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14/10/2021 | FRANCE | N°19BX02210

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 octobre 2021, 19BX02210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 février 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a refusé de regarder comme imputable au service l'épisode déclaré le 23 mai 2016 comme un accident de service.

Par un jugement n° 1701731 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin 2019 et

3 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 février 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a refusé de regarder comme imputable au service l'épisode déclaré le 23 mai 2016 comme un accident de service.

Par un jugement n° 1701731 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin 2019 et 3 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du directeur du CHU de Toulouse du 2 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige, motivée par référence au rapport établi le 6 juin 2016 par la responsable de la filière logistique, sans que ce rapport ne soit annexé, est insuffisamment motivée ; de plus, la motivation de la décision ne permet pas de comprendre pour quelle raison le directeur du CHU s'est écarté de l'avis émis par la commission de réforme ;

- la décision a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière ; un procès-verbal de la commission de réforme défavorable avait été pré-rédigé avant la séance ; le centre hospitalier n'a pas tenu compte de l'avis favorable finalement émis par cette commission, ni même indiqué les motifs le conduisant à s'écarter de cet avis ; l'établissement s'est borné à suivre une procédure consultative par obligation réglementaire, mais avait d'emblée l'intention de prendre une décision de refus ; la décision ne pouvait être prise sans une contre-expertise médicale ;

- le refus de reconnaître l'accident de service survenu le 23 mai 2016 est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; elle a subi un choc émotionnel et psychologique induit par la décision du 19 mai 2016 de la muter brutalement à compter du 23 mai suivant sur un poste inadapté à son état de santé et avec comme supérieure hiérarchique une agente qui lui était hostile ; lors de l'entretien du 23 mai 2016, l'annonce du maintien de cette décision lui a occasionné un choc ; l'expertise médicale diligentée par le CHU commet une erreur d'interprétation de la notion d'imputabilité au service ; il ressort des constatations médicales de cette expertise que son état dépressif est imputable à son changement d'affectation et au maintien de cette décision ; le rapport prétendument établi le 6 juin 2016 par la responsable de la filière logistique est un document falsifié, en réalité établi par le service des ressources humaines et produit en octobre dans le cadre d'un litige pour harcèlement moral, qui relate une présentation mensongère des faits survenus le 23 mai 2016 et n'est pas signé ; à l'issue de l'entretien du 23 mai 2016, son état de choc a été constaté par deux de ses collègues ; son effondrement psychologique n'a pas été déclenché par la procédure de divorce alors en cours, mais par la conduite de l'entretien dénigrant et éprouvant du 23 mai 2016 avec ses supérieurs hiérarchiques, au cours duquel elle a pris conscience de la portée du changement d'affectation qui lui avait été annoncé ; elle ne présentait alors aucun antécédent dépressif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est suffisamment motivée ; les motifs sont contenus dans la décision elle-même, et non par référence au rapport établi le 6 juin 2016 par la responsable de la filière logistique ; la requérante, qui a consulté son dossier le 4 juillet 2016, avait connaissance de ce rapport ;

- la procédure consultative suivie devant la commission de réforme n'est pas viciée, ladite commission s'étant prononcée après avoir tenu compte des observations de la requérante ;

- il n'était pas lié par l'avis de la commission de réforme, qui était seule à même de diligenter une nouvelle expertise médicale si elle s'estimait insuffisamment éclairée ;

- la requérante ne démontre pas l'existence d'un accident de service, c'est-à-dire d'un fait précis et soudain suffisamment marquant ; qu'il ne ressort d'aucune pièce que les propos tenus par les supérieurs hiérarchiques de Mme A... durant l'entretien du 23 mai 2016 auraient excédé les limites normales du pouvoir hiérarchique ; les témoignages produits par la requérante émanent d'agents qui n'ont pas assisté à cet entretien ; ainsi que cela ressort de la déclaration d'accident de service de Mme A..., sa pathologie n'est pas liée à un fait précis et soudain, quand bien même elle serait rattachable au service ; les seuls certificats d'arrêt de travail ne suffisent pas à établir un lien de causalité direct entre sa pathologie et le service.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Duverneuil, représentant Mme A..., et de Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent de maîtrise titulaire, qui était alors affectée sur un poste de régulatrice téléphonique au sein du service " 801 " du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, a déclaré un accident survenu le 23 mai 2016 sur son lieu de travail, lors d'un entretien avec ses supérieurs hiérarchiques portant sur une décision de changement d'affectation. Par une décision du 2 février 2017, le directeur du CHU de Toulouse a refusé de regarder cet évènement comme imputable au service aux motifs que la matérialité de l'évènement tel que décrit par Mme A... n'était pas établie et que cet épisode ne présentait pas le caractère d'un évènement soudain qui serait à l'origine des lésions déclarées. Mme A... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraire, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service un évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Aux termes de l'article 21 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " La demande tendant à ce que la maladie ouvrant droit à congé de longue durée soit reconnue comme ayant été contractée dans l'exercice des fonctions doit être transmise à la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. L'avis de la commission départementale de réforme ainsi que le dossier qu'elle a examiné sont transmis à l'autorité investie du pouvoir de nomination ".

5. En premier lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision attaquée, qui énonce les éléments de fait qui la fondent, n'est pas motivée par référence au rapport établi le 6 juin 2016 par la responsable de la filière logistique. La circonstance que ce document n'ait pas été annexé à la décision n'est ainsi pas de nature à affecter sa motivation.

6. En deuxième lieu, il est constant que, comme le prévoient les dispositions précitées de l'article 21 du décret du 19 avril 1988, le CHU de Toulouse a consulté la commission départementale de réforme avant d'édicter la décision en litige. La seule circonstance qu'un avis défavorable aurait été pré-rédigé avant la séance de cette commission n'est pas de nature à vicier la procédure alors qu'il n'est pas soutenu que cette commission, qui a d'ailleurs finalement émis le 12 janvier 2017 un avis favorable sur la demande de Mme A..., n'aurait pas procédé à l'examen des éléments et observations qui lui étaient soumis. Le directeur du CHU de Toulouse n'était pas lié par l'avis émis par ladite commission, ni davantage tenu de diligenter une nouvelle expertise médicale pour s'écarter de cet avis. Ainsi, la circonstance qu'il n'ait pas suivi cet avis est sans incidence sur la régularité de la procédure de consultation de cette commission.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 16 mai 2016, Mme A... a été affectée à compter du 23 mai suivant sur un poste de conductrice de navettes. L'intéressée a été informée de ce changement d'affectation le 19 mai 2016, et a été reçue en entretien le 23 mai 2016, sur sa demande, par la responsable de la filière logistique et le responsable du service transports de biens. Elle fait valoir que lors de cet entretien éprouvant, au cours duquel ses supérieurs hiérarchiques ont tenu à son égard des propos dénigrants, elle a pris conscience de la portée du changement d'affectation dont elle faisait l'objet, sur un poste inadapté à son état de santé et sous les ordres d'une supérieure hiérarchique avec laquelle elle entretenait des relations conflictuelles. Elle soutient que cet entretien lui a occasionné un choc émotionnel à l'origine d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Elle produit notamment le certificat médical d'arrêt de travail initial pour une durée de cinq jours établi le 23 mai 2016, qui mentionne une " angoisse ", un " stress à l'idée de partir au travail " et une " insomnie ", ainsi qu'un certificat de prolongation de son arrêt de travail.

8. Toutefois, il est constant que, lors de l'entretien du 23 mai 2016, la requérante avait connaissance depuis plusieurs jours de la décision de changement d'affectation dont elle faisait l'objet, qui ne lui a ainsi pas été annoncée lors de cet entretien. Un certificat médical établi dès le 20 mai 2016 par son médecin traitant, soit antérieurement à l'entretien en cause, fait état de ce que Mme A... présentait déjà un état dépressif en lien avec son travail et sa situation familiale, et cette dernière a elle-même indiqué, dans sa déclaration d'accident de travail souscrite le 23 mai 2016, s'estimer " victime d'harcèlement (...) depuis la mise en place de la nouvelle organisation ". L'expertise médicale diligentée par le CHU de Toulouse, dont le rapport a été remis le 29 septembre 2016, relève que si les troubles anxieux et dépressifs présentés Mme A... sont réactionnels à ses difficultés professionnelles, ils ne sont pas rattachables à un accident du travail. Il ne ressort enfin d'aucune pièce du dossier que, lors de l'entretien du 23 mai 2016, les supérieurs hiérarchiques de Mme A... aient ait tenu des propos ou ait adopté un comportement qui auraient excédé l'exercice normal de leur pouvoir hiérarchique. Dans ces conditions, la pathologie de Mme A..., quand bien même elle serait en lien avec ses conditions de travail, ne peut être regardée comme trouvant son origine dans un accident de service au sens des principes rappelés ci-dessus. Ce motif justifiait, à lui seul, la décision en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, être accueillies.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Toulouse les frais que Mme A... a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement de quelque somme que ce soit sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 19BX02210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02210
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers. - Allocation temporaire d'invalidité. - Notion d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET VACARIE et DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-14;19bx02210 ?
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