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19/10/2021 | FRANCE | N°19BX03473

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 octobre 2021, 19BX03473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle émette un ordre de réquisition à destination du comptable public aux fins de paiement de la seconde fraction de l'indemnité volontaire de départ.

Par un jugement n° 1704787 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de la rectrice de l'académie de Toulouse et mis à la

charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle émette un ordre de réquisition à destination du comptable public aux fins de paiement de la seconde fraction de l'indemnité volontaire de départ.

Par un jugement n° 1704787 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de la rectrice de l'académie de Toulouse et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoires enregistrés le 20 août 2019 et le 15 mars 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 juin 2019 et de rejeter les conclusions de première instance de M. B....

Il soutient que :

- M. B... ne remplissait pas les conditions requises par l'article 3 du décret du 17 avril 2018 instituant une indemnité de départ volontaire, dès lors qu'il ne justifiait pas avoir repris ou créé une entreprise postérieurement à sa démission ; en effet, à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 2014, son épouse détenait 100 % du capital de l'entreprise " Atelier du Transporter ", dont elle était l'associée unique ;

- M. B... n'exerçait pas un contrôle effectif sur la société dès sa création, dès lors qu'il ne pouvait administrer les parts sociales de la société à responsabilité limitée " Atelier du Transporter " que sur le plan patrimonial avant d'obtenir la qualité d'associé de cette société le 1er juin 2016 et ne pouvait intervenir dans le fonctionnement sociétaire de l'entreprise.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Lapuelle, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de lui verser la seconde fraction de l'indemnité de départ volontaire ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Foucard, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er juillet 2014, la rectrice de l'académie de Toulouse a radié, à sa demande, M. B..., professeur de lycée professionnel, des cadres de la fonction publique, et lui a attribué une indemnité de départ volontaire pour la création ou la reprise d'une entreprise d'un montant de 75 575,66 euros bruts, dont le versement en deux fractions était conditionné à la production de pièces justificatives. La première moitié de cette indemnité de départ volontaire lui a été versée au mois de novembre 2014 après production de l'extrait K-bis attestant de l'existence juridique de la société à responsabilité limitée (SARL) " Atelier du Transporter " créée par son épouse et immatriculée au registre des sociétés et du commerce le 31 mars 2014. Cependant, l'administration fiscale a refusé, le 22 décembre 2015, de verser à M. B... la deuxième moitié de cette indemnité. Par des courriers du 11 août 2016 et du 15 février 2017, M. B... a demandé à la rectrice de l'académie de Toulouse de procéder à la réquisition du comptable public aux fins de versement de la seconde fraction de l'indemnité de départ volontaire. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement du 19 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions implicites de la rectrice de l'académie de Toulouse de rejet de ces demandes et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le motif retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa version applicable au litige : " Une indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux fonctionnaires qui quittent définitivement la fonction publique de l'État à la suite d'une démission régulièrement acceptée en application du 2° de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " (...) l'indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux agents mentionnés à l'article 1er qui quittent définitivement la fonction publique de l'État pour créer ou reprendre une entreprise au sens de l'article L. 351-24 du code du travail. (...) / L'agent dispose d'un délai de six mois pour communiquer aux services de l'État le K bis attestant de l'existence juridique de l'entreprise qu'il crée ou reprend. Il devra transmettre, à l'issue du premier exercice, les pièces justificatives permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise. / L'indemnité de départ volontaire est versée, pour la moitié de son montant, lors de la communication du K bis précité, et, pour l'autre moitié, après la vérification de la réalité de l'activité de l'entreprise mentionnée à l'alinéa précédent. ". L'article L. 351-24 du code du travail, devenu l'article L. 5141-1 du même code, subordonne l'octroi d'aides à la création ou à la reprise d'une entreprise a` la condition d'en exercer effectivement le contrôle. Enfin, aux termes de l'article R. 5141-2 du code du travail : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 5141-1, sont considérés comme remplissant la condition de contrôle effectif de l'entreprise créée ou reprise lorsqu'elle est constituée sous la forme de société : (...) 2° Le demandeur qui a la qualité de dirigeant de la société et qui détient, personnellement ou avec son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ses ascendants et descendants, au moins un tiers du capital de celle-ci, sans que sa part personnelle puisse être inférieure à 25 % et sous réserve qu'un autre actionnaire ou porteur de parts ne détienne pas directement ou indirectement plus de la moitié du capital ; (...) ".

3. Les dispositions de l'article R. 5141-2 du code du travail citées ci-dessus, qui sont prévues pour l'application de l'article L. 5141-1 du même code et qui envisagent explicitement la situation où une société est détenue par le demandeur et son conjoint, exigent que ce demandeur détienne personnellement au moins 25 % des parts de la société. Elles régissent donc entièrement la manière dont doit être appréciée l'effectivité du contrôle d'une entreprise constituée sous la forme d'une société, l'article 1402 du code civil n'ayant pas vocation à s'appliquer pour la détermination de la condition de contrôle effectif par le bénéficiaire de l'indemnité de départ volontaire. Or, il est constant qu'à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 2014, si M. B... était, en sa qualité de gérant, dirigeant de la SARL " Atelier du Transporter ", il ne détenait aucune part dans cette société. Il ne pouvait ainsi être regardé comme en exerçant effectivement le contrôle et ne remplissait pas les conditions fixées par l'article 3 du décret du 17 avril 2008 pour le versement de l'indemnité volontaire de départ, alors même qu'il est marié sous le régime de la communauté des biens et que son épouse détenait 100 % des parts de cette entreprise, et que, le 1er juin 2016, il a revendiqué son intention d'être personnellement associé de cette entreprise en vertu de l'article 1832-2 du code civil.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'erreur de droit qu'aurait commis la rectrice de l'académie de Toulouse pour annuler les décisions implicites rejetant les demandes de M. B... des 11 août 2016 et 15 février 2017.

5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les autres moyens dirigés contre les décisions implicites de la rectrice de l'académie de Toulouse :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article L. 232-4 du même code dispose toutefois : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

7. D'une part, si M. B... fait valoir qu'il a demandé la communication des motifs des décisions implicites rejetant ses demandes du 11 août 2016 et du 15 février 2017 par voie téléphonique, l'existence de ces appels auprès du rectorat ne peut être tenue pour établie en l'absence de tout élément versé au dossier en ce sens. D'autre part, la demande du 15 février 2017, intitulée " Demande d'ordre de réquisition du versement 2° fraction IDV ", par laquelle M. B... indique réitérer sa demande tendant à ce que la rectrice de l'académie de Toulouse adresse au comptable un ordre de réquisition, ne peut être regardée comme une demande de communication de motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du 11 août 2016. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la rectrice de l'académie de Toulouse aurait méconnu l'obligation de motivation qui s'imposait à elle en rejetant ses demandes par des décisions implicites.

8. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la rectrice de l'académie de Toulouse se serait estimée liée par les positions adoptées par la direction régionale des finances publiques de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées les 22 décembre 2015, 1er avril 2016 et 2 août 2016. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'elle aurait ainsi commise doit être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte des termes du courrier du 1er avril 2016 adressé par le directeur régional des finances publiques de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées au rectorat de Toulouse que cette dernière administration lui avait seulement adressé, le 9 février 2016, les documents transmis par M. B... dans son courrier reçu par le rectorat le 26 janvier 2016 afin de justifier qu'il remplissait les conditions fixées par l'article 3 du décret du 17 avril 2018 instituant une indemnité de départ volontaire. Ainsi, le courrier du 9 février 2016 du rectorat ne peut être regardé comme une décision sollicitant de la direction régionale des finances publiques le versement à M. B... de la deuxième moitié de l'indemnité de départ volontaire, qui aurait créé des droits à son profit. Par conséquent, les décisions implicites de rejet de ses demandes du 11 août 2016 et 15 février 2017 n'ont pas retiré une décision créatrice de droits, contrairement à ce que soutient M. B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. En quatrième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des circulaires FP n° 2166 du 21 juillet 2008 du ministre du budget et des comptes publics et n° 2009-67 du 28 mai 2009 du ministre de l'éducation nationale, qui ne sont pas opposables au sens de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, dans les conditions fixées à l'article R. 312-10 de ce code, et qui, au surplus, n'impliquent pas une interprétation différente des dispositions du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa version applicable au litige.

11. En cinquième lieu, les démarches accomplies par la société " Atelier du Transporter " pour l'application de l'article L. 561-2-2 du code monétaire et financier, sont sans incidence sur le statut de M. B... au regard des critères fixés par l'article 3 du décret du 17 avril 2008.

12. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de ce que la rectrice de l'académie de Toulouse aurait commis une erreur d'appréciation doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions implicites par lesquelles la rectrice de l'académie de Toulouse a rejeté les demandes du 11 août 2016 et du 15 février 2017 de M. B... et mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette la demande de première instance de M. B..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 juin 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX03473 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03473
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Travail et emploi - Politiques de l'emploi - Aides à l`emploi.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET LAPUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;19bx03473 ?
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