La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2021 | FRANCE | N°21BX01870

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 21BX01870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100492 du 13 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête, enregistrée le 3 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100492 du 13 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 19 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du même arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.

Elle soutient que :

- le jugement a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, souffre d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; l'autorité préfectorale s'est estimée à tort en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision n° 2021/012561 du 10 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née en 1966, est entrée irrégulièrement en France le 20 novembre 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 4 décembre 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 19 janvier 2021, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 13 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B... a soulevé devant le tribunal administratif de Poitiers, dans sa requête enregistrée le 24 février 2021, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La magistrate désignée par le président du tribunal n'a pas répondu à ce moyen qui n'est pas inopérant. Par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne de la Haute-Garonne a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de se prononcer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de la requête.

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

4. Par un arrêté du 27 novembre 2020, publié au recueil des actes administratifs du département, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, pour signer toutes les décisions entrant dans le champ du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au nombre desquelles figure nécessairement la " police des étrangers ". Compte tenu de la qualité du signataire, c'est à tort que la requérante soutient que cette délégation de signature en matière de " police des étrangers " présente un champ trop large. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, la requérante reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, il résulte des énonciations mêmes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Vienne ne s'est pas placée, au regard de l'avis de l'OFII, en situation de compétence liée pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

8. Dans son avis du 5 juin 2020, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire elle peut y bénéficier d'un traitement approprié.

9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, la préfète de la Vienne s'est notamment fondée sur l'avis précité. La requérante qui lève le secret médical fait valoir qu'elle souffre d'un diabète de type II et d'un syndrome dépressif nécessitant un traitement médicamenteux quotidien ainsi qu'une surveillance médicale régulière et que son état de santé a nécessité des hospitalisations en février et août 2020. Elle fait aussi valoir que deux des médicaments qu'elle prend quotidiennement pour soigner ses pathologies, la Sitagliptine et la phénylpipéridine ne sont pas disponibles en Arménie. Toutefois, il ressort de la liste des médicaments disponibles en Arménie produite par le préfet que tant le Janumet dont les molécules sont la Sitagliptine et la Metformine que la paroxétine dont la phénylpipéridine est un dérivé sont disponibles en Arménie. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

10. En premier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la présence de Mme B... en France est récente et qu'elle n'a été admise à y séjourner que le temps de l'examen de sa demande d'asile. En outre, si l'intéressée fait valoir que son fils est décédé et que son mari a disparu, elle n'établit toutefois pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine dans lequel elle a passé l'essentiel de son existence. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que Mme B... n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier des soins indispensables à ses pathologies en Arménie. Dans ces conditions, la décision d'éloignement n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

13. En troisième lieu, la requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant notamment " toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". La requérante n'apporte aucun élément au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que Mme B... n'établit pas être exposée à des peines ou des traitements contraires à ces stipulations. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

16. En second lieu, en se bornant à indiquer qu'elle n'a aucune attache matérielle et familiale en Arménie, Mme B... n'établit pas que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales proscrivant les traitements inhumains ou dégradants.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100492 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers du 13 avril 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêtéde la préfète de la Vienne du 19 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Article 2 : Les conclusions de première instance de Mme B... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et le surplus des conclusions d'appel de Mme B... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 21BX01870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01870
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;21bx01870 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award