antérieure empêchant d'isoler l'origine des deux artères cérébrales antérieures. Un neurochirurgien consulté sur le cas de Mme B... s'est déclaré défavorable à une intervention chirurgicale en raison de l'importance des risques. Il a alors été décidé de procéder par voie endoscopique en posant non un " stent " classique, mais un " stent " tressé à mailles très fines, à diversion de flux. A la fin de cette intervention réalisée le 22 juin 2011, le positionnement satisfaisant d'un " stent " à diversion de flux de 3 mm de diamètre et 20 mm de longueur a permis de retrouver une vascularisation encéphalique normale. Toutefois, un retard de réveil a conduit à la réalisation en urgence d'un scanner, lequel a révélé une hémorragie tétra-ventriculaire avec hydrocéphalie, associée à un hématome du corps calleux. Une dérivation ventriculaire externe a été posée, et la patiente a été transférée dans le service de réanimation neurochirurgicale où l'hématome a lentement régressé. Après l'arrêt de la sédation le 6 juillet 2011 et une phase d'état pauci-relationnel, Mme B... a repris conscience

le 24 juillet 2011 et a été transférée dans un service de rééducation le 8 août 2011. Elle a conservé comme séquelles de l'hémorragie une paraplégie complète des membres inférieurs, une parésie des membres supérieurs et d'importants troubles neuropsychologiques et cognitifs, avec un syndrome frontal, des troubles de la mémoire récente et ancienne et des difficultés exécutives dans la vie quotidienne.

2. Le 17 avril 2014, Mme B... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) de la région Poitou-Charentes en vue de la mise en cause de la responsabilité du CHU

de Poitiers. La CCI a organisé une expertise, réalisée le 9 juillet 2014, dont le rapport a conclu que le traitement de l'anévrisme le 20 avril 2011 était légitime et avait été réalisé dans les règles de l'art, de même que la prise en charge de l'hémorragie méningée, que cette dernière constituait une complication qualifiée d'accident médical, que la consolidation de l'état de santé

de Mme B... pouvait être fixée au 9 juillet 2014, et que le déficit fonctionnel permanent était de 80 %. La CCI ayant émis un avis de rejet le 6 novembre 2014, Mme B... a présenté

à l'ONIAM une réclamation préalable, rejetée par une décision du 16 octobre 2017, puis a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation de l'Office à l'indemniser de ses préjudices. Elle relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande au motif que le dommage ne présentait pas un caractère d'anormalité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

3. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / (...). " Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

Sur le lien entre l'intervention du 22 juin 2011 et l'hémorragie :

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise organisée par la CCI, que la procédure d'embolisation sur un anévrisme complexe et évolutif tel que celui que présentait Mme B... comportait un risque hémorragique, et qu'en l'espèce, l'embolisation du résidu anévrismal a provoqué le saignement constaté dans les suites immédiates de l'intervention. La circonstance que la pose du " stent " à diversion de flux s'est déroulée dans de bonnes conditions, sans aucune fuite hémorragique au cours de la procédure, n'est pas de nature à faire regarder l'hémorragie comme un échec thérapeutique ainsi que le soutient l'ONIAM, alors que l'anévrisme très agressif qui avait " repoussé " à deux reprises n'a plus récidivé par la suite. Ainsi, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande principale de l'ONIAM tendant à modifier le seul fondement du rejet, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'hémorragie était imputable à l'acte de soins en cause.

Sur la condition d'anormalité du dommage :

5. En premier lieu, l'expert missionné par la CCI a indiqué qu'un anévrisme évolutif doit impérativement être traité en raison d'un risque de rupture spontanée avec une hémorragie méningée grave pouvant entraîner le décès dans 20 à 30 % des cas. S'il a précisé, sans référence scientifique et dans le cadre de la qualification de l'accident médical, afin d'écarter l'hypothèse d'une rupture spontanée de l'anévrisme sans lien avec l'intervention, que le taux de récidive hémorragique est connu et peut se situer à 2 % par an, il a par ailleurs affirmé, pour valider la décision des médecins du CHU d'entreprendre une thérapeutique active, que la patiente était exposée à de nouveaux risques hémorragiques du fait de la " recanalisation importante " de l'anévrisme à partir de la fin de l'année 2010. Cette dernière observation semble en faveur d'un risque de rupture spontanée supérieur, en l'espèce, à un taux général de 2 % par an. Ainsi, la cour n'est pas en mesure d'apprécier si l'embolisation a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles Mme B... était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

6. En second lieu, l'expert a indiqué que " les risques liés à une procédure d'embolisation, surtout sur des anévrismes complexes et évolutifs tels que celui présenté par Mme B..., sont estimés à 10 % dont 3 à 4 % sont des risques hémorragiques ". Toutefois, la nature des autres risques n'est pas précisée, et l'expert a relevé par ailleurs que le neurologue avait décidé de réaliser l'intervention " après un avis neurochirurgical qui a récusé l'indication de chirurgie (...) aussi risquée que l'embolisation ", ce qui pourrait laisser entendre que l'intervention présentait des risques importants. L'absence d'évaluation précise des risques inhérents à l'acte de soins en cause ne permet pas à la cour d'apprécier si, dans les conditions dans lesquelles l'embolisation a été réalisée, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

7. Il résulte de ce qui précède que l'état du dossier ne permet pas de statuer sur le droit de Mme B... à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. En outre, l'allégement du régime de curatelle de Mme B..., par un jugement du juge des tutelles de La Rochelle

du 23 août 2018 visant un certificat médical du 27 février 2018, est susceptible de révéler une évolution de l'état de santé de l'intéressée postérieurement à l'expertise, de nature à mettre en cause la date de consolidation fixée au 9 juillet 2014. Par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions prévues par le dispositif du présent arrêt.

DÉCIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur la demande indemnitaire de Mme B..., il sera procédé à une expertise médicale contradictoire par un neurochirurgien, en présence de Mme B...

et de l'ONIAM.

Article 2 : L'expert aura pour mission :

1°) de prendre connaissance du dossier médical de Mme B... et de l'expertise réalisée

le 9 juillet 2014 à la demande de la CCI, et d'examiner Mme B... ;

2°) en s'appuyant sur la littérature dont les références seront précisées, de décrire l'anévrisme évolutif présenté par Mme B... en janvier 2011 et d'indiquer quels en étaient les risques,

et à quelle échéance, en l'absence d'intervention, ils étaient susceptibles de se réaliser ;

de donner une évaluation chiffrée de ces risques en distinguant le risque d'hémorragie de ceux, d'une autre nature, susceptibles d'avoir des conséquences d'une gravité comparable ;

3°) d'expliciter les risques présentés par l'embolisation compte tenu des caractéristiques particulières de l'anévrisme et de donner une évaluation chiffrée du risque de dommages d'une gravité comparable à celui qui s'est réalisé ;

4°) de donner son avis sur l'existence d'une évolution de l'état de santé de Mme B... depuis l'expertise réalisée le 9 juillet 2014 à la demande de la CCI, et le cas échéant, de fixer une nouvelle date de consolidation.

5°) En cas d'évolution de l'état de santé de Mme B... depuis le 9 juillet 2014 :

- de fixer les périodes de déficit fonctionnel temporaire depuis le 9 juillet 2014 et d'en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;

- de fixer le taux du déficit fonctionnel permanent en explicitant la nature des atteintes

à l'intégrité physique, cognitive ou psychique ;

- de procéder, s'il y a lieu, à une nouvelle évaluation des besoins, notamment d'assistance d'une tierce personne, en lien avec le handicap ;

- de donner son avis sur les répercussions des incapacités médicalement constatées sur la possibilité d'exercer une activité professionnelle ;

- de procéder, s'il y a lieu, à une nouvelle évaluation des préjudices personnels en lien avec les séquelles (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel) ;

- d'apporter tous autres éléments estimés utiles à l'évaluation des préjudices de Mme B....

Article 3 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du code de justice administrative, tous documents utiles, et notamment tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressée.

Article 4 : L'expert sera désigné par la présidente de la cour. Après avoir prêté serment,

il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code

de justice administrative, l'expert déposera son rapport sous forme dématérialisée dans le délai fixé par la présidente de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec l'accord de ces dernières, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué

par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Mme E... C..., curatrice, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes

et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime et à la mutualité sociale agricole des Charentes.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX04629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04629
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-04-01 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Modalités de la réparation. - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-18;19bx04629 ?
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