Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 août 2020 par lequel le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2001220 du 6 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Labrousse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001220 du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, que :
- cette décision est illégale en ce qu'elle se fonde sur l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que sa demande de titre aurait dû être instruite sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- cette décision a méconnu son droit à une vie privée et familiale en France dès lors qu'il est marié avec une compatriote qui séjourne régulièrement sur le territoire français ; il doit obtenir un titre de séjour de plein droit en application de l'article 6-5° de l'accord ;
Il soutient, en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, que :
- cette décision est illégale dès lors qu'un étranger qui bénéficie du droit à séjourner en France de plein droit ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2021, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant algérien né le 19 décembre 1989 qui est entré sur le territoire français en novembre 2016 muni d'un passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour. Il s'est maintenu en France après l'expiration du délai de validité de son visa et a déposé en préfecture de la Corrèze, le 4 décembre 2019, une demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Le 18 janvier 2020, M. B... s'est marié en mairie d'Ussel avec une compatriote titulaire d'une carte de résident pluriannuelle. Mais par un arrêté du 26 août 2020, le préfet de la Corrèze a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B..., assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et fixé le pays de renvoi. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté du 26 août 2020 et relève appel du jugement rendu le 6 octobre 2020 par lequel le président du tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
2. Aux termes du 3° de l'article L. 313-25 et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour : 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; (...) 3° A son conjoint (...) si le mariage (...) est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage (...) ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ; (...) ".
3. Alors que M. B... a présenté une demande de titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale en France, le préfet a rejeté celle-ci en application des dispositions précitées de l'article L. 313-25 après avoir relevé que l'intéressé s'était marié depuis moins d'un an à compter de la date de sa décision.
4. Toutefois, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ".
5. En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.
6. Or les dispositions du 3° précité de l'article L. 313-25 sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France en leur qualité de conjoint d'un étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. Par suite, la demande de titre de séjour présentée par M. B... au titre de la vie privée et familiale ne pouvait être instruite au regard de l'article L. 313-25 précité et ainsi, le préfet de la Corrèze a commis erreur de droit en rejetant cette demande au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions énoncées par cet article.
7. Par ailleurs, dès lors qu'il porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les dispositions de l'article L. 313-14 ne sont pas applicables à une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant algérien à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
8. Le préfet a ainsi commis une erreur de droit en rejetant la demande de titre de séjour au motif que M. B... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14.
9. Enfin, il résulte des points 4 et 5 que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour examiner le droit au séjour de M. B... qui est exclusivement régi par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté en litige est illégal. M. B... est fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Ce jugement doit être annulé ainsi que l'arrêté préfectoral du 26 août 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. "
12. Eu égard aux motifs du présent arrêt qui fondent l'annulation de la décision en litige, il y a seulement lieu de prescrire au préfet d'instruire de nouveau la demande de titre de séjour présentée par M. B... et de prendre une décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37- 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 2001220 du tribunal administratif de Limoges du 6 octobre 2020 et l'arrêté du préfet de la Corrèze du 26 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Corrèze d'instruire à nouveau la demande de titre de séjour de M. B... et de prendre une décision dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03519 4