Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 20 mai 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a refusé un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2002532 - 2002533 du 14 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 décembre 2020, M. et Mme F..., représentés par Me Tercero, demandent à la cour :
1°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de produire la preuve de la collégialité de la délibération du collège de médecins dans le dossier de Mme F..., les extraits Themis de l'instruction de son dossier et les documents médicaux extraits de la base de données accessible uniquement au collège national des médecins de l'OFII qui ont fondé l'avis selon lequel elle peut bénéficier effectivement des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine et tout document médical sur lequel le collège s'est fondé pour rendre son avis ;
2°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) d'annuler les arrêtés du 20 mai 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de délivrer à M. F... un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à Mme F... un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du même code, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de leur remettre sans délai à compter de cette notification, une autorisation provisoire de séjour assortie de l'autorisation de travailler dans les mêmes conditions d'astreinte, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de leur situation dès la notification de la décision à intervenir, de rendre une décision dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de leur remettre dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les arrêtés pris dans leur ensemble :
- les arrêtés sont entachés d'incompétence de leur auteur ; la publicité de l'arrêté de délégation de signature du 2 avril 2020 n'est intervenue que le 16 novembre 2020 alors que cet arrêté avait déjà été abrogé par un autre arrêté de délégation du 7 octobre 2020 publié le même jour ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme F... :
- elle méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le caractère collégial de l'avis émis par les médecins de l'OFII n'est pas établi par l'autorité préfectorale ; la distance de plusieurs centaines de kilomètres séparant les médecins fait obstacle à toute collégialité ; aucun document ne démontre que ces trois médecins aient eu recours a` une conférence téléphonique ou audiovisuelle pour s'entretenir ensemble ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'un défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme E... :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est privée de base légale par exception d'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi opposée à Mme F... :
- elle est privée de base légale, par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'impossibilité de bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour opposée à M. F... :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi opposée à M. F... :
- elle méconnaît par ricochet l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 4 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2021 à 12 heures.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions n° 2020/016339 et n° 2020/016340 du 3 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., de nationalité géorgienne, nés respectivement en 1985 et 1984, sont entrés en France le 10 mai 2018. Leur demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 18 juin 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 octobre 2019. Ils ont déposé, le 21 novembre 2019, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils relèvent appel du jugement du 14 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 20 mai 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les arrêtés pris dans leur ensemble :
2. Par un arrêté du 2 avril 2020 n° 31-2020-04-02-001 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086 de la préfecture de la Haute-Garonne, Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, a reçu délégation à l'effet de signer, en lieu et place du préfet de la Haute-Garonne, notamment " Les décisions de refus de titre de séjour à quelque titre que ce soit ", " Les décisions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et " Les arrêtés portant décision fixant le pays de renvoi ". Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour opposée à Mme F... :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". En outre, selon les dispositions de l'article R. 313-23 alinéa 3 du même code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Enfin, l'article 6 de ce même arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 17 janvier 2020 concernant Mme F... porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Pour contester la régularité de cet avis, Mme F... soutient que ces trois médecins se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres et qu'aucun document ne démontre qu'ils aient eu recours a` une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Toutefois, la circonstance que les trois médecins composant le collège ne relèvent pas du même secteur géographique n'est pas en soi de nature à démontrer l'absence de caractère collégial de cette délibération. Par suite, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de la requérante tendant à ce que l'OFII produise toute preuve de la tenue d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle réunissant les trois médecins du collège de l'OFII, le moyen tiré de ce qu'elle a été privée de la garantie que constitue le débat collégial du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
6. Dans son avis du 17 janvier 2020, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour refuser de délivrer à Mme F... le titre de séjour sollicité en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis précité. La requérante qui lève le secret médical fait valoir qu'elle est porteuse du virus de l'hépatite B. Toutefois, le certificat médical du 7 mai 2019 produit devant les premiers juges par l'intéressée se borne à indiquer que l'hôpital qui suit sa pathologie est dans l'attente du suivi trimestriel qui permettra soit de trancher entre " une hépatite chronique B à virus mutant qui pourrait relever d'une prise en charge thérapeutique ou d'un portage chronique inactif qui dans ce cas-là relève d'une surveillance biologique semestrielle. " De même, le certificat médical du 9 juin 2020 produit devant le tribunal se borne à indiquer la " nécessité d'un traitement médicamenteux sans lequel une évolution de la pathologie pourrait aboutir à une cirrhose voir un hépatocarcinome ce qui pourrait aboutir à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de la requérante tendant à ce que le préfet de la Haute-Garonne et l'OFII produisent des extraits Themis de l'instruction de son dossier médical et les documents médicaux extraits de la base de données accessible au collège national des médecins, le moyen tiré de ce que le préfet en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme F... :
7. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour opposée à M. F... :
9. M. F... fait valoir qu'il doit demeurer avec son épouse car il est la seule personne susceptible d'apporter l'assistance affective, psychologique, physique et matérielle indispensable à l'amélioration de l'état de santé de son épouse. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que l'état de santé de l'épouse de M. F... ne nécessite pas qu'elle reste sur le territoire français. Dans ces conditions, le refus de délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi opposées à M. et Mme F... :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé par Mme F... tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination, en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que Mme F... n'établit pas qu'un défaut de soins l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir qu'un retour en Géorgie l'exposerait à un risque de traitements inhumains ou dégradants du fait d'un défaut de soins. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés.
12. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que le moyen soulevé par M. F... tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par voie de conséquence de la méconnaissance de ce même texte par l'arrêté fixant le pays de renvoi opposé à Mme F..., ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., M. C... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Véronique Epinette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX04289