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19/10/2021 | FRANCE | N°19BX02071

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 19BX02071


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 mai 2019, 4 mars et 31 mars 2021, l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. D... C..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Chasseneuil-sur-Bonnieure.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme

de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 mai 2019, 4 mars et 31 mars 2021, l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. D... C..., représentés par Me Cadro, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel la préfète de la Charente a délivré à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Chasseneuil-sur-Bonnieure.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'association a intérêt à agir compte tenu tant de son champ d'action géographique que des intérêts qu'elle défend qui visent à protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, la qualité des paysages et des sites et le cadre de vie des riverains, ainsi qu'à lutter contre les projets de parc éolien dans le périmètre de la communauté de communes de Haute Charente ;

- M. C... a intérêt à agir ; sur les 4 éoliennes prévues, 2 seront implantées à seulement 600 mètres de son habitation ; il subira une gêne visuelle et sonore ;

- Mme B... gérante de la SCI JMH Immobilière a intérêt à agir ; la SCI possède 2 maisons d'habitation à Etampes situées à proximité immédiate des futures éoliennes ;

- la naissance d'une décision implicite de rejet intervenue au titre de l'article 16 du décret du 1er juillet 2014 d'application de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, fait obstacle à la délivrance de l'arrêté litigieux ; cette décision implicite n'a pas été retirée ; les délais d'instruction ont été irrégulièrement prorogés ;

- l'étude d'impact est insuffisante ; l'étude de danger réalisée en interne n'est pas objective et est insuffisante ; le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable ; la commune de Chasseneuil-sur-Bonnieure est située à l'intérieur d'un territoire karstique qui se caractérise par la présence de nombreuses cavités souterraines pouvant entrainer des effondrements ou glissement de terrain, ce qu'ignore l'étude de danger ; l'étude acoustique est insuffisante ; les points d'écoute, au nombre de 6, ne sont pas représentatifs de l'habitat existant ; une étude acoustique réalisée en hiver aurait abouti à des résultats différents ; le périmètre de protection des captages d'eaux n'est pas mentionné ; l'étude chiroptérologique est insuffisante ; aucune écoute en altitude n'a été réalisée ; l'étude est également insuffisante sur les impacts paysagers ; l'impact des éoliennes se fera tant au niveau des monuments historiques qu'au niveau des nombreux hameaux présents autour du projet ; seuls 20 photomontages ont été réalisés ;

- la décision est intervenue sans demander la dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ; plusieurs espèces protégées ont été répertoriées ; elles risquent d'entrer en collision avec les éoliennes ; la direction départementale des territoires (DDT) a clairement indiqué que le dépôt d'un tel dossier devait être envisagé ; la population de chiroptères est particulièrement exposée ;

- la commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers n'a pas été saisie pour avis en méconnaissance de l'article L. 111-5 du code de l'environnement ; les éoliennes seront implantées sur des terres agricoles ;

- la décision méconnaît les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement ; elle n'explique à aucun moment pourquoi seulement 4 éoliennes sur les 5 sont autorisées ; l'arrêté indique que l'éolienne E4 devra être implantée à une altitude ne dépassant pas 127 mètres, ce que la topographie des lieux ne permet pas d'assurer ; le déplacement de cette éolienne pourrait avoir de graves conséquences en terme d'atteintes à la biodiversité puisqu'en la déplaçant, la société serait vraisemblablement amenée à la rapprocher de l'espace boisé classé du Bois de la Taillandière ou d'un autre boisement ; un déplacement de cette éolienne pourrait également avoir des conséquences sur les nuisances visuelles et acoustiques pour les hameaux situés à proximité immédiate, à savoir pour l'éolienne E4, les hameaux Chez Berton (573 mètres actuellement) et Russas (603 m actuellement) ; le projet porte atteinte à la biodiversité tant pour l'avifaune que pour les chiroptères ; le projet se situe dans un secteur de très forte sensibilité : trois ZNIEFF de type I sont situées à moins de 3 kilomètres ; une ZNIEFF de type II est située à moins d'1 kilomètre ; le site est situé au sein de 2 principaux réservoirs biologiques d'importance régionale ; le projet se situe dans le couloir de migration principale des grues cendrées ; d'autres oiseaux sont également amenés à survoler la zone en période de migration ; il existe des risques de collision ; si l'étude n'analyse l'impact que sur 5 espèces nicheuses, il n'en demeure pas moins que, parmi la liste des oiseaux nicheurs, 51 espèces sont protégées au titre de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, 3 espèces sont inscrites à l'Annexe I de la Directive Oiseaux, pouvant être à l'origine de la désignation de sites Natura 2000 (Zone de Protection Spéciale), 10 espèces sont déterminantes ZNIEFFen région Poitou-Charentes, et 1 espèce est classée dans la catégorie " Vulnérable " de la liste rouge des oiseaux menacés en France métropolitaine, le Gobemouche gris (Muscicapa striata) ; 7 espèces de chiroptères présentent un intérêt patrimonial ; les éoliennes seront implantées à moins de 100 mètres de boisements et la mortalité augmente fortement en dessous de ce seuil ; le plan de bridage est insuffisant ; le bridage ne serait, en outre, effectif que pour la plage de vent entre 4 m/s et 5m/s puisque en dessous de 4m/s, les éoliennes sont à l'arrêt ; la présence de caméras enregistreuses n'est pas mentionnée ; le projet porte aussi atteinte aux paysages naturels, au cadre de vie des riverains et aux monuments historiques ; la commune de La Rochefoucauld, qui comporte un château magistral est située à seulement 5 km du projet ; les photomontages sont lacunaires sur les monuments historiques ; l'étude d'impact fait ressortir que pas moins de 13 hameaux sont situés à proximité immédiate du projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 janvier 2021 et 19 mars 2021, la société Parc éolien de Chasseneuil, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- que les requérants n'ont pas intérêt à agir ;

- que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que deux des requérants n'ont pas intérêt à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 avril 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Cadro, représentant l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C...,

- et les observations de Me Béglé, représentant la société Parc éolien de Chasseneuil.

Une note en délibéré présentée pour l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C... a été enregistrée le 21 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 décembre 2016, la société Parc Eolien de Chasseneuil a présenté une demande en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, regroupant 5 aérogénérateurs avec un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente). Par arrêté du 23 janvier 2019, la préfète de la Charente a délivré à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de 4 aérogénérateurs d'une puissance maximale de 12 MW et d'une hauteur de 182 mètres en bout de pale, et d'un poste de livraison. L'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C... demandent à la cour, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, d'annuler cette autorisation unique.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I. - A titre expérimental (...) sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions de Basse-Normandie, Bretagne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais Picardie et Poitou - Charente. ". Aux termes de l'article 2 de cette ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement (...) permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement (...). L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation (...) mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " (...) les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article 5 de cette ordonnance : " L'autorisation unique est instruite et délivrée dans les conditions applicables à l'autorisation prévue aux articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de l'environnement (...) ".

3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) sont considérées comme des autorisations environnementales (...) avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables (...) / 2° Les demandes d'autorisation au titre (...) de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

4. L'ordonnance du 26 janvier 2017 n'a ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance d'une autorisation unique prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014. Ainsi, la procédure d'instruction de la demande d'autorisation unique que la SARL Parc Eolien de Chasseneuil a déposée le 14 décembre 2016, est régie par l'ordonnance du 20 mars 2014 et son décret d'application du 2 mai 2014.

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2014 : " L'autorisation unique (...) est instruite et délivrée dans les conditions prévues aux sous-sections 1, 2 et 4 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V (partie réglementaire) du code de l'environnement (...) ".Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " (...) les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme (...) ". En vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014, l'autorisation unique est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance. Lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe afin de permettre à l'administration de régulariser l'illégalité par une autorisation modificative.

6. Il appartient au juge du plein contentieux de l'autorisation unique d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécient au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur légalité de l'arrêté du 23 janvier 2019 :

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article 16 du décret du 1er juillet 2014 d'application de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 :

7. Aux termes de l'article 40-1 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 : " Par dérogation au dernier alinéa de l'article R. 512-26 du code de l'environnement, à défaut d'une décision expresse dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur, le silence gardé par le représentant de l'État dans le département vaut décision implicite de rejet. Ce délai peut être prorogé avec l'accord du demandeur ".

8. Il résulte de ces dispositions, applicables au parc éolien contesté, et alors que le commissaire enquêteur a remis son rapport le 9 janvier 2018, que la préfète de la Charente pouvait régulièrement proroger, le 9 avril 2018, avec l'accord de la SARL Parc Eolien de Chasseneuil, le délai d'instruction de la demande de délivrance d'une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Chasseneuil-sur-Bonnieure. Les dispositions figurant à l'article 16 du décret n° 2014-751 du 1er juillet 2014 dont se prévalent les requérants concernent seulement " les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement " et non les parcs éoliens. Par suite, c'est à tort que les requérants soutiennent que la naissance d'une décision implicite de rejet intervenue dans le délai de deux mois au titre de l'article 16 du décret du 1er juillet 2014 précité fait obstacle à la délivrance de l'arrêté litigieux. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucun texte ne fait obstacle à l'édiction de nouveaux arrêtés de prolongation du délai d'instruction de sorte que le deuxième arrêté de prorogation du 29 septembre 2018 et le troisième arrêté du 11 janvier 2019, qui ont également été précédés du recueil de l'accord du pétitionnaire, ont été régulièrement édictés.

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

9. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable en l'espèce : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés (...) ; / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact :/-ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ;/-ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes (...) ".

10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Quant au volet acoustique :

11. Il résulte de l'instruction que les relevés de bruit ont été effectués dans des conditions fixées par les dispositions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation ICPE, de la norme NF31-114 relative aux mesures de bruit des éoliennes et du " Guide de l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens actualisé en 2010 " qui conduisent à prendre en compte la topographie des lieux, la situation par rapport aux vents dominants, la végétation, et les autres sources de bruit environnants. Les mesures ont été effectuées sur une durée de 14 jours, du 11 au 25 octobre 2016 en fonction des vents dominants (vents de sud à ouest et du nord-est). La société Valeco, a, à cet égard, en concertation avec la société Venathec, retenu 6 points de mesures distincts représentant les habitations susceptibles d'être les plus exposées et a positionné les microphones à l'abri d'une part, du vent, de sorte que son influence sur le microphone soit la plus négligeable possible, d'autre part, de la végétation, pour refléter l'environnement sonore le plus indépendamment possible des saisons, et enfin des infrastructures de transport proches, afin de s'affranchir de perturbations trop importantes dont on ne peut justifier entièrement l'occurrence. Compte tenu des modalités précitées, et alors même que l'étude d'impact recense 13 hameaux situés à proximité immédiate de la zone d'implantation, les 6 points de mesure retenus sont suffisants. En outre, une ambiance acoustique depuis les hameaux " Chez Berton " et " Jardenat " a été étudiée par modélisation de points bis. Les requérants ne démontrent pas que la réalisation d'une mesure de campagne en hiver aurait abouti à des résultats différents. Enfin, les articles 9.2, 10 et 11 de l'arrêté litigieux, imposent des mesures très strictes en fonction de l'évolution technologique et prévoient que des mesures acoustiques régulières doivent être réalisées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ne peut qu'être écarté.

Quant au périmètre de captage :

12. Les requérants soutiennent que l'étude d'impact serait lacunaire en ce qu'elle ne prend pas en considération la prise d'eau de Coulonge-sur-Charente et le périmètre de protection éloignée du captage de la Font St Aubin.

13. Toutefois, d'une part, il ressort de l'étude d'impact qu'une analyse complète et minutieuse de l'état initial des eaux souterraines a été réalisée. L'analyse de l'état initial rend également compte de l'hydrogéologie du secteur, de la piézométrie, du débit ainsi que de la qualité des eaux. De même, l'étude d'impact a précisément évalué les sensibilités induites par le projet sur les eaux, en particulier le risque de pollution, ce qui a permis au pétitionnaire de proposer l'adoption de mesures afin de réduire tout risque.

14. D'autre part, si la zone d'implantation potentielle (ZIP) est localisée au droit de deux masses d'eau souterraines, celles-ci ne sauraient être considérées comme potables dès lors qu'elles présentent un mauvais état chimique du fait d'une pollution par les produits phytosanitaires. Dans ces conditions, l'étude d'impact a pu conclure qu'aucun captage d'alimentation en eau potable ou périmètre de protection associé ne recoupe les terrains de la ZIP, quand bien même l'avis de l'ARS mentionne que le projet se trouve dans le périmètre de protection rapprochée de la prise d'eau de Coulonge sur Charente et dans le périmètre de protection éloignée du captage de la Font St Aubin en précisant d'ailleurs que les prescriptions ne s'opposent pas à la réalisation des éoliennes.

15. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ne peut qu'être écarté.

Quant à l'étude chiroptérologique :

16. Les requérants prétendent qu'en l'absence d'écoutes en altitude, l'étude initiale sur le recensement des espèces de chiroptères présentes serait lacunaire notamment sur la pipistrelle de nathusius, la grande noctule, la noctule de Leister, et la noctule commune. Toutefois et alors que les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que des écoutes en altitude s'imposaient, il ressort seulement de l'étude d'impact que la réalisation d'écoutes en altitude serait intéressante car elle permettrait de confirmer ou de renseigner plus précisément les données issues de l'analyse minutieuse qui a été menée au sol. Le cabinet qui a réalisé l'étude chiroptérologique, a d'ailleurs conduit 16 sorties de manière à couvrir l'ensemble de la période d'activité du cycle biologique des chiroptères, de sorte que les potentialités chiroptérologiques locales ont été étudiées. L'emplacement des points d'écoute a ainsi " été déterminé de manière à inventorier les espèces présentes dans le secteur et appréhender l'utilisation que ces espèces font des habitats concernés par le projet " de sorte que quatre points d'écoute passive ont " été répartis de manière à échantillonner des éléments paysagers caractéristiques de l'aire d'étude rapprochée ainsi que des habitats potentiellement favorables ", auxquels ont été ajoutés " dix points d'écoute active (...) de manière à échantillonner des éléments particuliers de la zone d'étude afin d'affiner la compréhension de l'utilisation des habitats par les chiroptères ainsi que leurs déplacements. Des zones de chasses potentielles ont notamment été recherchées ainsi que la fonctionnalité de certaines lisières afin d'avoir une meilleure vision des impacts potentiels du projet ". Les constatations relevées ont d'ailleurs conduit à la nécessité de mettre " au point un plan de bridage afin de limiter les collisions et ainsi ne pas remettre en cause le bon état écologique des espèces locales et migratrices ". Enfin, l'article 7.1 de l'arrêté impose des enregistrements automatiques de l'activité de ces espèces en altitude, à hauteur de nacelle durant une année, ces enregistrements devant être réalisés concomitamment au suivi de mortalité imposé par l'arrêté ministériel du 26 août 2011. Par suite et alors qu'en tout état de cause, des écoutes en altitude ont été menées postérieurement à l'étude qui confirment le faible impact du projet sur les chiroptères, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ne peut qu'être écarté.

Quant à l'étude d'impact sur les paysages :

17. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude paysagère, qui complète l'étude d'impact, que 20 photomontages ont été réalisés à partir de plusieurs hameaux situés à proximité immédiate du projet notamment à la sortie des villages et du Château de La Rochefoucauld et du Mémorial de Chasseneuil en direction des éoliennes afin de pouvoir apprécier l'impact visuel de ces dernières sur les habitations les plus proches. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que des photomontages soient effectués à partir de chacune des habitations ou monuments susceptibles d'être impactés par les éoliennes. Les requérants n'établissent pas que le public ou le préfet n'aurait pas disposé d'éléments suffisants et pertinents pour apprécier les conséquences visuelles du projet. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point ne peut qu'être écarté.

Quant à l'étude de dangers :

18. D'une part, il résulte de l'étude de dangers qu'elle a été réalisée sur la base d'un raisonnement scientifique, à la faveur de calculs mathématiques, conformément au guide technique d'élaboration de l'étude de dangers dans le cadre des parcs éoliens de mai 2012. Elle ne fait donc pas intervenir une appréciation subjective. Par suite, la seule circonstance, relevée par le commissaire enquêteur, que l'étude a été réalisée par un membre de la société Valeco dont la SARL Parc Eolien de Chasseneuil est une filiale ne suffit pas à remettre en cause l'objectivité de ce document, alors en tout état de cause que l'autorisation est délivrée par l'autorité préfectorale.

19. D'autre part, il résulte de l'instruction que si la grotte de la Fuie n'est pas mentionnée dans l'étude de dangers, c'est parce qu'elle ne se situe pas dans la zone d'implantation du parc éolien et que si cette étude n'évoque pas de cavités souterraines c'est parce qu'après analyse du dossier départemental des risques majeurs (DDRM) de Charente, aucune cavité n'a été recensée dans la zone d'étude. Si, comme l'indique le DDRM, des gouffres ont effectivement été révélés à l'occasion de travaux en décembre 2003 sur le territoire de la commune de Chasseneuil-sur-Bonnière, l'effondrement et le glissement de ce terrain se sont toutefois produits à environ 3 kilomètres du projet, soit en dehors de la zone d'implantation potentielle. De même, les requérants ne sauraient davantage reprocher l'absence de prise en compte de la grotte de Camelot qui ne se situe pas sur le site d'implantation. Enfin, il ressort de l'étude de dangers que les mesures de sécurité mises en place depuis 2005 ont conduit à constater, par retour d'expérience, qu'aucun effondrement n'a eu lieu sur les éoliennes mises en service depuis 2005. Il suit de là et alors que l'article 8.2 de l'autorisation attaquée prévoit une prescription selon laquelle " la réalisation des sondages de reconnaissance est soumise à l'avis préalable d'un expert géotechnique afin de confirmer l'absence de cavité dont le comblement serait nécessaire à l'édification du parc et de nature à créer un impact sur le bon écoulement des eaux souterraines " que les caractéristiques du terrain d'implantation et notamment les risques d'effondrement ont été suffisamment étudiés en amont.

En ce qui concerne la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles :

20. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'Etat à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime (...) ".

21. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

22. Il ressort des pièces du dossier que l'emprise définitive du parc éolien de Chasseneuil-sur-Bonnieure, d'environ 3 640 m², ne représente que 0,02 % des 1 487 ha de surfaces agricoles de la commune et il ressort de l'étude d'impact que des pistes, créées ou renforcées dans le cadre de la mise en place du parc éolien, pourront être utilisées pour l'activité agricole et que le réseau interéolien créé suivra principalement les chemins afin de ne pas remettre en cause la vocation agricole des terrains environnants ou, à défaut, sera suffisamment enterré pour permettre la poursuite de l'activité agricole. Ainsi, dès lors que la réduction des surfaces des exploitations agricoles existantes est particulièrement minime, et alors d'ailleurs que le président de la chambre d'agriculture a donné un avis favorable au projet, le vice tenant au défaut de consultation de cette commission n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision prise et n'a pas davantage privé quelque intéressé d'une garantie. Par suite, c'est à tort que les requérants soutiennent que le défaut de consultation préalable de la commission prévue à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme est de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

23. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire (...) 3° Respecter les conditions de délivrance de la dérogation mentionnée au 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, lorsque l'autorisation unique tient lieu de cette dérogation (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".

S'agissant du déplacement allégué de l'éolienne n° 4 :

24. L'article 9.3 de l'arrêté attaqué prévoit que, pour respecter les impératifs de sécurité aérienne, l'éolienne E4 soit installée " à une cote ne dépassant pas 127 m A... ". Cette mention sommitale ne traduit pas nécessairement un déplacement de cette éolienne. C'est donc sans portée utile que les requérants soutiennent que la topographie des lieux ne permet pas d'assurer le déplacement de l'éolienne n° 4.

S'agissant de l'impact sur l'avifaune et les chiroptères :

25. D'une part, il ressort tant de l'étude avifaunistique que de l'avis de la direction départementale des territoires que l'avifaune est préservée de toute atteinte susceptible de remettre en cause son bon état de conservation. En effet, si des espèces protégées ont effectivement été répertoriées en période de nidification, les éoliennes évitent tous les habitats d'espèces de passereaux présentant un enjeu. En outre, si des risques de collision existent, le comportement des espèces protégées présentes, notamment les grues cendrées qui migrent majoritairement à une hauteur supérieure à celle des éoliennes limite considérablement ce risque. Il ressort également de l'étude d'impact que le milan noir, le milan royal, le vanneau huppé, le circaète Jean le Blanc ou encore la bondrée apivore n'utilisent pas le couloir éolien de façon principale, ce qui limite les risques de collision. En se bornant à se fonder sur une énumération des espèces recensées sur le site d'étude et en invoquant " un risque probable de collision " sans aucune considération de l'impact réel du projet sur ces espèces, les requérants ne démontrent pas qu'une atteinte serait constituée. Par suite, et alors que l'arrêté querellé oblige l'exploitant à mette en œuvre un bridage des éoliennes, permettant de réduire sensiblement les risques de collision de l'avifaune en période migratrice, et qu'est prescrit un suivi de l'avifaune entre le début avril et la fin octobre, au pied de toutes les éoliennes, durant les trois ans suivant la mise en place du parc éolien, l'impact sur les avifaunes est suffisamment limité et ne remet donc pas en cause la nécessaire protection de biodiversité.

26. D'autre part, il ressort de l'étude d'impact que si ont été recensées sur le site 7 espèces de chiroptères qui présentent un intérêt patrimonial et que des risques sérieux de collision ont pu être identifiés à l'égard de certaines espèces, l'impact n'en est pas moins seulement résiduel dès lors que les éoliennes sont relativement éloignées des zones humides du secteur où l'activité chiroptérologique est la plus importante et qu'aucune éolienne n'est implantée directement au sein d'un habitat considéré comme une zone à enjeux forts ou modérés. Si les requérants soutiennent, en se prévalant des recommandations théoriques de la SFEPM ou d'Eurobats, que l'implantation d'éoliennes à moins de 200 mètres des lisières et haies ne peut être retenue sans risque pour les chiroptères, ils ne démontrent toutefois pas la nécessité d'une telle exigence au regard des caractéristiques du terrain et du projet. Les requérants n'apportent pas davantage d'éléments de nature à établir que la mise en place d'un bridage du 1er avril au 15 octobre, période où les espèces de chiroptères sont actives, serait insuffisant. Ils n'établissent pas non plus que ce bridage qui survient à partir d'une vitesse de vent de 5 m/s ne serait pas adapté. La période prescrite de suivi de mortalité entre le début avril et la fin octobre, soit sur environ 150 jours est également suffisante, les requérants n'établissant pas que l'absence de dispositif de " caméra enregistreuse " rend ce suivi dépourvu de toute pertinence. Enfin, dès lors qu'il ressort de l'étude d'impact que " 94 % de la mortalité induite par les éoliennes a lieu à des températures supérieures à 13°C ", c'est à tort que les requérants font valoir que le bridage des éoliennes devrait être déclenché dès que 10 degrés sont dépassés et non pas au-dessus des 13 degrés ainsi que le prescrit l'arrêté. De même, dans la mesure où les chauves-souris entrent dans une phase d'hibernation qui commence en novembre et se termine dans le courant du mois de mars, c'est à juste titre que l'arrêté querellé ne prescrit un plan de débridage qu'à partir du 1er avril.

S'agissant de l'atteinte au paysage, au patrimoine et à la commodité du voisinage :

27. Les requérants soutiennent que " le projet sera implanté en bordure de la Vallée de la Bonnieure, dans l'unité paysagère du Pays de Karst et, dans une moindre mesure dans l'unité paysagère du Ruffecois " et que le projet sera situé à " seulement 5 km " de la commune de La Rochefoucauld et de son " château magistral ".

28. Toutefois et d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude d'impact que les éoliennes en cause s'implantent sur des parcelles agricoles dans un paysage bocager marqué par des traces d'artificialisation et d'anthropisation comprenant des lignes haute tension, des châteaux d'eau et des poteaux téléphoniques. Ce paysage ne présente pas un caractère remarquable, unique ou particulièrement singulier. De même, selon le rapport de l'inspection des installations classées sur la question paysagère, le paysage commun de la zone d'implantation offre des enjeux paysagers limités et cette zone est modérément sensible du fait du caractère aéré et régulier du projet et d'un habitat dispersé.

29. En se bornant à reproduire un extrait de l'avis simple du département de la Charente, lequel se limite à faire état de la présence potentielle de covisibilités et de la présence de hameaux, notamment Le Breuil et Brussas, ou encore, à 5 km, celle du château de la Rochefoucauld, les requérants ne caractérisent pas l'existence d'une atteinte compte tenu de la distance et de leur implantation. De même, si les éoliennes du projet sont effectivement visibles depuis le mémorial de la résistance, aucune atteinte n'est pour autant constituée dès lors qu'elles s'inscrivent de façon harmonieuse dans la ligne d'horizon, à la même hauteur que les éléments verticaux structurants.

En ce qui concerne l'absence de dérogation à la destruction d'espèces protégées ou de leurs habitats :

30. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

31. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

32. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, créé par l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (...) 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 12-1. (...). " En vertu du I de l'article L. 181-2 du même code : " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181 1 y est soumis ou les nécessite : (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411 2 (...) ". Selon l'article L. 181-3 de ce code : " (...) II. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation (...) ".

33. Il résulte des dispositions précitées que les autorisations uniques instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure au 1er mars 2017, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, sont considérées, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales. Dès lors que l'autorisation environnementale créée par cette ordonnance tient lieu des diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés au I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, dont la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale issue de l'autorisation unique délivrée par la préfète peut être utilement contestée au motif qu'elle n'incorpore pas, à la date à laquelle la cour statue, la dérogation dont il est soutenu qu'elle est requise pour le projet en cause.

34. D'une part, il ressort de l'étude d'impact et notamment d'un tableau aux pages 110 et 111 du volet sur le milieu naturel qu'après mise en œuvre des mesures d'évitement, il ne résulte aucun impact significatif sur les différentes espèces d'avifaune présentes localement. Si la direction départementale des territoires a indiqué qu'il convenait " d'étudier la possibilité d'un dépôt de demande de dérogation à la destruction d'espèces avec le service expert de la DREAL ", il ne peut être déduit de cet avis que s'imposait la nécessité de demander une dérogation. Les requérants qui n'apportent aucun élément de nature à établir des risques de collisions autres qu'exceptionnelles des grues cendrées et des busards Saint-Martin avec les éoliennes, ni de façon plus générale des risques des perturbations, destructions, altérations ou dégradations de nature à remettre en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces considérées, ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en tant qu'il n'incorpore pas la dérogation prévue par les dispositions précitées.

35. D'autre part, il ressort de l'étude chiroptérologique et notamment d'un tableau en page 95 de celle-ci, qu'après la mise en œuvre des mesures d'évitement prévues par le pétitionnaire et rappelées au point 28 du présent arrêt, l'impact du projet pour la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle de Nathusius, la Noctule commune, la Noctule de Leisler n'est pas significatif. Dans ces conditions, dès lors que le projet litigieux n'est pas de nature à entraîner la destruction de chiroptères, en particulier par collisions accidentelles, il ne relève pas du régime de dérogation pour les espèces, l'interdiction édictée par l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne s'imposant que pour autant que les perturbations, destructions, altérations ou dégradations auxquelles elles font référence remettent en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de reproduction ou de repos des espèces considérées.

36. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requête de l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C... doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. D... C..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C..., la somme de 1 500 euros à verser à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C... est rejetée.

Article 2 : L'association Charente Limousine Environnement, la SCI JMH Immobilière et M. C... verseront solidairement la somme de 1 500 euros à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Charente Limousine Environnement, à la SCI JMH Immobilière, à M. D... C..., à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la SARL Parc Eolien de Chasseneuil.

Une copie en sera adressée pour information à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°19BX02071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02071
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-19;19bx02071 ?
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