Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... La a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2016, pour un montant de 23 980 euros, à raison de la réalisation, le 1er mars 2016, d'une plus-value de cession immobilière.
Par un jugement n° 1701741 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 août 2019, M. La, représenté par Me Bensaïd, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mai 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2016, pour un montant de 23 980 euros, à raison de la réalisation, le 1er mars 2016, d'une plus-value de cession immobilière ;
3°) d'assortir la restitution de ces prélèvements des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que l'assujettissement aux prélèvements sociaux d'un résident tiers à l'Union européenne méconnait les stipulations de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union et porte atteinte à sa liberté d'entreprendre garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire enregistré le 24 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que M. La n'est recevable à contester les prélèvements litigieux qu'à concurrence de sa participation dans la société Sainte-Catherine.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
- l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;
- l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances (C-45/17) ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er mars 2016, la Société civile immobilière Sainte-Catherine, dont M. A... La, résident fiscal américain, est associé à 50,97 %, a cédé un ensemble immobilier situé rue Saint Rémy à Bordeaux au prix de 318 000 euros. M. La a été assujetti aux prélèvements sociaux sur la plus-value réalisée lors de cette opération pour un montant de 12 223 euros. Il relève appel du jugement du 7 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces contributions.
2. Aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ".Le 1 de l'article 64 de ce traité précise que : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux (...) ". Enfin, en application du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".
3. En vertu des stipulations précitées de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté de circulation des capitaux, sont prohibées les restrictions aux mouvements de capitaux entre États membres ainsi qu'entre États membres et pays tiers. Est au nombre de ces mouvements de capitaux la cession d'un investissement immobilier, comme en a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-322/11 du 7 novembre 2013, K. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier de son arrêt C-156/17 du 30 janvier 2020, Köln-Aktienfonds Deka, que les mesures interdites par l'article 63, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de procéder à des investissements dans un État membre, qu'elles introduisent une différence de traitement entre résidents et non-résidents (restriction directe), ou que, bien qu'indistinctement applicables aux résidents et aux non-résidents, elles défavorisent, de fait, les situations transfrontalières (restriction indirecte). De telles restrictions peuvent néanmoins être justifiées, et partant compatibles avec la liberté de circulation des capitaux, lorsqu'elles s'appliquent à des situations qui ne sont pas objectivement comparables, ainsi qu'il résulte de l'article 65, paragraphe 1, du même traité, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de justice, notamment les deux arrêts mentionnés ci-dessus.
4. Toutefois, les règles relatives à l'assujettissement aux prélèvements sociaux des plus-values de cession immobilière sont indistinctement applicables, sans considération de leur nationalité, aux résidents des États-Unis d'Amérique, tels que M. La, et aux résidents de France, si bien qu'aucune restriction directe à la liberté de circulation des capitaux ne peut en l'espèce être constatée. Aucune restriction indirecte entre résidents de France et résidents d'un État tiers à l'Union européenne échappant au champ d'application du règlement du 29 avril 2004 ne saurait davantage résulter de la circonstance que l'assujettissement aux prélèvements sociaux des seconds ne leur permet pas de bénéficier en France des prestations sociales généralement offertes aux premiers, dès lors que ces prélèvements n'ont pas le caractère d'une cotisation contributive ouvrant vocation au bénéfice des prestations et avantages servis par les régimes français obligatoires de sécurité sociale, mais celui d'une imposition de toute nature. Enfin, si les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont exonérés de ces prélèvements, alors qu'y sont soumis les ressortissants américains qui résident aux États-Unis et y sont affiliés à un régime de sécurité sociale, il existe entre ces deux situations une différence objective, qui tient à ce qu'un ressortissant américain résidant aux États-Unis, qui n'entre pas dans le champ d'application personnel du règlement du 29 avril 2004, n'est pas susceptible de bénéficier du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale prévu à son article 11, de sorte que cette différence de traitement ne porte pas, en tout état de cause, une atteinte injustifiée à la liberté de circulation des capitaux.
5. Il résulte de ce qui précède que M. La ne peut pas utilement soutenir que les prélèvements litigieux affectent la rentabilité de ses investissements immobiliers en France et qu'il ne bénéficie pas de prestations sociales en France. En outre il n'est pas davantage fondé à soutenir que l'assujettissement aux prélèvements sociaux de la plus-value immobilière qu'il a réalisée porte atteinte à sa liberté d'entreprendre telle qu'elle est garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que cet assujettissement ne fait aucunement obstacle à la réalisation des opérations immobilières concernées et, qu'au demeurant, il ressort de ses propres écritures que l'opération concernée présente un caractère purement patrimonial dénué de tout lien avec une quelconque activité économique et ne constitue donc pas un investissement direct au sens de l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
6. Il résulte de ce qui précède que M. La n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux litigieux. Par suite la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... La et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 02 novembre 2021.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N°19BX03416