Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 16 juin 2017 par laquelle par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a décidé son changement d'affectation dans l'intérêt du service.
Par un jugement n° 1703833 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Duverneuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 16 juin 2017 du directeur du centre hospitalier universitaire
de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse une somme de 2 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision de changement d'affectation n'est pas une mesure d'ordre intérieur, mais constitue une sanction déguisée ; cette décision repose sur la volonté de la sanctionner et de dégrader ses conditions de travail en l'éloignant du site de Purpan ; elle est d'ailleurs intervenue dans un contexte d'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre de plusieurs membres du CHSCT, et elle a elle-même fait l'objet d'un blâme le 14 juin 2017 ;
- ce changement d'affectation traduit une discrimination en raison de son appartenance syndicale et de son mandat de représentante du personnel ;
- cette affectation, non plus en bloc opératoire, mais dans un service de soins, a entraîné une modification de ses horaires de travail et un alourdissement de sa charge, le nombre de week-ends travaillés étant plus nombreux ; cette décision a en outre rendu plus difficile l'exercice de son mandat de représentante du personnel au sein du CHSCT local de Purpan Est, n'étant plus sur place mais affectée sur un site extérieur ; la circonstance qu'elle ait, postérieurement à la décision attaquée, obtenu une décharge syndicale d'activité, ne saurait être prise en compte pour apprécier les effets de cette décision ;
- elle n'a pas été mise à même de se défendre lors de son changement d'affectation, ni davantage de se voir notifier la décision de blâme ; elle a été la seule à ne pas pouvoir contester cette sanction, alors qu'elle avait présenté des observations argumentées contestant la matérialité des faits qui lui étaient reprochés dans les différents rapports rédigés depuis 2017 par le personnel d'encadrement ;
- la décision attaquée a eu pour but d'entraver son mandat de représentante du personnel durant l'audit de son service, dont elle avait révélé les dysfonctionnements, en particulier des glissements de tâches ;
- les attributions des membres du CHST ont été rappelées à la direction de l'établissement par un courrier de l'inspecteur du travail du 19 juillet 2017, qui a souligné les difficultés de mise en œuvre de leur mission ; les rapports rédigés par des cadres de santé révèlent une méconnaissance des attributions des membres du CHSCT ;
- ce changement d'affectation, qui constitue une sanction déguisée et une discrimination syndicale, s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral, également révélé par ses évaluations professionnelles, ainsi que par la proposition qui lui a été faite dès janvier 2017 de changer de service et le grand nombre de rapports rédigés par le cadre de santé depuis sa réintégration en janvier 2017 ; d'autres représentants syndicaux ont d'ailleurs fait l'objet de mesures de changement d'affectation ayant pour finalité réelle de les sanctionner ; le détournement de pouvoir est donc avéré ;
- en toute hypothèse, il était inéquitable de mettre à sa charge les frais d'instance exposés devant le tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le changement d'affectation a été décidé dans l'intérêt du service ; le comportement adopté par Mme B... depuis janvier 2017 avait créé un climat conflictuel entre les agents compromettant le bon fonctionnement du service ; Mme B... contribuait à entretenir quotidiennement ce climat conflictuel ;
- ce changement d'affectation n'emporte aucune perte de rémunération ou de responsabilité Mme B... ; elle ne conteste pas que ses nouvelles fonctions étaient en adéquation avec son grade ; son affirmation selon laquelle cette nouvelle affectation aurait modifié son temps de travail n'est pas corroborée par les pièces du dossier ;
- la seule circonstance que la décision ait été prise en considération de la personne est sans incidence sur la recevabilité du recours et ne permet pas de caractériser une sanction déguisée ; le même comportement peut donner lieu, concomitamment, à une sanction disciplinaire et à un changement d'affectation commandé par l'intérêt du service ;
- aucun élément ne permet de présumer l'existence d'une discrimination syndicale ; la décision attaquée n'est pas justifiée par une volonté d'empêcher l'intéressée d'exercer ses responsabilités syndicales ; la nouvelle affectation n'a pas eu d'incidence sur sa qualité de membre du CHSCT Purpan Est ;
- la requérante n'apporte aucun élément susceptible de faire présumer des agissements constitutifs de harcèlement moral ;
- la décision ne revêtant pas un caractère disciplinaire, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure disciplinaire ne saurait prospérer ;
- la décision n'avait pas à être motivée et Mme B... a été mise à même de présenter ses observations ;
- la décision ne s'inscrit nullement dans le cadre d'agissements de harcèlement moral, et ne repose pas davantage sur un détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duverneuil, représentant Mme B..., et de Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., aide-soignante titulaire en poste au bloc opératoire de l'hôpital des enfants du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, a fait l'objet d'une décision du 16 juin 2017 du directeur de l'établissement l'affectant, à compter du 3 juillet 2017, au sein du service de chirurgie générale et gynécologique du pôle digestif du centre hospitalier. Elle relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de changement d'affectation.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., représentante syndicale de la confédération générale du travail (CGT) et membre désigné par ce syndicat au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) local du site Purpan Est, a été affectée, par la mesure en litige, au service de chirurgie générale et gynécologique du pôle digestif, sur le site de l'hôpital Rangueil. Cette mesure est motivée par l'intérêt du service, en raison du comportement de l'intéressée qui, depuis le début de l'année 2017, avait créé et entretenu un climat conflictuel entre les agents et avec le personnel d'encadrement, compromettant le bon fonctionnement du service.
4. En premier lieu, la requérante ne conteste pas avoir été affectée, par la mesure en litige, sur une poste correspondant à son grade, et ne soutient pas davantage que cette nouvelle affectation aurait entraîné pour elle une perte de responsabilité ou de rémunération. Si elle fait valoir, sans au demeurant l'établir, que cette nouvelle affectation aurait eu pour effet de modifier ses horaires de travail, cette seule circonstance ne saurait être qualifiée d'atteinte aux droits et prérogatives que Mme B... tient de son statut.
5. En deuxième lieu, il ressort des nombreux éléments versés au dossier, notamment des rapports rédigés par des cadres de santé et des témoignages de membres du personnel médical et non-médical, qu'à compter du 6 janvier 2017, date à laquelle la décharge totale d'activité dont Mme B... bénéficiait en qualité de représentante syndicale a pris fin, la requérante a adopté au sein de son service, le bloc pédiatrique de l'hôpital des enfants, une attitude conflictuelle générant un climat de tensions. Ainsi, lors de réunions de service, notamment celles dédiées à l'harmonisation des congés d'été ou à l'accueil d'agents de services hospitaliers au sein du service, la requérante, quelle que soit la légitimité de ses revendications, s'est exprimée sur un ton agressif et véhément, parfois même menaçant, en s'opposant de manière systématique aux cadres de santé. L'intéressée a en outre, à plusieurs reprises, refusé de suivre les consignes qui lui étaient données par sa hiérarchie, notamment s'agissant de ses horaires de travail. Elle a également initié sans autorisation, sur le temps de service, des réunions dédiées aux conditions de travail, qui ont conduit à perturber le bon fonctionnement du service du fait de l'indisponibilité des agents participant à ces réunions. Enfin, plusieurs agents du service se sont plaints auprès de leur hiérarchie du climat de tension que la requérante entretenait au sein de ce service. Ces faits, dont la matérialité n'est pas sérieusement discutée, étaient de nature à justifier un changement d'affectation commandé par l'intérêt du service. Si ces mêmes faits ont donné lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle un blâme a été infligé à l'intéressée, cette circonstance ne révèle pas que le changement d'affectation en cause aurait eu pour finalité de la sanctionner. Dans ces conditions, alors même qu'il a été décidé pour des motifs tenant au comportement de l'intéressée, le changement d'affectation de Mme B..., prononcé dans l'intérêt du service, ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.
6. Mme B... soutient aussi que le changement d'affectation dont elle a fait l'objet constitue une discrimination à raison de son appartenance syndicale et de son mandat de représentante du personnel au sein du CHSCT de l'établissement. Cependant, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce changement d'affectation a été décidé, non pas à raison de ses activités syndicales, mais au motif que le comportement adopté par l'intéressée à l'égard tant de ses collègues que de sa hiérarchie générait un climat de tension tel qu'il mettait en cause le bon fonctionnement du service. Dans ces conditions, la décision en litige ne saurait être regardée comme constitutive d'une discrimination.
7. Enfin, s'il est vrai que son affectation au sein d'un service implanté à l'hôpital Rangueil a eu pour effet de l'éloigner du site de l'hôpital Purpan, le CHU de Toulouse fait valoir sans être contredit que l'intéressée est cependant demeurée membre du CHSCT local de Purpan Est, et la requérante n'établit pas que cette nouvelle affectation l'aurait empêchée d'exercer normalement son mandat. Il n'a dès lors pas non plus été porté atteinte à l'exercice, par la requérante, de ses droits et libertés fondamentaux.
8. Dans ces conditions, le changement d'affectation de Mme B... à compter du 3 juillet 2017, qui ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est pas constitutif d'une discrimination à raison de son appartenance syndicale et de son mandat de représentante du personnel, ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, et n'a pas emporté de perte de responsabilités ou de rémunération. Il doit, compte tenu de ses effets limités sur sa situation professionnelle, être, par suite, regardé comme une mesure d'ordre intérieur, prise dans l'intérêt du service, et dès lors insusceptible de recours.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. En premier lieu et eu égard à ce qui vient d'être exposé, Mme B... n'est pas fondée à solliciter la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge du CHU de Toulouse les frais que Mme B... a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement au CHU de quelque somme que ce soit sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02208