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17/11/2021 | FRANCE | N°19BX02908

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 17 novembre 2021, 19BX02908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière MCZ Caritan a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement l'Etat et la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 223 270,04 euros, en réparation des préjudices résultant du refus de l'Etat de lui céder la parcelle E n° 552, située dans la zone des cinquante pas géométriques sur le territoire de la commune de Sainte-Anne, et en réparation des préjudices résultant de l'occupation de cette parcelle par la commune de Sainte-Anne.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière MCZ Caritan a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner solidairement l'Etat et la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 223 270,04 euros, en réparation des préjudices résultant du refus de l'Etat de lui céder la parcelle E n° 552, située dans la zone des cinquante pas géométriques sur le territoire de la commune de Sainte-Anne, et en réparation des préjudices résultant de l'occupation de cette parcelle par la commune de Sainte-Anne.

Par un jugement n° 1700287 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, la SCI MCZ Caritan, représentée par Me Bertrand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 avril 2019 ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 223 270,04 euros, en réparation des préjudices résultant du refus de l'Etat de lui céder la parcelle E n° 552, située dans la zone des cinquante pas géométriques sur le territoire de la commune de Sainte-Anne, et en réparation des préjudices résultant de l'occupation de cette parcelle par la commune de Sainte-Anne ;

3°) de mettre à la charge solidairement de l'Etat et de la commune de Sainte-Anne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, car insuffisant motivé sur l'existence d'une faute de la commune ; il comporte une contradiction de motifs ainsi qu'une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'Etat a commis une faute en retirant la décision créatrice de droits du 18 novembre 2013, par laquelle la cession de la parcelle lui avait été consentie, et en s'abstenant de l'exécuter ;

- la commune de Sainte-Anne a commis une faute en s'abstenant, en tant que bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public, d'entretenir et d'exploiter la piscine située sur la parcelle ;

- elle subit un préjudice financier, résultant de la perte d'activité et de la perte d'image.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 9 décembre 2019 et le 10 décembre 2019, la commune de Saint-Anne, représentée par Me Yang-Ting Ho, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI MCZ Caritan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure ayant conduit à l'AOT délivrée à la commune et de l'atteinte à la liberté d'entreprendre sont nouveaux en appel ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de la SCI MCZ Caritan.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En 2010, le préfet de la Martinique avait délivré à l'Union des syndicats et propriétaires de l'Anse Caritan (USPAC) une autorisation d'occupation temporaire du domaine public notamment sur la parcelle cadastrée section E n° 552 située dans la zone des cinquante pas géométriques sur la commune de Sainte-Anne. Sur cette parcelle est édifiée une piscine, attenante à l'ancienne résidence hôtelière de l'Anse Caritan. La SCI MCZ Caritan est devenue propriétaire, en 2011, de plusieurs locaux commerciaux édifiés sur les parcelles voisines cadastrées section E n° 553 et n° 1257. Elle a alors demandé au préfet de la Martinique de lui céder la parcelle cadastrée section E n° 552 sur laquelle est édifiée la piscine. Par un courrier du 18 novembre 2013, le sous-préfet du Marin a informé la SCI de " l'accord des services de l'Etat à la cession de la piscine ", mais cet accord n'a pas été mis en œuvre. Puis le sous-préfet du Marin a consenti à la commune de Sainte-Anne, par un arrêté du 3 juin 2016, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public sur cette même parcelle E n° 552 pour lui permettre d'exploiter la piscine, notamment dans le cadre d'activités scolaires. Le 15 février 2017, la SCI MCZ Caritan a présenté une demande d'indemnisation préalable à la commune et à l'Etat afin notamment d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sans réponse de ces collectivités, elle a alors saisi le tribunal administratif de La Martinique d'une demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 223 270,04 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. La SCI MCZ Caritan relève appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, en considérant au point 5 du jugement contesté que la circonstance que la commune aurait méconnu les obligations d'entretien et de gestion de la piscine imposées par l'arrêté l'autorisant à occuper le domaine public ne saurait être constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard des tiers, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement.

3. En second lieu, les moyens tirés de ce que le tribunal aurait entaché son jugement de contradiction de motifs, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement contesté n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, la SCI MCZ Caritan fait valoir que l'Etat aurait commis une faute en ne tenant pas sa promesse de lui vendre la parcelle cadastrée E n° 552 alors que le sous-préfet du Marin s'y était engagé par la décision du 18 novembre 2013. Cependant, il résulte de l'instruction, d'une part, que si ce courrier indiquait un accord des services de l'Etat pour la cession de la piscine, il précisait qu'un arrêté préfectoral devrait suivre pour formaliser cette opération. D'autre part, la société requérante n'ignorait pas, ainsi que cela ressort de son courrier du 28 décembre 2013 dans lequel elle précise : " concernant l'accord des services de l'Etat pour la cession de la piscine... nous aimerions connaitre les différentes étapes de ce processus ", que la lettre du 18 novembre 2013 ne constituait qu'un accord de principe et non une véritable décision. Aussi, eu égard à la circonstance que la cession en cause ne pouvait intervenir qu'à l'issue de la procédure fixée par les articles R. 5112-14 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, qui consiste notamment à saisir la commission des cinquante pas géométriques, à procéder au déclassement du domaine public de la parcelle et à faire une offre de cession comprenant un prix fixé par le service des Domaines et devant être accepté par le demandeur, le courrier du sous-préfet du Marin du 18 novembre 2013 ne constituait qu'une prise de position et ne pouvait être regardé comme une " promesse " qui aurait engagé l'administration. Enfin, le courrier du 23 juillet 2015 du sous-préfet du Marin se borne à informer la SCI MCZ Caritan de l'avis favorable rendu par la commission des cinquante pas géométriques sur la cession de la parcelle E n° 552 et à indiquer que des documents d'arpentage doivent être établis par un géomètre agrée afin qu'un prix de cession soit fixé, mais ne saurait davantage constituer un engagement formel de l'Etat sur une cession à son profit.

6. En second lieu, la SCI MCZ Caritan soutient que l'Etat aurait commis une faute en lui préférant, sans mise en concurrence préalable, la commune de Sainte-Anne à laquelle elle a délivré une autorisation d'occupation temporaire du domaine public sur la parcelle E n° 552, portant ainsi, selon elle, atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante n'avait pas sollicité une autorisation d'occupation temporaire du domaine public mais une cession de la parcelle en cause, et n'avait donc pas formé une demande concurrente à celle de la commune de Sainte-Anne. D'autre part, il n'existait pas davantage de demandes concurrentielles en raison de la nature des activités envisagées par les parties, la commune de Sainte-Anne ayant pour ambition d'accueillir des activités scolaires et péri scolaires et non une activité économique, alors que la société requérante envisageait une utilisation privative et commerciale du domaine public. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et à défaut de demandes concurrentes, il n'incombait pas à l'Etat de mettre en œuvre une procédure destinée à garantir " l'égalité des candidats ". En conséquence, l'Etat ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie en délivrant à la commune de Sainte-Anne l'autorisation d'occuper temporairement la parcelle E n° 552.

7. Il résulte de ce qui précède, que la SCI MCZ Caritan n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis des illégalités fautives de nature à engager sa responsabilité en ne respectant pas une promesse non tenue ou en portant atteinte à sa liberté d'entreprendre et au principe d'égalité.

Sur la responsabilité de la commune de Sainte-Anne :

8. La SCI MCZ Caritan soutient que la responsabilité de la commune de Sainte-Anne doit être engagée dès lors que son inertie a entrainé la dégradation du bassin et de ses alentours, lui causant un préjudice.

9. Il résulte de l'instruction que la commune de Sainte-Anne a obtenu, par un arrêté du 3 juin 2016, l'autorisation d'occuper le domaine public sur la parcelle E n° 552 avec pour projet d'y accueillir des activités scolaires ou péri scolaires. Il est constant que dès le 18 août 2016, le maire de Sainte-Anne a interdit l'accès du public à ces installations, a vidé le bassin et n'a procédé à aucun entretien. Toutefois, si le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement, cette responsabilité n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où son application a entraîné un préjudice direct et certain. En l'espèce, la société requérante se prévaut d'un préjudice financier correspondant aux pertes de loyers, au paiement des taxes foncières sur plusieurs années et à la dévalorisation commerciale de son bien immobilier. Toutefois, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que les loyers impayés aient pour origine l'absence d'entretien de la piscine par la commune, ni que cette absence d'entretien ait provoqué une image dégradée de l'ensemble immobilier, lequel est situé à proximité de la mer et présente d'autres attraits touristiques. Aussi, en l'absence de lien direct entre le défaut d'entretien du bassin et le préjudice invoqué, la demande de la société requérante tendant à la condamnation de la commune doit être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées en défense, que la SCI MCZ Caritan n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Sainte-Anne à lui verser une indemnité.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Anne, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par la SCI MCZ Caritan au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Anne tendant à l'application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI MCZ Caritan est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sainte-Anne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière MCZ Caritan, à la commune de Sainte-Anne et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2021.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX02908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02908
Date de la décision : 17/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-04 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Contentieux de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : YANG-TING HO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-17;19bx02908 ?
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