Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1907088 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2021 et un mémoire enregistré le 20 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Pornon-Weidknnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 10 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la motivation de l'arrêté litigieux révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle de la part du préfet de Tarn-et-Garonne ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle remplit les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle justifie en effet de motifs exceptionnels au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dès lors qu'elle est arrivée en France en 2014 à l'âge de 14 ans, qu'elle présente un parcours scolaire assidu et sérieux, que ses liens avec sa sœur résidant en France, qui est pour elle une mère de substitution, sont anciens et stables, alors qu'elle n'a plus de liens avec ses parents ou son autre sœur ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'elle remplit également les critères de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, outre ses attaches, elle est insérée dans la société française dès lors qu'elle a accompli plusieurs stages et bénéficie d'une promesse d'embauche ;
- il n'existe pas de perspective d'éloignement en Géorgie en raison de la situation sanitaire actuelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2021, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 11 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 23 mars 2000, entrée sur le territoire français le 24 mars 2014, a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 10 septembre 2019, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 3 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2019.
Sur l'étendue du litige :
2. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la requête au greffe de la cour, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a, pas une décision du 7 avril 2021, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à Mme B.... Par conséquent, le préfet de Tarn-et-Garonne a délivré à l'intéressée un récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale l'autorisant à séjourner sur le territoire français. Il doit ainsi être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé les décisions du 10 septembre 2019 faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de Mme B.... Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces décisions sont devenues sans objet.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté du 10 septembre 2019 du préfet de Tarn-et-Garonne mentionne notamment que Mme B... est entrée régulièrement sur le territoire français en 2014 à l'âge de 14 ans, qu'elle y est scolarisée, qu'elle est célibataire et sans enfants et qu'en dépit de la présence en France de sa sœur et de son beau-frère avec lesquels elle réside, elle n'est pas dépourvue d'attaches en Géorgie où vivent ses parents et l'une de ses sœurs. Cette motivation ne révèle pas un défaut d'examen sérieux de la situation de Mme B..., contrairement à ce qu'elle soutient, alors même qu'il ne fait pas état de ce que ses parents seraient divorcés depuis plus de treize ans, de ce que sa mère est partie vivre aux États-Unis quand elle était âgée de sept ans ou des troubles psychiatriques dont souffrirait son père. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments auraient été portés à la connaissance du préfet à l'occasion de la demande de titre de séjour de Mme B....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...). ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., célibataire et sans enfants, est entrée sur le territoire français le 24 mars 2014 à l'âge de quatorze et a vécu depuis cette date avec sa sœur qui réside régulièrement en France. Elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside encore son père et une autre de ses sœurs et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'a plus aucun lien avec eux, comme elle le prétend. Par ailleurs, si la requérante est scolarisée depuis son entrée en France, était inscrite en classe de lycée professionnel en filière " Gestion administrative " à la date de l'arrêté litigieux, et a effectué des stages dans ce cadre, ces éléments ne sauraient attester à eux seuls d'une intégration particulière dans la société française, alors que Mme B... n'apporte aucune précision sur ses résultats scolaires. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas poursuivre ses études dans son pays d'origine. Par ailleurs, la promesse d'embauche dont Mme B... se prévaut pour un emploi en tant qu'interprète en géorgien au sein d'une association à laquelle le centre hospitalier universitaire de Bordeaux a recours est postérieure à l'arrêté litigieux, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle il a été pris. Au regard de ces éléments, la situation Mme B... ne présente pas de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet au regard de cet article doit être écarté.
6. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas au nombre de celles qui sont opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 du même code et, au surplus, ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, la décision de refus de titre de séjour litigieuse ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... au regard des motifs du refus. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Enfin, si Mme B... fait état, de manière générale de la crise sanitaire due à l'épidémie de Covid-19 et aux mesures de restrictions temporaires qu'elle a engendrées, cette circonstance est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de l'arrêté attaqué, mais demeure sans incidence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date à laquelle il a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'absence de perspective d'éloignement à destination de la Géorgie est inopérant et doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du préfet de Tarn-et-Garonne du 10 septembre 2019. Ces conclusions doivent ainsi être rejetées, ainsi que celles à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2019 du préfet de Tarn-et-Garonne en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.
La rapporteure,
Charlotte IsoardLa présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01153 2